Petite leçon de démocratie
4 min readNul n’est sans savoir qu’Haïti, de nos jours, traverse l’une des périodes les plus difficiles de son existence. Des troubles politiques, une insécurité galopante, une économie à genoux, un système éducatif en lambeaux, bref, c’est la confusion totale sur le territoire de Jean-Jacques Dessalines. Tout émane d’une politique d’affrontement qui persiste depuis bientôt trois ans entre une opposition sans vision qui ne cumule que des aventures et un exécutif qui peine à diriger. Ce scénario d’attaques et de contre-attaques laisse le champ libre à la communauté internationale de qui se permet de faire le point à tout propos.
Si vous voulez que l’opposition coriace et jusqu’au-boutiste vous traite en ami, ne lui demandez pas où est son alternative post-Jovenel. Et si l’on veut que M. Moïse vous encense et vous tresse des lauriers, ne lui demandez pas de composer avec les politiques traditionnels, ni de quitter avant terme le pouvoir, encore moins d’honorer ses innombrables promesses envers le peuple. Ils ont tout fait pour rendre le pays invivable: pays lock (pas moins de trois fois), gangstérisation du territoire, vandalisation des institutions, violations systématique des lois, assassinats à répétition, dénonciations réciproques, voilà le calice offert au peuple qui continue de végéter dans la boue, la misère, le chômage et l’insécurité, entre autres.
On peut tout dire de la communauté internationale. Qu’elle joue un rôle d’oppresseur ou pas, elle a fait plusieurs interventions dans la politique haïtienne ces derniers temps soit pour dire halte-là, soit pour mettre le feu dans la paille. Dans la foulée, la pauvre nation qui ne veut pas rapatrier les valeurs morales, assiste passivement aux actions des politiciens aliénés qui ne sont guidés que par un seul principe : ôtes-toi que je m’y mette.
Cependant, il faut aussi regarder la chaîne des interventions avant de mettre au pilori ces pays dits amis d’Haïti. Cela ne sous-entend pas qu’ils sont de bonne foi, néanmoins, dans l’intervalle, ils ont appelé Jovenel Moïse à diriger le pays, ils ont invité les deux camps au dialogue, ils ont appelé au retour (malgré tout tardif) à l’ordre constitutionnel.
Si les USA n’ont pas caché leur support inconditionnel à Jovenel Moïse en l’invitant à réaliser les élections malgré la conjoncture, la France au contraire a montré son attachement à la démocratie. Les deux diplomaties s’entendent sur une chose : les élections (base de la démocratie), mais divergent sur les moyens. Les Américains voient la prise du pouvoir sans écarter le risque d’un bain de sang très possible, les Français posent comme préalable les conditions à réunir. Pour ces derniers, l’accession à un poste électif dans un système démocratique dépend essentiellement des votants.
Pour bien jouer leur rôle doivent avoir la quiétude d’esprit, la France, à travers sa prise de position, montre qu’elle priorise pense les hommes par rapport aux intérêts politiques. Elle revient sur le b a ba qui caractérise cette doctrine politique, en l’occurrence: les électeurs et des conditions sereines pour aller aux urnes.
Cela n’est pas une absurdité si l’on pense que l’OEA qui a dit que les élections seront organisées quand le moment sera propice et l’ambassade de France qui appelle à un consensus sur les conditions préalables, que leurs interventions tiennent lieu d’apaisement au naufrage américain récemment (les élections coûte que coûte. Les récalcitrants auront leur récompense). La communauté internationale est une, notamment dans le cas d’Haïti. Du point de vue géopolitique, ces deux puissances s’entendent absolument bien sur les questions diplomatiques. Dire que la France a corrigé le cahier américain serait absurde, dire qu’elle le contredit serait pire, néanmoins, tenant compte de ces deux interventions, le peuple haïtien comprendra vite les notions de démocratie à l’américaine et celles à la française. Pour le premier, la réalisation des élections est une affaire de machine, pour l’autre c’est un processus humain qui amène le peuple à choisir sa destinée.
À ce carrefour, la France vient de relancer les débats en donnant un peu de force aux opposants du pouvoir qui se voyaient écartés du processus sans recours possible. Entretemps, Jovenel Moïse, lui aussi jusqu’au-boutiste, tient le bâton du bon bout. Il opère par pressions successives, son CEP est installé, sa carte Dermalog suit son cours normalement, il est certain que l’opposition ne peut plus se soulever, il a la garantie que la question des élections commence à secouer les acteurs qui s’affrontent, les USA l’appellent à foncer. Parallèlement, l’OEA parle de la nécessité d’attendre le momentum propice, selon une logique similaire à celle de la France qui soulève la question des conditions sine qua non à réunir pour la tenue de bonnes élections dans le pays.