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une trilogie pour une éventuelle rédemption

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J’ai souvenance encore du 1er bouquin que je m’étais procuré dans ma première année au Canada. C’était l’essai d’Alain Peyrefitte « Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera ». Le professeur Michel Soukar, dans ses derniers commentaires numérisés, vient de le replacer en ma mémoire. Au cours d’un voyage touristique au pays de Mao Zedong en 2014, ce titre, tel un leitmotiv, est revenu m’ébahir en présence de la concrétisation ou de l’accomplissement de la vision anticipée de l’écrivain dans le miroir de la réalité.

     Hier encore, au Québec, dans les années 70, certaines personnes me contaient leurs souvenirs scolaires où, par tradition, les élèves du primaire collectaient des pièces d’un sou, communément appelées « cennes noires », à distribuer comme dons de bienfaisance aux petits Chinois.

     Et c’était vrai, ces derniers avaient certes vécu la misère innommable à manger la vache enragée, surtout pendant l’insurrection de Mao, mais ils ont vaincu le destin.

Comment le miracle s’était-il opéré pour qu’ils fassent trembler le monde aujourd’hui ? Ce fut très simple, lors de la fameuse révolution culturelle, ils ont presque noyé, submergé la république en son entier par des écoles. Dans tous les coins et recoins de l’empire du Milieu bouillonnaient des laboratoires d’apprentissage et de scolarisation… D’un peuple instruit devrait toujours émerger le meilleur. C’est ce qui avait aiguisé l’intuition de l’auteur Alain Peyrefitte. La victoire s’est matérialisée, la Chine s’est réveillée !

     Peut-on appliquer de pareilles méthodes en Haïti ? Ce n’est pas la vraie question à se poser. Il faudrait se demander : peut-on refaire le chemin à l’envers de notre propre histoire ? Selon nos souvenirs livresques, en 1825, Haïti avait parcouru la même route dans le sens contraire. Elle a fermé, par calcul machiavélique, presque toutes les écoles existantes dans le pays nouvellement éclos, à part une ou deux dans la capitale, abêtissant du coup les 95 % des rescapés de la géhenne qui étaient retenus à l’écart de la notion du savoir. Là où l’enseignement a pris la poudre d’escampette, la barbarie n’est pas si éloignée. Nous connaissons la suite. L’incongruité et la déchéance nationale aujourd’hui nous blessent les yeux et abîment nos tympans.

    En effet, depuis l’assassinat crapuleux de Jovenel Moïse dans son intimité, la société quisquéyenne semblait perdre ses repères. De jeunes désœuvrés, des laissés pour compte de la communauté, munis d’armes de guerre, réclament leur part du gâteau mal partagé. Des petits courtiers de la Caraïbe (CARICOM), encore sous ordres, ont été invités à nous frotter les oreilles. De honte et d’humiliation, nous avons fait litière de notre orgueil pour accepter leurs desiderata et accoucher d’un Conseil présidentiel de transition de 9 « indiens » (Le CPT), incluant 3 braqueurs de banque, pour remplacer l’unique Ariel qui régnait comme un pape de carnaval sur une nation éborgnée. Depuis lors, c’est le chaos organisé, le carburant de l’ambition est venu enflammer le brin d’espoir qui flottait dans l’air et le pays vogue de scandales en esclandres.

Voilà l’état de la situation qui m’invite à penser au miracle chinois dû à l’éducation. Néanmoins, cette dernière n’avait pas réussi en criant ciseaux. Ce fut un parcours du combattant. Les gagnants partageaient une idéologie. Les résistants, adeptes de l’ancienne culture, avaient été passés par les armes. Idem pour les corrompus. Seuls le leader anticommuniste Tchang Kaï-Chek et ses partisans avaient pu se réfugier sur l’île de Formose, aujourd’hui Taïwan.

Peut-on penser à pareilles méthodes pour redorer le blason de notre nation malchanceuse ? Disons-nous non de prime abord! En tant que peuple pacifique, il n’est pas nécessaire de nous contraindre à la violence. Nous cumulons au préalable une évidente expérience, grâce aux sacrifices de notre diaspora qui subventionne à tour de bras des programmes d’école et d’université dans l’arrière-pays. Nous sommes condamnés à multiplier ce noble effort pour entrer dans la modernité.

Qui ne connaît pas quelqu’un qui a déjà participé de son propre gré à financer des projets d’éducation en Haïti ?

Personnellement, je pourrais citer une dizaine. Nous demeurons avec l’impression qu’une certaine culpabilité habite le subconscient de nos congénères instruits qui cherchent à corriger cette erreur historique ci-haut mentionnée. Je ne vois rien d’autre, à part l’enseignement, qui peut sortir cette société de l’ornière. Le monde nous admire et nous dédaigne à la fois comme des pestiférés. Les pires ignorants de la terre, sans envergure et dénués de scrupules, radotent sur notre dos. Les plus indigents s’apitoient sur notre cas. Notre avenir est entièrement hypothéqué.

Avec les millions de dollars prélevés sur les transferts de la diaspora, compilés sous le vocable de FNE (Fonds National de l’Éducation), les gouvernements et aussi les dirigeants en transit auraient pu, en principe, subventionner de tels projets inclusifs, porteurs d’espoirs. Mais non, ces oiseaux de mauvais augure sont à mille lieues de penser progrès. Ils accordent la priorité à leur caisse personnelle avant toute chose. Le refrain des clans en dit déjà assez long sur leur objectif final : «Tu manges / Je mange — Vous mangez / Je mange — Ils mangent / Je mange. Que le peuple crève, c’est loin d’être notre problème ».

Ceci étant dit, le salut d’Haïti réside dans l’effort de sa diaspora qui transpire eau et sang pour une possible renaissance, en prenant à bras le corps cette idée géniale de scolariser l’île entière. En effet, ces congénères sont légion à lutter, chacun de son bord, à bêcher très fort pour changer la perception du public sur cette nation qui avait défié l’histoire. Ils sont vraiment nombreux, mais citons simplement pour illustration les projets du GRAHN et de l’ISTEAH, avec plus de 210 professeurs associés de calibre international, des bénévoles au service de ce rêve titanesque. Haïti pourrait-elle, demain, émerveiller le monde comme la Chine d’aujourd’hui ? C’est bien possible, car là où fleurit la connaissance, la rédemption n’est pas trop loin.

Max Dorismond

– NOTE –

1 – GRAHN : Groupe d’action et de réflexion pour une Haïti nouvelle

2 – ISTEAH : Institut des sciences et des technologies avancées d’Haïti

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