L’insécurité généralisée en Haïti transcende les sphères civiles, elle mutile le droit à la santé. Les gangs armés, devenus quasi maîtres du territoire, orchestrent des attaques, des enlèvements et des pillages ciblés contre les établissements de santé, l’autonomie structurelle des soignants et fragilisent davantage l’accès même aux soins. Ce n’est pas juste un danger, c’est une violation systématique du droit à la vie et à la santé.
Les gangs n’agissent pas par hasard : ils tirent sur les hôpitaux, y plantent des cocktails molotov, pillent ou détruisent matériel et médicaments. Le 17 décembre 2024, des membres de la coalition de gangs « Viv Ansanm » ont vandalisé et incendié l’Hôpital Bernard Mevs. Une semaine plus tard, soit le 24 décembre, deux journalistes ont été tués et sept autres blessés à l’Hôpital Universitaire d’État d’Haïti (HUEH), alors qu’ils attendaient le ministre de la Santé, venu procéder à la réouverture de l’établissement, fermé depuis le 29 février.
Ce tableau sombre a aussi attiré, en janvier 2025, l’attention de William O’Neill, l’expert désigné des Nations unies sur les droits de l’homme en Haïti. M. O’Neill s’est dit profondément préoccupé par les attaques contre le secteur de la santé et a considéré les menaces répétées des gangs comme des actes d’agression intentionnelle. « Le peuple haïtien, y compris des centaines de milliers d’enfants vivant dans des conditions très précaires, paie une fois de plus le prix fort de cette violence, son droit à la santé étant gravement entravé », a-t-il déclaré.
Les soignants paient le prix fort : enlèvements, assassinats, intimidation policière, menaces de mort. Une enquête menée auprès des professionnels de santé et d’étudiants en médecine à Port-au-Prince, publiée en août 2024, a révélé que 44 % des professionnels de santé ont vu un collègue enlevé au cours des deux dernières années. Plusieurs jeunes femmes médecins figurent parmi les victimes, accentuant un climat de peur dans les milieux hospitaliers.
Selon Médecins Sans Frontières (MSF) en Haïti, dans un article publié en mai 2025, plus de la moitié des établissements de santé à Port-au-Prince ont fermé. L’hôpital MSF de Tabarre s’est dit dépassé par le nombre de blessés graves reçus pour le mois d’avril. Près de 40 % d’entre eux sont des femmes et des enfants. « Nous sommes déjà surchargés et nous ne pouvons pas pousser les murs. Nous créons actuellement des chambres d’hôpital dans les salles de réunion. Les équipes médicales sont épuisées et l’intensification de la violence autour de l’hôpital complique la conduite de nos activités », a affirmé le Dr Seybou Diarra, coordinateur de l’hôpital MSF de Tabarre.
Dans le département du Centre, l’un des plus grands établissements sanitaires du pays, à savoir, l’Hôpital Universitaire de Mirebalais (HUM), est fermé (depuis avril 2025) en raison de la violence des gangs armés. La protection de son bâtiment et les matériels médicaux s’y trouvant à l’intérieur relèvent d’une nécessité absolue, tout comme le rétablissement de la situation sécuritaire à Mirebalais.
Malgré l’état alarmant du système sanitaire, le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) assure avoir engagé des réformes structurelles pour revitaliser plusieurs centres hospitaliers en province. Lors de la 13ᵉ édition des « Mardis de la Nation », le ministre Bertrand Sinal a mentionné des progrès notables à l’Hôpital Justinien du Cap-Haïtien et à La Providence aux Gonaïves. À Jérémie, le service de neurologie a été renforcé, ce qui représente une avancée notable dans l’offre de soins spécialisés.
Le Dr Sinal a annoncé qu’Haïti qu’Haïti a été élu au Conseil exécutif de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette élection historique marque une reconnaissance du rôle croissant d’Haïti sur la scène sanitaire mondiale et lui permettra de participer activement aux grandes discussions internationales en matière de santé publique.
Dans ses propos, le ministre a déclaré que le MSPP a récemment lancé une campagne nationale de recrutement de plusieurs centaines d’infirmières, de sages-femmes et de pharmaciens. Ces professionnels viendront renforcer, entre autres, les services de maternité à travers le pays. Concernant les défis liés à la réduction du financement américain dans le domaine de la santé mondiale, le Dr Sinal a confirmé l’USAID s’est engagée à maintenir un appui spécifique en faveur des personnes vivant avec le VIH (PV VIH) en Haïti.
L’insécurité détruit l’accès aux soins et met de nombreuses vies en péril. Malgré les efforts du ministère de la Santé, la violence handicape gravement le système de santé. En ce sens, l’État doit prendre ses responsabilités, mettre en œuvre un plan structuré pour améliorer la situation sécuritaire du pays, afin de restaurer ce droit vital pour toute la population.
Marie-Alla Clerville