Retour massif des Haïtiens en provenance de la République Dominicaine: L’économiste Guy Mary HYPPOLITE fait des propositions !
7 min readLe conflit entre la République Dominicaine et Haïti à cause de la construction du canal sur la rivière Massacre oblige nombre de nos compatriotes à quitter volontairement la partie Est de l’île pour rentrer chez eux. Dans une interview accordée au journal Le Quotidien News, l’économiste Guy Mary HYPPOLITE explique, dans un souci d’intégration des personnes qui sont revenues, « l’État haïtien et le secteur privé des affaires peuvent collaborer pour créer des emplois dans divers secteurs tels que l’agriculture, l’industrie, les services et la construction ».
Le Quotidien News (LQN) : Environ 34 081 migrants haïtiens sont retournés volontairement au pays en provenance de la République Dominicaine, selon le dernier rapport du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR). Quel impact ce retour massif des Haïtiens en Haïti en provenance de la République Dominicaine peut-il avoir sur l’économie dominicaine?
Guy Mary HYPPOLITE (G.M.H) : Impact sur la main-d’œuvre : Le retour massif de migrants haïtiens en provenance de la République dominicaine peut avoir un impact sur la main-d’œuvre en République Dominicaine. Si ces migrants occupaient des emplois dans des secteurs clés tels que l’agriculture, la construction ou d’autres domaines, leur départ peut entraîner des pénuries de main-d’œuvre dans ces secteurs.
Impact sur les entreprises : Les entreprises qui dépendaient de la main-d’œuvre bon marché fournie par les travailleurs haïtiens pourraient être confrontées à des défis pour trouver des remplaçants qualifiés. Cela pourrait entraîner une augmentation des coûts de main-d’œuvre pour ces entreprises.
Réduction de la demande de biens et services : Si les travailleurs migrants haïtiens renvoient une partie de leurs économies en Haïti, cela pourrait réduire la demande de biens et services en République Dominicaine, ce qui pourrait affecter certains secteurs de l’économie.
Relations bilatérales : Les retours massifs de migrants peuvent également influencer les relations bilatérales entre Haïti et la République Dominicaine. Il est important de surveiller comment les gouvernements des deux pays gèrent cette situation et les éventuelles négociations pour faire face à cette migration.
LQN : Par ailleurs, comment l’État haïtien et le secteur privé des affaires du pays peuvent-ils mettre au travail ces Haïtiens qui sont retournés volontairement en Haïti ?
G.M.H: Pour ce faire, L’État et le secteur privé peuvent :
a) Collaborer pour créer des emplois dans divers secteurs tels que l’agriculture, l’industrie, les services, et la construction. Cela peut inclure des projets d’infrastructures, des initiatives agricoles, des projets de développement durable;
b) Encourager les Haïtiens à créer leurs propres entreprises en fournissant un soutien financier, des formations en gestion d’entreprise, et un accès facile au crédit. Cela peut stimuler la croissance de petites entreprises et la création d’emplois;
c) Mettre en place des programmes de formation professionnelle pour renforcer les compétences des rapatriés, en particulier dans des secteurs en demande sur le marché du travail;
c) Simplifier les procédures administratives liées à l’obtention de licences et à la création d’entreprises pour faciliter l’entrepreneuriat;
d) Investir dans l’agriculture car c’est un secteur-clé en Haïti. Encourager l’investissement dans l’agriculture peut créer des opportunités d’emploi et améliorer la sécurité alimentaire;
Collaboration avec des organisations internationales : Travailler en partenariat avec des organisations internationales et des ONGs pour obtenir un soutien financier et technique dans la mise en œuvre de programmes visant à mettre les rapatriés au travail;
e) Promouvoir la sensibilisation quant aux compétences et aux contributions des rapatriés tout en mettant en place des mesures pour prévenir la discrimination à l’embauche;
f) Améliorer l’accès à des services essentiels tels que la santé, l’éducation, le logement, et les services sociaux pour faciliter la réintégration des rapatriés ;
g) Créer un environnement favorable à l’investissement étranger pour encourager les entreprises étrangères à établir des opérations en Haïti, ce qui peut générer des emplois et favoriser la collaboration entre l’État, le secteur privé, les organisations non gouvernementales et les institutions éducatives pour mettre en œuvre des stratégies globales d’emploi.
LQN : Quel impact le retour massif de ces Haïtiens peut-il avoir sur l’économie haïtienne ?
G.M.H : Cela peut avoir un impact négatif sur la pression des ressources existantes. En effet, le retour massif de nos compatriotes peut mettre une pression supplémentaire sur les ressources déjà limitées en Haïti, y compris les emplois, le logement, les services de santé et d’éducation, ce qui risque d’augmenter la compétition pour ces ressources. L’intégration de ces rapatriés sur le marché du travail peut être un défi, parce que l’économie haïtienne est confrontée à des taux de chômage élevés et à un manque patent d’emplois formels.
Aussi importe-t-il de préciser que les retours massifs des Haïtiens peuvent augmenter la demande de services sociaux tels que l’aide alimentaire, l’assistance médicale, et le logement, ce qui peut mettre une pression sur les ressources du Gouvernement. Cependant, si les migrants haïtiens rapatriés avaient l’habitude d’envoyer des fonds à leur famille en République Dominicaine, leur retour pourrait réduire ces flux financiers vers le pays, ce qui pourrait avoir un impact sur les familles restées en République Dominicaine.
Impacts positifs potentiels : Les Haïtiens qui sont revenus de la République Dominicaine peuvent apporter avec eux des compétences acquises à l’étranger, ce qui pourrait contribuer à l’amélioration des capacités de la main-d’œuvre en Haïti. Parallèlement, certains rapatriés peuvent apporter des économies et des connaissances acquises à l’étranger pour investir dans des entreprises et des projets en Haïti, ce qui pourrait stimuler la croissance économique. De plus, les Haïtiens de retour pourraient stimuler le secteur de la construction en contribuant à la reconstruction d’infrastructures dévastées, notamment après des catastrophes naturelles. Aussi souligne-t-on que certains rapatriés pourraient être enclins à créer leurs propres entreprises, ce qui pourrait contribuer à la création d’emplois et à la diversification de l’économie.
Cependant, il est essentiel de noter que les impacts dépendront largement des politiques mises en place par le Gouvernement haïtien pour gérer cette situation, ainsi que des efforts du secteur privé et de la communauté internationale pour soutenir la réintégration des rapatriés. La réintégration réussie de ces migrants dans l’économie haïtienne nécessitera une planification soignée et une coopération entre les différentes parties prenantes.
LQN : À votre avis, quelle approche l’État haïtien peut-il adopter dans une perspective de relance de la production agricole dans le cadre du conflit opposant la République Dominicaine et le pays ?
G.M.H : Le conflit entre Haïti et la République Dominicaine ne devrait pas être exploité pour des gains économiques, mais il peut être une opportunité pour améliorer la production agricole en Haïti par le biais de la diplomatie et de la coopération régionale.
Voici comment l’État haïtien peut travailler pour relancer la production agricole de manière positive : a) Dialogue et coopération : L’État haïtien devrait chercher à résoudre les problèmes diplomatiques avec la République Dominicaine par le dialogue et la coopération. La stabilité des relations bilatérales est essentielle pour favoriser le commerce transfrontalier, y compris les échanges agricoles ;
b) Renforcement de l’agriculture locale : L’État haïtien devrait investir dans le renforcement de l’agriculture locale en soutenant les agriculteurs, en fournissant des infrastructures agricoles et en encourageant la modernisation de l’agriculture ;
c) Développement de chaînes d’approvisionnement : L’État peut travailler sur le développement de chaînes d’approvisionnement efficaces pour le secteur agricole, y compris la distribution, le stockage et le transport, afin d’assurer que les produits agricoles peuvent atteindre les marchés de manière rentable ;
d) Promotion de la diversification : Encourager la diversification des cultures agricoles pour réduire la dépendance à l’égard de quelques produits spécifiques. Cela peut améliorer la sécurité alimentaire et stimuler l’économie rurale ;
e) Soutien aux petites exploitations : Les petites exploitations agricoles représentent une part importante de la production agricole en Haïti. L’État peut offrir un soutien ciblé aux petits agriculteurs pour améliorer les rendements et leurs conditions de vie ;
f) Éducation agricole : Investir dans l’éducation agricole et la formation des agriculteurs pour promouvoir les meilleures pratiques agricoles et l’adoption de technologies agricoles modernes ;
g) Intégration régionale : Participer à des initiatives régionales visant à promouvoir le commerce des produits agricoles entre les pays voisins, ce qui peut stimuler l’agriculture haïtienne ;
h) Mesures de conservation des sols : Mettre en place des programmes de conservation des sols pour prévenir l’érosion et la dégradation des terres, ce qui est essentiel pour une production agricole durable.
En un mot, l’exploitation du conflit ne serait pas bénéfique à long terme et pourrait aggraver les tensions. Au lieu de cela, l’État haïtien devrait travailler à améliorer les conditions pour le secteur agricole en favorisant la stabilité, la croissance et la coopération avec ses voisins.
Propos recueillis par:
Jackson Junior RINVIL