Quand une population est invitée à se constituer en brigades sous le regard indifférent de l’État
3 min readL’insécurité grandissante en Haïti a bouleversé le fonctionnement de toutes les institutions du pays. L’inefficacité des instances judiciaires et de la Police Nationale d’Haïti dans la résolution de cette crise force la population à prendre les choses en main. Et de fait, plusieurs organisations ont invité les quartiers à se constituer en brigades pour se protéger. Néanmoins certaines personnes estiment que cela peut engendrer des victimes innocentes.
Selon une Note de presse publiée sur les réseaux sociaux, le 27 mars dernier, le Collectif du 4 décembre invite la population à agir pour se protéger et empêcher les groupes armés de gagner encore plus de territoire et de pouvoir. Par ailleurs, selon quelques informations disponibles, certains quartiers avaient déjà commencé à former des brigades de vigilance afin de contrôler les allées et venues qui se font dans le périmètre pour se protéger et prévenir les attaques des gangs.
Cette Note est signée par différents organismes de la société civile dont Sant Karl Lévêque (SkL), le Conseil Haïtien des Acteurs Non Étatiques (Conhane), Kri Fanm Ayiti, KRIFA, Main ensemble pour le Développement d’Haïti (MEDHA), pour n’énumérer que ceux-là. Les premières lignes de ce communiqué partent de plusieurs constats. La vie de chacun est continuellement menacée, dit-il, et la population fait face, depuis quelques temps a une montée de terrorisme brutal et criminel. « De ce fait, nous sommes acculés à nous défendre, à défendre nos familles et cette terre laissée par nos ancêtres », soulignent les signataires.
Les conséquences de ces actions criminelles sur l’ensemble de la population sont innombrables. Entre les actes de cruauté, de vols, de pillages, de viols, d’enlèvement et de séquestration contre rançon, de massacres dans les quartiers et les traumatismes pluriels, la population est aux abois. Par conséquent, le Collectif du 4 décembre 2013 formule quelques consignes et propositions à la population qui, selon les dires du Collectif, doit mettre en œuvre son droit légitime d’autoprotection, qui est non-négociable.
À en croire ce communiqué, les circonstances imposent la mise en place de quelques mesures strictes et quelques changements. « La création de groupes de défense dans les quartiers par les citoyens, la déclaration par le Gouvernement de l’état d’urgence dans des zones ou de telles dispositions s’imposent, l’identification de tout pays qui dispose et est capable de fournir des matériels et équipements nécessaires dans la lutte que nos forces armées doivent mener contre le terrorisme pour éviter la guerre civile », constituent les principales recommandations de ces organisations.
Il paraît que certains quartiers commencent à mettre sur pied des brigades de protection et de contrôle. Cependant, il est encore difficile de définir le fonctionnement de ces brigades, dans quelles zones exactement se trouvent ces associations et qui en sont les membres et responsables. Cette organisation populaire a pris naissance dans un contexte sociopolitique particulier. Mais si ces instances ont pour but de protéger, le revers de la médaille peut être problématique. D’ailleurs, plusieurs estiment que sans une régularisation et un contrôle de ces brigades, plusieurs innocents peuvent être victimes.
Cette situation est le résultat de l’indifférence du Gouvernement et l’inefficacité des forces responsables à répondre correctement à la situation. La population se retrouve livrée à elle-même dans la gueule du loup, alors que plusieurs citoyens se demandent où se cache l’État. Toutefois, il est important de rappeler que, dans les jours précédents, la Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Emmelie Prophète a elle-même conseillé à la population haïtienne de se défendre contre les attaques des bandits armés.
Leyla Bath-Schéba Pierre Louis