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2020, l’année de tous les maux

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L’Haïtien n’a pas grand-chose à espérer de 2021. Cependant, sa capacité de résilience lui permet de croire en une année meilleure que 2020 caractérisée par une recrudescence sans précédent du phénomène de l’insécurité, la peur provoquée par la Covid-19 et l’indifférence des institutions. Malgré l’accélération prévisible de la crise politique pour l’année prochaine une amélioration de la situation est attendue, même sans conviction.

« Lespwa fè viv », voilà ce qui permet à l’Haïtien de tenir le coup, de continuer à espérer que demain sera meilleur. C’est en fait une tradition à chaque fin d’année d’espérer que la nouvelle sera plus clémente, plus favorable. Bref, apporte plus de bonheur. C’est dans cet état d’esprit que le peuple haïtien attend le nouvel an tout en se préparant à dire adieu à cette année 2020 qui lui a apporté la peur, des larmes, différents traumatismes, entre autres.

Si le peuple pouvait creuser une fosse assez profonde pour enterrer cette année en cours d’achèvement, il le ferait sans hésitation pour éviter qu’elle le hante. Sans dire peut-être, elle sera classée parmi les plus difficiles, les plus mauvaises années qu’ait connues le peuple. Au cours de ces douze mois, le peuple haïtien a dénombré pas mal de morts. Il a pleuré beaucoup de départs prématurés. Il a fait le deuil de personnalités importantes. Il a assez vu.

La foudre de la Covid-19

C’est le nouveau coronavirus qui a donné l’alerte en mars 2020. Survenue, en Haïti, 3 mois après l’activité pays lock, la pandémie a coupé l’espoir haïtien qui peinait à se relever des conséquences des troubles politiques de fin 2019. Outre les morts qu’elle a apportées (un nombre insignifiant par rapport à d’autres pays occidentaux, comme les USA, la France, l’Italie, entre autres), l’ambiance qu’elle a fait régner durant les trois mois où elle sévissait en Haïti est une expérience que personne n’aimerait revivre.

En réalité, ce fut une surprise (une mauvaise surprise, dit-on). Avec une économie à genoux, une année scolaire perturbée, des petites bourses décapitalisées, un exécutif amputé et décrié, des institutions régaliennes de l’État à genoux, la population de quoi se préoccuper. La peur qui sévissait est devenue plus inquiétante dans l’intervalle. Pire, l’État aussi fébrile qu’il soit, n’arrive pas à faire preuve d’autorité. Le cyclone est passé, vient à présent le tour de l’accélération de l’insécurité et du kidnapping.

La danse de l’insécurité

Un vent d’insécurité sans précédent a soufflé sur le pays prenant du coup le relais de la Covid-19. Il n’était pas en fait nouveau puisque les gangs arpentaient déjà le pays. Plusieurs zones incluant certaines banlieues de villes de province portaient déjà la triste réputation de zones de non-droit. On tuait des gens sans être inquiété, en particulier, des policiers. Mais, jusque-là, la population pouvait vaquer librement à ses occupations craignant essentiellement le bloc de la troisième circonscription de Port-au-Prince regroupant, à elle seule, plus de quatre gangs. Ceux-ci mettent en ébullition la rentrée sud de la capitale parce qu’ils se querellent pour l’extension de leur territoire.

Depuis l’été jusqu’à nos jours, la situation a empiré. Les actes de banditisme débordent les quartiers populeux. Les gangs se sont fédérés sous les yeux complices de l’État. À chaque jour, son cortège de morts et les enquêtes se poursuivent. Résultat : on a assassiné pour la première fois dans l’histoire du peuple un bâtonnier de l’Ordre des avocats, Monferrier Dorval, dans sa résidence privée, et un étudiant au sein même d’une faculté considérée pourtant comme inviolable, Grégory Saint-Hilaire. La vanne s’ouvre, le kidnapping refait surface et la peur envahit la population.

Le kidnapping et ses conséquences

Nous avons fait l’expérience de ce phénomène après la chute d’Aristide en 2004. Progressivement, le phénomène a diminué. On a enregistré certes des cas isolés comme à Léogane par exemple ou à Bizoton avec Lensy Mirville. Mais une flambée semblable comme celle de cette année, le pays n’en a pas connu. Cette fois, tout le monde est ciblé. Qu’on soit fortuné ou qu’on soit démuni, vous êtes un kidnappé en puissance. Ce qui a déclenché la colère de la population, mais aussi, augmenté sa peur. Bilan, la population ne sort que rarement et les rues sont désertes à la tombée de la nuit.

La population est paniquée. Les kidnappeurs ne ciblent pas leurs proies. À tout venant beau jeu. Les gens vivent le quotidien la peur au ventre dans l’indifférence de la police, de l’exécutif et du judiciaire. À chaque coup de filet, les ravisseurs exigent des fortunes et, exception n’est pas faite pour les policiers enlevés.

L’État haïtien et la justice haïtienne sur le banc des accusés

La société civile haïtienne et la classe politique n’arrêtent pas de pointer du doigt le gouvernement comme étant le cerveau de ces actes. D’ailleurs, celui-ci n’a pipé mot par rapport à la fédération des gangs coordonnée par un recherché de la PNH, Jimmy Chérisier, proche du pouvoir, si l’on en croit le RNDDH et d’autres organisations des droits humains. Ce dernier a procédé au nom de la police à l’arrestation d’un civil qu’il a remis aux agents de l’ordre. Il a pris part comme planificateur et exécutant à plusieurs massacres civils selon la Chambre du trésor américain. Malgré cela, et en dépit du changement opéré à la tête de la PNH, il demeure intouchable.

La Chambre du trésor américain dans son communiqué sanctionnant les trois principaux suspects du massacre de la Saline confirme les accusations des organismes des droits humains. L’insécurité et la criminalité en pleine croissance sont l’œuvre des politiciens qui arment les civils armés pour museler les populations des quartiers populeux. La justice aussi refusant de condamner les personnes qui sont impliquées dans le massacre de La Saline, selon la Chambre du trésor américain.

La justice aux abonnés absente

La Chambre du trésor vient renforcer ce que Jovenel Moise avait déjà dit et ce que Pierre Esperance vient de soutenir : le système judiciaire est corrompu. Il n’y a pas que cela, le pouvoir exécutif empiète trop sur la justice, selon les acteurs du système qui n’arrêtent de se mettre en grève. Pour cette année on a compté plus de trois arrêts de travail. Même cette année judiciaire en cours a été ouverte sur fond de protestations. Seulement pour cette année civile, la justice a envoyé l’image qu’elle fait justice au plus offrant laissant échapper beaucoup de pièces à conviction dans les greffes du parquet de Port-au-Prince dont ceux se rapportant à l’affaire Dorval. Et cerise sur le gâteau, l’affaire Jean-Bart qui a tout confirmé.

Donc, fort de ces constats avec une justice à genoux, un exécutif sur lequel trop de doutes pèsent, une institution policière dépassée, une insécurité grandissante, il n’y a pas de meilleur moyen de dire adieu à cette année qui laisse un goût amer dans la bouche des Haïtiens, que de souhaiter un nouveau vent pour l’année qui s’amène.

Daniel Sévère 

danielsevere1984@gmail.com

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