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231 ans après la cérémonie du Bois-Caïman, quelle mémoire ?

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Le patrimoine culturel immatériel d’Haïti est riche d’une pluralité d’éléments, les uns plus significatifs  que les autres. La cérémonie menée par le célèbre Jamaïcain Boukman Dutty, le 14 août 1791 a été, selon plus d’un, le fer de lance du mouvement contre l’esclavage et la colonisation en Haïti. Cependant, 231 ans après, le pays connaît une grande vague de désintéressement, sur fond de crise.

Dans la nuit du 14 août 1791, a effectivement eu lieu cette cérémonie sur l’habitation Lenormand de Mézy, dans l’actuelle section communale Morne-Rouge, au Cap-Haïtien. Ce rassemblement populaire a été, selon certains, l’acte fondamental de la lutte pour la libération en Haïti. Cet événement a débouché, quelques jours plus tard, soit le 22 août 1791, à l’insurrection générale des esclaves, mettant ainsi fin à plus de deux siècles de servitude à Saint-Domingue.

Aujourd’hui, rares sont ceux qui s’intéressent à l’événement et à sa mémoire. Pour le coordonnateur de l’association socio-culturelle Kalbas Ayiti, James Francisque, la cérémonie du 14 août 1791 symbolise « le moment où s’est décidé le projet de construire une société avec pour principes fondamentaux la liberté et l’égalité ». Selon lui, le rassemblement du Bois-Caïman a été le moment historique où les Noirs de Saint-Domingue ont décidé de planifier l’indépendance générale, mais aussi celle des individus, en opposition à la colonisation dont le projet est « l’inégalité, la soumission, la domination de l’homme par l’homme ».

Pour l’écrivain, par ce projet initié au Bois-Caïman, le peuple noir de Saint-Domingue a proposé un nouvel ordre mondial à l’humanité, en aspirant non pas à la domination, mais à l’égalité.  « Haïti est l’un des trois pays ayant proposé un nouvel ordre mondial vers la fin du 18e siècle. La France a proposé le néocolonialisme, les États-Unis d’Amérique et l’Angleterre ont initié l’impérialisme, et Haïti a donné le ton de la liberté et de l’égalité souveraine de tous les peuples, indistinctement », soutient James Francisque.

Quel symbolisme aujourd’hui pour Bois-Caïman ?

Ce symbole national tend à disparaitre, malgré son importance cruciale et son caractère universel. « La cérémonie au Bois-Caïman, pour nous, est l’un des actes les plus importants posés par l’humanité pour redéfinir l’être humain dans son essence. C’est ça le symbolisme du Bois-Caïman pour nous. Cette cérémonie a le mérite de donner naissance à un projet de liberté universelle en plein esclavagisme », dit-il. « Le symbolisme du Bois-Caïman, ajoute-t-il, est presqu’éliminé dans le pays, à tel point que le 14 août n’est pas un jour férié, mais le 15 août l’est, pour la fête de Notre-Dame. Un événement aussi important dans l’histoire du pays semble être jeté aux oubliettes, et on espère qu’un jour notre société saura revenir à ses origines, afin de renouer avec le projet de liberté tel que proposé au Bois-Caïman ».

Pour lui, il faut une grande campagne de sensibilisation de la population haïtienne autour de ses valeurs historiques, pour la réhabilitation du « projet haïtien », éteint depuis 1806 à l’assassinat de l’Empereur Jacques 1er. « Pour ce 14 août 2022, Kalbas Ayiti propose de se réconcilier avec ce projet de liberté et d’égalité, mais aussi de créolisation qui a vu nos aïeux trouver la formule parfaite pour mélanger divers éléments culturels afin de se créer une vie digne dans l’espace haïtien », dit-il.

Clovesky André-Gérald PIERRE

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