mar. Déc 3rd, 2024

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Traitement médiatique de la criminalité en Haïti : entre responsabilité éthique et sensationnalisme

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Qu’il me soit permis d’emblée de saluer cette initiative du Centre d’études interdisciplinaires sur les médias haïtiens (CEIMH) consistant à lancer des discussions sur les médias en Haïti. Cette démarche, je la trouve importante, au moins pour ces raisons : -Elle aide en la construction d’une source réelle de documentations sur les médias. En effet, Haïti en dépit du fait de la progression des médias, ne serait-ce que sur le siècle dernier, avec l’influence des médias écrits haïtiens précisément, souffre d’une carence d’informations crédibles sur le développement du secteur médiatique. Et, notre réunion de ce matin peut être conçue également comme étant un élément de construction d’un discours peu dominant mais utile sur un domaine vital pour la démocratie que sont les médias. Dans la foulée d’une masse d’informations globalement à caractère politique les unes plus inutiles que les autres en diffusion constante dans les médias, poser la problématique des médias qui apportent ces propositions, se présente comme une alternative. Et, en dernier lieu, il s’agit en cette présente initiative, d’un pion en vue de la construction d’une cohésion de vue de la part des professionnels et scientifiques des médias sur la question. Du choc des idées, dit-on, jaillira la lumière. Ces échanges dans cette communauté de scientifiques des médias vont de mieux en mieux et augurent les changements que nous espérons tous et qui s’apprêtent à voir le jour. Mes remerciements vont au CEIMH pour l’invitation et pour la continuité des webinars dans ce domaine.

Je suis invité avec mes augustes camarades panélistes à aborder un sujet crucial en ce temps qu’est marqué par la violence et sur la façon dont elle est traitée par les médias à l’aune des critères de responsabilité éthique et de sensationnalisme. Comme journaliste mais surtout comme spécialiste des sciences humaines et sociales branché par la question du management des médias qui vit présentement dans le pays, aborder la thématique de la criminalité ne m’est pas étrange. En fait, l’on vit en Haïti ces cinq (5) dernières années, des instants de grands assauts de violences. Une criminalité qui se manifeste par le biais du grand banditisme armé et dont le témoignage éloquent résonne dans tout le pays. Les criminels tuent, kidnappent, violent, pillent et incendient au point que les bases et fondements de notre État sont renversés. L’aire métropolitaine de Port-au-Prince devient invivable et inhabitable. Les grands axes routiers comme les routes nationales I et II les deux principales sont contrôlées par les groupes armés. Et, 80% du territoire est sous le contrôle de ces gangs armés, selon ce que rapportent des organismes de droits humains et des agences onusiennes.

Comme fait d’actualité, la criminalité est obligatoirement traitée. Elle l’est dans tous les compartiments du travail de la presse et dans tous les angles de traitement du journaliste en tant que professionnel de l’information. Et, dans toute la pluralité et la diversité de nos médias, ces faits macabres et évidents font les manchettes. Car, aujourd’hui, les médias en Haïti s’accroissent. Ils sont ceux de toujours les médias traditionnels attachés à ceux les nouveaux que sont les médias en ligne. Justement, l’Association Haïtienne des Médias en Ligne (AHML) que je représente à titre de président du comité exécutif compte en son sein plus d’une trentaine de médias qui adhèrent à notre statut. Les médias en ligne, membres de l’AHML, sont de toutes les catégories comme le sport, l’actualité, l’évangélique et autres sont spécialisés en investigation journalistique ou en combat contre les fausses informations (FAKENEWS). Cette association est la première qui défend la cause de toute cette nouvelle corporation de nouveaux médias. AHML est créée en septembre 2016. Elle se profile comme l’association qui défend les droits des journalistes et des médias en ligne. De plus, sa mission principale consiste à œuvrer pour une presse en ligne responsable, professionnelle et militante pour l’éthique.

Ainsi, tous les médias traditionnels comme la Radio, la Télévision et les journaux comme partout dans le monde migrent vers les plateformes de diffusion en ligne pour rester en vie. Les nouveaux médias à contrario deviennent sans conteste les médias qui évoluent dans ce temps d’ère numérique. Pour preuve, les médias en ligne informent en temps réel et là où l’action se passe à la minute près. Ils évoquent tous les sujets tant qu’ils sont pluriels. Leurs diffusions demeurent permanentes et peuvent être consultées au gré de ceux qui les suivent ou qui sont dans le besoin. Aujourd’hui dans la dynamique de recherche et de diffusion d’informations, les médias en ligne en Haïti avec le personnel qui leur sont affectés constituent la première source pour être mis au parfum de quoique ce soit et leurs membres sont les plus exposés aux menaces et autres situations dangereuses dans une période comme celle-là ou le niveau de violences a atteint son paroxysme. Voilà, ce qui fait un état des lieux succinct et non exhaustif des médias en Haïti avec le binôme « médias traditionnels » et « nouveaux médias ».

Ainsi, abordons-nous, le sujet qui met en présence dans sa conception trois notions fondamentales à analyser : le traitement de la criminalité dans les médias, la responsabilité éthique des journalistes et des médias et le sensationnalisme dans ce cas.

I-Traitement donné au sujet de la criminalité par les médias haïtiens

Les médias haïtiens jadis pris dans la concentration donnée par les faits politiques sont forcés de changer de sujet. En effet, ces dernières années, des médias qui ont tardé à parler des chefs de gangs ou de leurs exactions viennent à faire de ce fait leurs manchettes de l’actualité ayant rapport aux gangs. Une des raisons pouvant expliquer cet état de fait est que les groupes dominants disposant le monopole des médias n’étaient pas encore concernés. Et, pendant un certain temps cette actualité a peu été répandue est que cette affaire concernait soit le milieu social dont sont issus les malfrats ou encore les couches sociales concernées par les forfaits. En 2018, la saline, banlieue de la capitale haïtienne est, dans cette nouvelle série de violences, le premier territoire qui a connu un massacre tellement cruel de bandes armées. Des jours de violences sur l’un des quartiers les plus peuplés de la commune de Port-au-Prince. Et, les faits ont été rapportés par les médias après le cours. À la faveur des rapports rendus publics par des organismes de défense des droits de l’homme, les médias ont connu les faits après la commission des forfaits. De même, certains médias ont traité en UNE les violences qui avaient commencé à une certaine période à Laboule par un Gang longtemps mieux par ce qui se passait au même moment à Tabarre (Torcelle), Bas Delmas, Grand Ravine, Cité Soleil ou Bel-Air.

Donc, le premier élément à dénicher et à retenir est que le traitement de la criminalité avait été considéré par les médias en fonction d’attache des médias à telle couche sociale ou non. L’économique domine tout. La criminalité a concerné avant son expansion un traitement limité dans les médias. Quand elle a lieu dans une zone vulnérable de la société, elle ne trouve aucun écho de la part des médias. Elle le sera quand elle prendra plus d’ampleurs et s’établira en atteignant plus de territoire que ceux où vivent les plus aisés dans le pays.

La limite dans le traitement du sujet de la criminalité se complète par d’autres causes également au niveau des médias. Les médias haïtiens en dépit de leur développement technologique ont un déficit à la fois en équipements de couvertures d’événements aussi dangereux mais également en personnels qualifiés pour pouvoir le faire. Ce qui se passe en Haïti sans nous voiler la face est de même envergure qu’est la guerre russo-ukrainienne. Les criminels qui tiennent cette situation d’enfer au pays sont impitoyables dans leurs basses œuvres. Ainsi, l’on admettra que les médias doivent se procurer d’énormes moyens pour pouvoir se rendre sur ces lieux dangereux pour aller recueillir les informations et en faire part aux citoyens. Toutefois, nous pouvons comprendre aussi la question de la formation des journalistes assurant les reportages pour les médias d’informations en Haïti va resurgir. La couverture d’événements en milieu difficile marqué par de la violence est l’apanage de petits groupes de journalistes expérimentés. Ainsi, les jeunes journalistes surtout ceux issus des médias en ligne qui font présentement le métier en Haïti ne peuvent pas de manière adéquate informer. Ce manque de formation empêche le traitement de la criminalité comme sujet. Ceci a provoqué l’essor d’autres groupes de travailleurs de la presse ou non qui vont approprier le fait.

Du nombre de ceux qui vont s’accaparer de la criminalité comme sujet dans le but de le rendre public, les influenceurs ou des personnalités très suivies des réseaux sociaux. Il est évident que l’accroissement du numérique fabrique de nouveaux acteurs. Un constat qui dérange et qui arrange. Le dérangement réside dans le fait que les influenceurs ou personnalités très suivies des réseaux sociaux en ignorant les prérequis dans la diffusion d’information peuvent mettre à mal toute une société. Et, l’arrangement au fait que plus il y a une pluralité de la parole, plus la démocratie se portera bien. Des informations importantes, l’on ne l’exclut pas, sont données au travers de ce médium. Pour ainsi dire, la criminalité autrement dit l’écho des violences dans plusieurs zones dans notre pays va être la chasse gardée de ces influenceurs.

En résumé, la criminalité est un sujet traité par les médias. Elle se mesure dans son traitement à l’aune des clivages sociaux (les médias sont en fait aux mains des classes dominantes) au sens où seul l’intérêt compte. Ce sujet aussi devient un élément de prédilection faisant augmenter le trafic des influenceurs des réseaux sociaux. Ce dernier aspect nous permet d’introduire la notion de « responsabilité éthique » des médias dans le traitement de la criminalité.

II-Responsabilité éthique dans le traitement de la criminalité par les médias

C’est quasiment un constat général que dans chaque discipline, une morale s’applique. Dans le journalisme, comme métier, le travail de ce professionnel est borné au cadrage éthique et déontologique. Au niveau éthique, il y a une barrière qui doit s’imposer à la personne du journaliste dans son travail. L’éthique qui doit le faire faire le choix de ne manifester ses propres intérêts quand il traite un fait. Celle qui le contraint à avancer les faits qu’il voit même s’il est contre dans son intimité profonde. La déontologie, quant à elle, juge le journaliste en fonction de diverses règles reconnues par la corporation de la presse.

En ce qui nous concerne précisément, le traitement de la criminalité, la responsabilité éthique du journaliste est perçue en fonction des faits précisés plus hauts. En effet, les journalistes professionnels issus des médias qui traitent l’information sur la criminalité ont une grille d’analyse et les influenceurs des médias sociaux disposent, dans notre observation, se mesurent à l’aide des critères d’éthique aussi.

Comme premier élément de constat, les médias haïtiens pour la grande majorité ont une position correcte par rapport au traitement de la criminalité. Ils imposent toute proportion gardée un embargo aux gangs et consorts. Les auteurs d’actes de kidnapping, de viols, de vols, de pillages, d’incendies et autres agissements crapuleux ne pavanent pas dans nos médias. Il s’agit là d’un respect de l’éthique. Ce constat est tout à fait contraire et pour une catégorie de médias traditionnels et en ligne qui, eux-mêmes, couvrent des conférences de presse et donnent la parole aux gangs.

Ce débat sur la responsabilité éthique en considération des influenceurs ou personnalités des réseaux sociaux s’assied bien dans ce champ. Dans un premier temps, à partir de ces nouvelles vagues de violences qui secouent le pays, certains influenceurs ont bâti leur notoriété sur les criminels. Ils s’entretiennent avec eux et font d’eux de véritables acteurs. D’autres font de l’actualité des gangs la seule information. Ils en parlent d’édition après éditions dans leur canal. Ce qui devient une sorte de propagande vendant la prouesse des malfrats. C’est sans éthique qu’un travailleur de presse fait d’un anti-social un acteur qui participe à la bonne marche de la démocratie. Ces influenceurs ou personnalités très suivies des médias sociaux font tout en dehors de l’éthique et basculent dans toute autre pratique. Ce qui nous emmène à une forme particulière précisée dans notre sujet qu’est le sensationnalisme.

III- Le sensationnalisme dans le traitement de la criminalité par les médias haïtiens

La sensation constitue une pratique perverse dans la profession du journalisme. Toutefois, des journalistes en font leur meilleur moyen pour utiliser une part de l’auditorat ou du lectorat. Et, avec l’évolution du numérique, la sensation devient une pratique adulée. Les médias haïtiens qui traitent de la criminalité ont, en général, peu usé du sensationnalisme. Des médias en ligne en quête de buzz et influenceurs ou personnalités très suivies sur les médias sociaux dérogent à cette tendance. En effet, ces derniers créent des fausses informations, négligent les bases de l’exercice de la profession de journaliste et diffusent n’importe quoi. De telles imprudences dans le traitement de l’information comme dans celui de la criminalité seraient de graves négligences pour une presse professionnelle.

Il demeure indéniable que le sensationnalisme de journalistes non professionnels mélangés d’influenceurs atteint une grande frange de la population haïtienne. Ils monopolisent l’écoute qui existe à Port-au-Prince et dans sa diaspora. C’est tout un revirement dans l’habitude de l’écoute et le goût d’un choix professionnel du citoyen haïtien qui, dans fort bien des cas, se retrouve sans aucun choix que de s’informer que de ces sensationnalistes.

En somme, le sujet nous interpelle sur une réalité précise « la criminalité », Nous comprenons que les médias aussi bien que d’autres secteurs de la vie nationale ont une part dans l’évolution du concept en cet instant. Les médias traitent de ce sujet mais manquent dans certains aspects. Le tournant des événements et de la problématique de l’évolution des médias nous jettent dans la perversion de l’irresponsabilité éthique et de sensationnalisme. Il faut une responsabilité sociale des médias en tout temps et dans celui du traitement de la criminalité en particulier. Vivement une réforme en profondeur de nos médias, de notre presse et de notre journalisme !

Me Godson LUBRUN

Master II en Management des Médias

Maîtrise en Sciences du Développement

Communicateur Social

lubrungodson@gmail.com

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