Alors que le budget de l’exercice fiscal 2025-2026 a été voté lors du Conseil des ministres extraordinaire tenu le 9 octobre 2025 au Palais national, certains observateurs se demandent pourquoi le budget d’investissement 2024-2025 n’a pas été entièrement absorbé pendant que le pays file droit vers une 7ᵉ année de croissance négative. Intervenant à ce sujet, le 13 octobre 2025, l’économiste Thomas Lalime a évoqué plusieurs facteurs comme la capacité d’exécution des ministères.
Jusqu’au mois d’août 2025, seulement 24 % du budget d’investissement 2024-2025 avaient été exécutés. Or, le budget suivant a été revu à la hausse. Ce faible taux d’absorption révèle, selon M. Lalime qui intervenait à l’émission « Le Point » de la Radio Métropole, l’absence d’objectifs clairs et de projets de développement bien définis au sein des institutions étatiques. « Que ce soit au niveau de l’État ou dans les ménages en Haïti, on a souvent tendance à penser que le principal problème est le manque d’argent, sans prendre le temps de réfléchir à ce qu’on ferait si l’on en disposait. C’est exactement la même situation pour certaines institutions publiques. Plusieurs d’entre elles n’ont pas jugé nécessaire de définir des objectifs, de concevoir un plan et de le mettre en œuvre pour atteindre les résultats escomptés », a expliqué l’économiste, ajoutant que sans cette préparation en amont, aucun résultat satisfaisant n’est possible.
M. Lalime a également souligné deux autres facteurs expliquant le faible taux d’exécution du budget d’investissement de l’année écoulée. « Le premier aspect concerne la capacité d’exécution des ministères, qui dépend des compétences techniques du personnel chargé d’élaborer les plans institutionnels », a-t-il précisé. « Cette capacité diminue considérablement à cause du départ de nombreux cadres vers l’étranger, particulièrement dans le cadre du programme humanitaire Parole du président américain Joe Biden ».
Le second facteur est lié à la situation d’insécurité généralisée que connaît le pays depuis plus de cinq ans. « Un ministère peut avoir un projet intéressant à mettre en œuvre. Cependant, selon la zone ciblée, il peut être dans l’impossibilité de concrétiser ce projet en raison de l’insécurité », a-t-il ajouté.
Au-delà de ces éléments, M. Lalime insiste sur un problème plus large de capacité d’exécution qu’il ne faut pas négliger. « Par exemple, il arrive que des fonds soient disponibles dans le cadre d’une coopération entre Haïti et la communauté internationale, mais qu’ils ne soient pas décaissés à la fin de l’exercice fiscal. Dans ce cas, l’institution partenaire retire ces fonds et les affecte à d’autres pays », a-t-il expliqué.
Coup d’œil sur le budget rectificatif 2025-2026
Selon la Primature, le budget de l’exercice fiscal 2025-2026 a été adopté lors du Conseil des ministres extraordinaire du 9 octobre 2025, au Palais national. Élaboré conjointement par le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et le ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE), en concertation avec l’ensemble des ministères et institutions publiques concernés, ce budget, à en croire la Primature, reflète l’engagement du gouvernement à renforcer les priorités stratégiques nationales :
· Restauration de la sécurité publique ;
· Organisation d’élections inclusives et démocratiques ;
· Stabilisation des indicateurs macroéconomiques ;
· Amélioration durable des conditions de vie de la population.
D’un montant total de 345 milliards de gourdes, ce budget sera financé à 70 % grâce aux efforts des administrations fiscale et douanière, indique la Primature. Cette dernière précise qu’il ne prévoit aucune nouvelle mesure fiscale ou douanière, reprenant celles déjà adoptées dans le budget rectificatif d’avril 2025.
Les priorités sectorielles se répartissent comme suit :
· Salaires : près de 35 % du total, incluant l’annualisation des crédits accordés au MENFP et à la PNH, ainsi que l’intégration de quatre nouvelles promotions de policiers et de 2 500 soldats ;
· Sécurité publique et élections : : 16 % ;
· Éducation : 15 %, confirmant son statut de secteur prioritaire.
Toujours d’après la Primature, des mesures spécifiques visent également à :
· soutenir la production locale et la croissance ;
· protéger les entreprises investissant en Haïti ;
· ajuster l’application du Code général des impôts (CGI) conformément aux demandes des chambres de commerce et d’industrie.
Pourquoi certaines priorités sont-elles reconduites ?
Selon l’économiste Thomas Lalime, si les priorités budgétaires sont reconduites chaque année, c’est le signe que les objectifs fixés n’ont pas été atteints. « C’est un premier constat, explique-t-il. Et si les objectifs ne sont pas atteints, il faut en comprendre les raisons. Peut-être qu’ils sont trop ambitieux, ou mal définis dans un contexte où les autorités n’ont pas une maîtrise complète de la situation ».
Pour conclure, il importe de rappeler qu’un budget « est l’ensemble des éléments permettant à l’État ou aux collectivités territoriales :
· d’anticiper leurs recettes et leurs besoins financiers pour l’année suivante ;
· et d’être autorisés juridiquement à les exécuter ».
Jackson Junior RINVIL