Quand des cleptomanes à col blanc se beurrent les doigts
5 min readPlus le peuple est docile et gentil, plus audacieux se révèlent les coupeurs de poches. Par cleptomanes, je n’entends pas seulement les hommes d’affaires, mais aussi les politiciens de tout crin, les cadres de la fonction publique, les banquiers, gardiens du butin, les brasseurs de tout acabit…
N’était cette populace bon enfant qui pleure simplement sa misère sans opter pour la violence, ces corrompus auraient-ils le mâle courage de mener le pays par le bout du nez ? Si c’était un peuple avec une culture de kamikaze, comme les Palestiniens, ou comme les esclaves marrons de Saint-Domingue, déterminés à mettre à genou le système capitaliste naissant manigancé par les malades mentaux de l’Europe affamée du XVIe et XVIIe siècle, ces profiteurs de tout poil auraient trouvé chaussure à leur pied. Mais voilà, ils se trouvent en face de poètes, de rêveurs, d’artistes, de troubadours, de chanteurs de ballades, d’un groupe social deshumanisé, qui décrivent leur situation dans des refrains à fendre l’âme, tels « Gad on doulè », au lieu de remettre à ces pestiférés la monnaie de leur pièce.
Est-ce qu’il sera toujours ainsi pour l’éternité ? Mais non! La nature a horreur des entraves. L’indignité peut durer un temps, mais jamais longtemps. Le puzzle de l’existence doit retrouver exactement sa place dans le concert du bonheur, mais la patience, en attendant, se fait litière de cette urgence.
Comment expliquer à quelqu’un de normal qu’un pays fonctionne sans nulle direction. Un président s’est réveillé de sa torpeur face à la misère criante des laissés pour compte, avec l’intention de donner une toute petite chance à ces damnés du destin. Il a été écrabouillé comme un œuf pour avoir osé dire non, et depuis lors, c’est la glissade vers le néant.
Le Premier ministre fantomatique y résultant, dans un hypocrite élan de magnanimité, en vue de soulager les pauvres, a voulu fixer par exemple le prix du carburant à un niveau moins gourmand. Les vrais maîtres du jeu ont préféré immédiatement ne pas commander le précieux liquide en guise d’un pied de nez au PM. Il en est de même de toutes les marchandises de première nécessité. Le pouvoir veut diminuer la marge : c’est la disette instantanée. Haïti ne produit presque rien, donc, on ne les importe plus. Misère de misère! Le Palais recule. Ariel qui ne rêve point d’être jovenélisé s’est fait peindre dans un coin. Les oligarques ricanent.
La diaspora est considérée par ces requins à col blanc comme la véritable vache à lait à traire en silence. La mafia des banques la décrit telle une pourvoyeuse, une imprimante à dollars qui déverse sur l’île, chaque année, plus de 4 milliards d’argent neuf. Ainsi, les bureaux de change, les banques, se font le plaisir de ne pas verser les fonds en Américain ou en devises d’origine, mais dans la monnaie de singe nationale, selon leur propre taux, pour engranger des profits inimaginables par ce jeu de dupe.
La Banque Centrale se fait toute petite en agitant timidement la circulaire 114-3 qui définit les normes relatives aux opérations de transferts internationaux sans contrepartie, en reportant son application au 3 octobre au lieu du 2 septembre prévu. Selon la rue, la Banque des banques est partie intégrante de ce jeu de « pwen fè pa ». Pour répéter le courageux économiste Eddy Labossière : « la BRH s’en lave les mains et ajuste le taux du jour en rapport à celui des banques commerciales ». C’est le monde à l’envers, au point que plusieurs s’interrogent, à savoir si « cette institution n’est pas une coquille vide. »
Profitant ainsi du pactole, certains cadres de la BRH et leurs alliés se pourlèchent les doigts aux taux de la rue. Car « le Change », c’est-à-dire la forte marge ou le spread sur l’achat et la vente de devises, en particulier le dollar US », leur apporte le Saint-Graal.
Finalement, des bénéficiaires floués se réveillent. Des insatisfaits, ayant assez de ces renégats, ont incendié à Delmas 33, le 31 août écoulé, une de ces boîtes à cleptomanes aux doigts gras (un bureau de transfert). On déplore la brûlure grave de plusieurs employés. On a enregistré un mort. Est-ce un premier avertissement ? Est-ce le début de la fin ? Est-ce le résultat de l’appel de Moïse Jean-Charles, le candidat de « Pitit Dessalines ? Est-ce une réponse signée face à cette violence sournoise qui pétrifie de rancœurs certains clients mécontents ? Évitons la spéculation!
Le drame dans toutes ces manifestations, où ces malfrats de l’oligarchie poussent ces pauvres hères dans leur dernier retranchement, jusqu’à commettre l’irréparable, c’est à entendre le chœur de leurs sbires des médias traiter ces victimes acculées de terroristes. Mettez-les à la place de ces pères de famille qui voient leurs loyers, reçus de la diaspora, rongés, grignotés par le taux de change exagéré au point de devoir trouver un nouveau prêt pour équilibrer le compte et satisfaire leur proprio, on verrait leur tête.
Les prédateurs cleptomanes n’écoutent que leur panse à la recherche du profit à tout prix pour vivre au-dessus de leurs moyens. En réalité, ils jouent avec la poignée de leur cercueil. Ces interrogations n’ont jamais effleuré l’esprit de ces magouilleurs. Pour eux, dans la vie, il y a deux groupes : les mangeurs et les avalés. Sans une once de scrupules, ils se placent dans la première catégorie, et la vie est très belle sous le ciel bleu de Toma.
Sera-t-il toujours ainsi pour l’éternité ? Franchement, je ne donne pas cher de leur peau. Laissez-les se bercer d’illusions. Ils n’en ont pas pour longtemps.
Max Dorismond
- NOTE –
À titre d’information, la BRH via la circulaire 114-3 fait obligations aux banques et bureaux de transfert de payer les transferts en gourdes, au taux calculé par la BRH. En aucun cas, le taux pratiqué pour payer les transferts ne peut être inférieur au taux de référence calculé par la BRH, a averti la Banque des banques.
Par ailleurs, notre survol de lecture nous permet de voir que les transferts de fonds peuvent également s’effectuer sur les comptes d’épargne libellés en dollars américains, d’après la circulaire. Cependant, la somme ne doit pas être égale ou supérieure à 1000 dollars. Le cas échéant, l’expéditeur du transfert doit procéder par un virement via la banque dont il est le client, met en garde la BRH.