Les Grenadiers ont réalisé l’un des exploits les plus improbables et inspirants de l’histoire des éliminatoires de la Coupe du monde. Sans avoir le privilège de recevoir leurs matchs en Haïti, l’équipe nationale de football a tout de même réalisé l’impossible en décrochant la première place de son groupe, synonyme de qualification directe pour la Coupe du monde 2026, grâce à sa victoire du 18 novembre 2025 à Curaçao face au Nicaragua.
Haïti a vécu une soirée inoubliable le 18 novembre 2025. Cette date, déjà chargée de symboles et d’histoire, restera à jamais gravée dans la mémoire collective des Haïtiens. Des scènes de liesse inimaginables ont eu lieu à Port-au-Prince et dans les villes de province. Un souffle d’espoir tant attendu. La fête était au rendez-vous. Le public haïtien a été submergé par une émotion profonde et un immense sentiment de fierté. Le drapeau haïtien flottera à nouveau sur la scène internationale, 52 ans après, à l’occasion de la plus grande fête planétaire du football qui se tiendra en Amérique du Nord du 11 juin au 19 juillet 2026.
L’unique stade de football du pays, le Stade Sylvio Cator, est assiégé par des individus armés. Depuis plus de cinq ans, le pays est en proie à une violence sans précédent qui a contraint plus d’un million de personnes à fuir leur foyer. Aujourd’hui, c’est un pays en guerre et ravagé par la violence qui célèbre dans les rues la qualification historique des Grenadiers pour la phase finale de la Coupe du monde 2026.
Qualification de la sélection haïtienne de football : pluie de réactions
À la suite de la qualification historique d’Haïti pour la Coupe du monde 2026, de nombreuses personnalités haïtiennes et étrangères ont salué cette étape franchie par les Grenadiers. La présidente du Comité de normalisation de la Fédération haïtienne de football (FHF), Monique André, a salué le courage et la détermination des joueurs. Lors de son intervention au micro de Magik 9, au lendemain de cette qualification, Mme André a exprimé avec émotion sa fierté devant cet exploit. « C’est une euphorie totale. Nous y avons toujours cru collectivement, mais voir le projet se concrétiser est un sentiment totalement différent. Je suis encore submergée par l’émotion », a-t-elle déclaré.
Cette qualification pour la Coupe du monde n’est pas le fruit du hasard. Cet exploit a été rendu possible grâce, d’une part, à un fort sentiment d’unité et, d’autre part, à une détermination sans faille au sein du groupe. « Les joueurs étaient déterminés à participer à cette Coupe du monde. Ils avaient soif de cette qualification. Tout le monde disait que cette Coupe du monde apporterait la joie et la paix dans le pays. La défaite contre le Honduras les a motivés et les a ramenés sur terre », a encore déclaré la présidente de la FHF, précisant qu’elle avait promis aux joueurs de les emmener en Haïti une fois la qualification acquise afin de saluer ce peuple qui ne les a jamais abandonnés. « Nous reviendrons avec le staff pour accueillir nos joueurs », a-t-elle affirmé.
Pour Philippe Vorbe, ancienne gloire du football haïtien et maître à jouer de l’équipe nationale en 1974, ce sont ses rêves qui se réalisent avec cette qualification. Intervenant lui aussi sur Magik 9 le 19 novembre 2025, il a confié qu’il avait toujours rêvé de voir Haïti disputer une nouvelle Coupe du monde avant sa mort.
« Mon rêve s’est réalisé. Ce n’était pas seulement mon souhait, mais celui de toute l’équipe nationale de 1974, de voir une nouvelle génération participer à la Coupe du monde. C’est comme une petite graine qui a germé », a-t-il déclaré.
En tant qu’entraîneur et journaliste sportif, il a également évoqué certains joueurs qui attirent particulièrement son attention : « J’ai une affinité particulière avec deux joueurs. Le premier, en tant qu’entraîneur, est Frantzdy Pierrot : c’est un joueur expérimenté, très mobile, dont la présence sur le terrain est une garantie. Le deuxième est le petit bijou Bellegarde, un milieu de terrain fantastique évoluant en première division en Angleterre. Il sait se déplacer, distribuer le jeu et couvrir tout le terrain : c’est lui qui mène la danse. Depuis son intégration, l’équipe a gagné en niveau. Avec l’arrivée de Casimir, elle a encore progressé. Ces deux joueurs ont une importance extraordinaire », a-t-il confié, avant de saluer aussi Louicius Don Deedson.
Rappelons que Philippe Vorbe est celui qui, en Allemagne, à Munich le 15 juin 1974, a délivré la passe décisive permettant à Emmanuel « Manno » Sanon de marquer son but légendaire face à l’Italie, lors de la Coupe du monde de 1974.
L’Orchestre Septentrional d’Haïti salue les Grenadiers
Dans une note de félicitations publiée le 20 novembre 2025, l’Orchestre Septentrional d’Haïti a déclaré que c’est « avec fierté, émotion et admiration » que le maestro, les musiciens et toute l’équipe administrative saluent « cet exploit historique, fruit de courage, de discipline et de détermination ».
« Haïti brille à nouveau sur la scène internationale, et vous en êtes les dignes ambassadeurs », peut-on lire dans cette note adressée à la sélection nationale. « Que cette victoire inspire toute une génération et rassemble le peuple haïtien autour d’un même rêve : voir notre drapeau flotter haut et fort », souhaite encore l’Orchestre, avant de conclure par un vibrant « bravo et respect » aux Grenadiers.
Les mots du coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Laurent Saint-Cyr
En ce jour hautement symbolique du 18 novembre, date de la bataille de Vertières, les Grenadiers ont offert au peuple haïtien un moment de fierté profonde et de communion nationale, s’est réjoui M. Saint-Cyr.« Leur performance remarquable rappelle que, malgré les épreuves, Haïti demeure debout, résiliente et prête à écrire une nouvelle page de son histoire », a-t-il ajouté dans un communiqué publié ce même 18 novembre 2025.
Sterline Civil : une autre approche
Pour Sterline Civil, ancienne directrice générale du Fonds National de l’Éducation (FNE), « c’est une excellente chose de féliciter les Grenadiers pour leur qualification, mais il importe tout autant de saluer la présidente du Comité de normalisation de la FHF, Monique André, pour son sens du devoir, sa rigueur administrative et son leadership discret ».
Au-delà de la qualification sportive, c’est la réussite d’une gouvernance apaisée, visible à travers le silence des plaintes et la sérénité du groupe, qui mériterait aujourd’hui d’être mise en lumière, souligne Mme Civil. Selon cette dernière, les projecteurs ne devraient pas s’éteindre sur Monique André : ils devraient plutôt éclairer cette nouvelle manière de diriger, qui place le respect des joueurs et la dignité du maillot au centre de tout.
«Ouvè peyi a »
Après la qualification de l’équipe, les Grenadiers ont demandé aux autorités de résoudre le problème d’insécurité qui frappe le pays depuis plus de cinq ans. « Nous avons besoin de rentrer au pays pour fêter la qualification avec la population », a déclaré Ricardo Adé, défenseur de la sélection nationale de football. C’est le même son de cloche du côté de Duckens Nazon et d’autres joueurs.
Jackson Junior RINVIL
