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Patrice Derenoncourt : Le départ d’un cerveau de trop par l’insécurité incontrôlable dans le pays

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La nouvelle de  l’assassinat du Professeur Patrice Derenoncourt a été annoncée sur la page Facebook d’Yves Lafortune, le 31 octobre 2021. Un cerveau supplémentaire que le pays perd dans des conditions révoltantes. Pourtant, à mesure que la liste s’allonge, la résignation se fait palpable.

Le Professeur Derenoncourt est mort,suite à son enlèvement. Cette triste annonce de Yves Lafortune, reprise par plusieurs médias, a bouleversé la sphère universitaire, particulièrement les élèves du feu Professeur. En effet, malgré les différentes notes publiées réclamant sa libération, malgré la rançon versée, selon Yves Lafortune, l’homme a été annoncé mort et enterré par ses kidnappeurs plusieurs jours après, au grand désarroi de ceux qui espéraient sa libération, comme cela se passe pour beaucoup d’autres, comme beaucoup se surprennent à s’y habituer.

Pour plusieurs de ses étudiants, cela a été un choc. Leurs frustrations se sont étalées sur les réseaux sociaux, des notes d’université déplorant l’acte sont apparues aussi sur la scène. Le monde universitaire pleure la perte de l’un de ses cerveaux – d’un homme, qui, selon l’un de ses étudiants, se souciait vraiment de l’éducation des jeunes – alors qu’il ne s’est pas encore consolé de la mort du Bâtonnier Monferrier Dorval qui n’a toujours pas obtenu sa justice.

« J’ai eu mon premier cours avec le Professeur Derenoncourt, la veille de son enlèvement. Je ne pouvais pas savoir que c’était le dernier qu’il dispenserait à la faculté », témoigne Jephtanie, encore secouée. Elle explique que le feu Professeur faisait son cours sur l’organisation de l’Ile d’Haïti avant l’arrivée de Christophe Colomb, en prenant soin d’expliquer que, malgré la subdivision de l’Ile en cinq caciquats, il existait une bonne et étroite collaboration entre les caciques qui étaient prêts à s’entraider à la moindre menace venant de l’extérieur. Une situation qui n’existe plus aujourd’hui, ce qui avait poussé le Professeur à encourager ses étudiants à prendre en main leur histoire, tel le futur du pays qu’ils représentent. C’est le dernier cours d’histoire sur les institutions politiques haïtiennes qu’il a dispensé.

Ingénieur, avocat, criminologue et universitaire, Patrice Derenoncourt apparaissait dans plusieurs débats et conférences. « C’était quelqu’un de très visible à la faculté, il était souvent l’invité d’honneur pour discuter des sujets d’actualité du pays. Il ne cessait jamais de semer des graines d’espoir en nous », continue Jephtanie qui déclare qu’il enseignait, entre autres, le droit constitutionnel et la sociologie juridique à la Faculté des Sciences Économiques et des Sciences Politiques (FSESP) de l’Université Notre-Dame d’Haïti (UNDH). Elle avoue qu’il lui est difficile de concevoir que quelqu’un d’aussi optimiste quant à l’avenir, puisse perdre sa vie dans ces conditions.

Le règne de la résignation ?

Le feu Professeur est parti. Comme cela a été le cas pour Monferrier Dorval avant lui. Comme c’est le cas aussi pour des centaines d’autres âmes qui partent au fil des jours, sous des balles assassines. Le pays continue à perdre ses ressources humaines, sous les yeux de ses habitants léthargiques ; ceux qui ne sont pas assassinés cherchant à se réfugier à l’étranger.

Si plusieurs médias ont rapporté les faits, si des élèves du feu Professeur déplorent les faits, Sandy estime que cette mort est passée quasiment sous silence. Elle estime que le travail qu’il faisait et la manière dont il est mort aurait dû soulever plus de gens, indigner beaucoup plus. « Nous parlons de quelqu’un qui formait des gens, qui les préparait pour l’avenir du pays. Quelqu’un qui aurait pu laisser le pays, mais qui avait choisi de rester et de vouer sa vie à l’éducation parce qu’il nourrissait de l’espoir pour Haïti », lâche-t-elle, en ajoutant que  les gens commencent à intégrer le kidnapping comme une culture. «  On s’y habitue. On essaie de vivre avec, de prendre des précautions, au lieu de combattre l’inacceptable », affirme-t-elle. Pour elle, le respect de la vie se perd en Haïti et avec lui, l’humanité.

Ketsia Sara Despeignes

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