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Quand le dollar US plombe les consciences

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Voir la main de G. Washington cachant son visage. Tellement il en a marre d’Haïti

Par Max Dorismond

J’ai entendu, à maintes occasions, cette anecdote puérile à créer le doute sur l’intelligence du pouvoir en place. À l’époque de François Duvalier, avant de manipuler l’Oncle Sam avec la notion du communisme, l’argent se faisait rare. Un de ses zélés généraux eut à conseiller au président de lui déclarer la guerre, pour qu’il nous reconstruise Haïti après coup. Ainsi nous serions riches.

Dans la psyché de mes congénères, l’occupation d’Haïti par une armée étrangère est synonyme de richesses. Oh ignorance, quand tu nous mystifies ! En réalité, cette malheureuse nation a connu plusieurs occupations étrangères au point que les badauds se demandent pourquoi ne place-t-on un « zipper géant », une fermeture éclair, devant le port et l’aéroport, une fois pour toutes, et faciliter l’entrée et la sortie des occupants à l’année.

Certains adorent tellement ces évènements déshonorants qu’à l’arrivée des forces américaines, lors de l’évincement de Raoul Cédras, en octobre 1994, pour répéter, à peu près, le professeur Auguste D’Meza1 : « les soldats, une fois à terre, se croyaient devant un zoo, en voyant un peuple applaudir l’occupation de son propre territoire.  Certains, dans le secteur des affaires, sablaient le champagne et savouraient du caviar béluga ». Jusqu’à présent, avec délice, certains en rêvent encore. Face à la présente conjoncture, d’autres prient des deux mains pour la résurgence prochaine de « ce temps béni ».

En juin 2004, quelques mois après le dégommage du président Aristide, débarqua la MINUSTHA2, une autre armée d’occupation, sous commandement brésilien. Le tapis rouge a été déroulé… L’espoir de bénéficier de la pluie de dollars, drainée par ces étrangers, apporte un certain baume dans l’ambiance nationale. Haïti, en son entier, surfait sur le billet vert. En corollaire, avec l’argent de Petro-Caribe ou celui des caisses de l’État, plusieurs hôtels de luxe, des manoirs de grande classe, des villas locatives de valeur, juchées au flanc des montagnes, avec piscine suspendue et vue sur la capitale, des blocs d’appartements-condos, sortaient de terre, comme par magie, pour abriter les familles des soldats et des étrangers regroupés sous le sigle populaire d’ONG3.

Ce trio de lettres (ONG) identifie plusieurs mini-gouvernorats qui reçoivent des dons de leur pays d’origine pour aider Haïti sans avoir à rendre de comptes à cette dernière. Le pays a hérité, avec la présence de ces colons modernes, d’un mal incurable : le choléra avec son cortège de 10000 morts et 800000 malades contaminés4, laissés sans indemnisation sur le pavé. La multiplication de la misère qui en résulta pour une grosse partie de la population, laisse un goût amer. La prostitution et le viol courant, affectant les deux sexes avaient atteint leur paroxysme. Des milliers d’enfants, orphelins de père, ont été abandonnés sur le carreau. Et la pauvreté chronique, corollaire de cette occupation sauvage et non productive, poussa plusieurs familles de la classe moyenne à louer leur propre maison aux étrangers pour s’établir dans la chambre de bonne, dans leur cour.

Et un beau matin, le 15 octobre 2017, après 13 années de gargotes, on annonça la fin de la récréation. La MINUSTHA nous dit adieu, après avoir dépensé chez nous, plus de 6 milliards de dollars2 en 13 années.

Antérieurement, les maîtres virtuels avaient choisi leur marionnette pour gouverner la nation, tout en rembarquant leurs soldats et la presque totalité des ONG. La gourde, la monnaie nationale, dégringola, et le tourisme s’en alla à vau-l’eau. Aucun effort ne sera déployé pour porter Haïti à voler de ses propres ailes. Non! Les vendeurs de patries attendent fébrilement le retour du Messie.

Dans un pays qui ne produit presque rien et qui marche à reculons, la politique demeure un passage obligé, pour s’enrichir vite et bien.  Les protagonistes ne se firent point prier, pour déstabiliser le pouvoir laissé en héritage et créer le chaos. Ce fut une descente aux enfers. D’ailleurs, Haïti est le seul pays où les diplômés sont au chômage et les piètres, multimillionnaires.

Du jour au lendemain, tous les camps s’activent pour animaliser la nation. Le Parlement est dissous. Le gouvernement, irrité par l’appétit d’ogre des élus, préfère fonctionner par décrets. Les anciens privilégiés de ce corps n’entendent point perdre leurs acquis et jouent des mains pour retrouver l’Éden. Les armes de gros calibre sont distribuées dans les bidonvilles. Chaque intéressé possède sa propre armée de l’ombre pour créer le bordel.

Et le pouvoir officiel n’est pas en reste. De son côté, il tire ses propres ficelles pour ne pas se laisser dépasser par les protagonistes en utilisant les mêmes canaux de la déstabilisation, tout en rêvant dans le noir de voir une nouvelle armée étrangère venir cautionner et assurer son palais. De l’autre côté, les faux candidats de l’opposition, sans programme, s’attendent à la démission du président pour surfer sur les vagues de la transition, d’où leur surnom de « Ti Transit ».

Tout le pays veut mettre à profit cette hypothétique force étrangère tant espérée, qui se fait tirer l’oreille.  C’est la similarité du côté des gens d’affaires. Leur vision à courte vue, doublée d’une obsession de la richesse vite engrangée, est lamentable. Les investisseurs, les locateurs potentiels, les propriétaires d’hôtels, s’adonnent aussi à créer leur propre pagaille, moyennant leurs gangs privés. Même les putes se congratulent et se frottent déjà les mains à scruter l’horizon, derrière les nuages, cherchant l’ombre d’une éventuelle flotte d’occupation, prête à accoster la terre de leurs aïeux pour l’arroser d’une pluie de dollars verts.

Pour inciter tout éventuel pays étranger à remplir « cedevoir tant désiré », quelques exactions ou provocations ont été tentées : des manifestations intempestives, des commerces appartenant à des adversaires ont été brûlés et pillés. Des assassinats ciblés ont endeuillé le décor. Des citoyens ont été kidnappés à la tonne et les pleurs des rescapés sur les ondes étaient à vous glacer le sang. La police laisse faire et semble être de connivence avec les bandits. Déjà sous-payée, sa fidélité serait aux vaches.

Se trouvant devant un gouvernement relax et insensible, les malfrats augmentent le rythme. Ils reçurent l’ordre de passer en quatrième vitesse. Ils commencèrent par jouer au cinéma, pour se faire voir à l’international en kidnappant deux ressortissants dominicains qui furent relâchés d’une manière rocambolesque deux jours plus tard. En pleine messe, un pasteur et quelques fidèles furent attrapés par des bandits non cagoulés, pour être libérés sans cérémonie. Une semaine plus tard, ce fut au tour de 12 personnes, dont 5 prêtres et deux religieuses, parmi lesquels deux ressortissants français.

Entre négociations et pressions, tous ignorent comment cette beuverie va se terminer pour les victimes. La France a toujours claironné qu’elle n’a jamais négocié avec les ravisseurs. Qui dit mieux !

Devinant le suprême désir de tous les coquins en lice, les Américains, loin de tomber dans leur piège, firent venir de chez eux 80 policiers de choc pour protéger en premier lieu leur ambassade et leurs ressortissants. Ces fonctionnaires fraîchement débarqués représentent surtout des agents de renseignements et d’infiltration pour cibler les vrais acteurs, les manipulateurs et les futurs bénéficiaires en réserve, aux fins de prévenir tout dérapage.

Toutefois, l’Oncle Sam comprend assez bien qu’aucun fou n’irait jusqu’à attaquer sa bâtisse, faute de courage, en raison d’une arme secrète qu’il fourbit dans sa poche : le petit visa. En réalité, tous les protagonistes, au pouvoir, dans l’opposition, ou dans les affaires, ne caressent qu’un rêve, s’enrichir, faire le va-et-vient aux États-Unis, où leurs femmes et leurs enfants ont déjà élu domicile, tout en suçant la vache quisqueyenne. Donc, le Grand Oncle est confiant. Juste à agiter la menace de couper la « Résidence » à tout le monde, les becs seront clos à tout jamais et les aspirants millionnaires se métamorphoseront en agneaux.

Néanmoins, il n’y aura plus d’occupations. C’est fini, Kaba ! Le monde a été divisé en zones d’influence confirmées par la Conférence de Yalta, depuis février 1945. Le communisme est à genoux, personne ne viendra plus jouer dans les platebandes américaines. L’ère de la guerre froide est révolue. Cuba s’est assagi. Point n’est besoin de faire voyager leurs soldats vers des terres insoumises.  L’économie est en lambeaux durant cette pandémie. Au contraire, les soldats yankees en Afghanistan doivent rentrer au plus sacrant. Fini de jouer aux gendarmes du monde! Voilà la situation! Que les Haïtiens s’entredévorent! La valse des dollars verts a pris fin, les musiciens sont tannés. Le bal est fini.

En conclusion, si les belligérants en lice n’entendent pas diluer leur petit clairin, je ne donnerais pas cher de la peau d’Haïti-Toma. Les gangs risqueraient d’opérer à l’envers de toutes les convoitises, pour imposer leur propre plan. « Ce ta rèl Kay Makorel ! »

Max Dorismond

Note

1 – Professeur Auguste D’Meza – « Le Point » 13/04/21 :  https://youtu.be/O_SXp5B1zpI

2 – MINUSTHA : Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation en Haïti. (A/69/839/Add.4). Montant total dépensé en 13 ans, de juin 2004 à octobre 2017 : 6 339 320 433,00$

3 – ONG : Organisme non gouvernemental

4 – Choléra : https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/08/19/l-onu-admet-sa-responsabilite-dans-l-epidemie-de-cholera-en-haiti_4985249_3244.html

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