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La Bataille de Vertières, 218 années après, où en sommes-nous?

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C’est le 18 novembre 1803, dans le nord d’Haïti, près de la ville de Cap-Haïtien que l’armée indigène a arraché sa liberté des mains des oppresseurs français. Après 200 années de servitude, les esclaves de Saint-Domingue, lassés et révoltés des traitements inhumains dont ils étaient l’objet, ont pris les armes pour obtenir leurs libertés et réclamer leurs droits à la vie. Dans leur légitime rébellion, ils ont mené plusieurs combats et ont lutté sans relâche pour parvenir à cette liberté volée par la métropole 200 ans plus tôt. Et c’est lors de la bataille de Vertières, la plus décisive dans le cadre de la guerre pour l’Indépendance, que les esclaves de Saint-Domingue ont concrétisé ce projet de devenir une nation libre, souveraine et indépendante.

Rétrospective sur la lutte

Faisons un rapide voyage dans le temps, pour mieux comprendre l’essence même de la lutte des esclaves noirs pour l’Indépendance. Venus de différentes tribus d’Afrique, les esclaves noirs de Saint-Domingue (actuelle Haïti) ont été transportés en Amérique dans l’objectif de remplacer les premiers habitants de l’île massacrés et parallèlement pour faire fructifier la jeune colonie française et enrichir la métropole. La traite des Noirs a été très lucrative pour la métropole sur le plan commercial durant environ deux siècles.

Pendant la période coloniale, Saint-Domingue était la plus belle et la plus productive des colonies dans les Antilles, grâce à la main-d’œuvre constituée par les esclaves. Travaillant dès l’aube jusqu’à la tombée de la nuit, les ouvriers de Saint-Domingue étaient traités comme des machines. Ils ne jouissaient d’aucun statut juridique et social. Les Noirs  étaient réduits à l’état de meubles insaisissables (Code noir, art. 14) et ils étaient victimes de toutes sortes d’atrocités. Ils ont néanmoins supporté le système esclavagiste, colonialiste et raciste pendant environ deux siècles, avant de se lever d’une seule voix pour crier: « C’est assez! »

La rébellion des esclaves noirs a pris diverses formes, d’abord avec le marronnage, les avortements volontaires des femmes, car celles-ci ne voulaient plus enfanter de futurs esclaves, les suicides répétés, et l’empoisonnement des colons blancs; ensuite les martyrisés de la terre colonisée sont passés à la phase décisive de la lutte qui a été la prise des armes. Et la guerre entre les indigènes et l’armée française a vraiment éclaté lors du grand soulèvement général des esclaves, dans la nuit du 22 au 23 août 1791 dans le nord; plusieurs colons ont été assassinés et des milliers de plantations ont péri dans les flammes.

À partir de ce jour, les esclaves noirs de la colonie française ont employé toutes les stratégies possibles pour parvenir à l’indépendance et couper les ponts avec le régime esclavagiste et la métropole. Plusieurs expéditions françaises ont été faites pour stopper cette foule noire avide de liberté, plusieurs batailles ont été menées par la métropole pour reprendre le contrôle de la perle des Antilles, mais les esclaves étaient déterminés à briser leurs chaînes.

La troisième et dernière bataille qui a mis fin à ce système est bien la bataille de Vertières, précédée de la bataille de Ravine-à-Couleuvres (23 février 1802) et de la bataille de la Crête-à-Pierrot (4-24 mars 1802), à l’Artibonite. Durant ces deux batailles, l’armée indigène a été vaincue. Ces défaites ne l’ont point écartée de  son but. Le 18 novembre 1803, à Vertières, les troupes menées par Jean-Jacques Dessalines, Henry Christophe et François Capois ont attaqué l’armée française avec bravoure et un sens développé de la stratégie. Ce jour-là, hommes et femmes se sont impliqués corps et âmes, au prix fort, pour vaincre la plus grande armée européenne de l’époque, tracer définitivement une croix sur le système esclavagiste, colonialiste et raciste et acquérir leur liberté en entonnant en chœur : » Grenadye alaso, sa ki mouri zafè a yo! »

Que symbolise cette date pour les Haïtiens?

Cette date est d’une grande importance pour les Haïtiens. Elle est la mémoire même de la rude bataille menée par nos ancêtres pour l’Indépendance. Le 18 novembre symbolise la victoire des Noirs sur les troupes de l’armée française et la naissance même de la nation haïtienne. C’est un jour sacré qui mérite d’être célébré en guise de reconnaissance envers nos aïeux et c’est une fierté pour les Haïtiens car cette révolution a eu des conséquences positives dans la Caraïbe et dans le monde entier. Cette date symbolise la fin du régime oppresseur et c’est à partir de ce jour qu’Haïti est devenu la première République noire, libre, souveraine et indépendante du monde!

18 novembre 1803-18 novembre 2021 : deux siècles se sont écoulés depuis cette irréversible victoire, soit 218 ans. Aujourd’hui, la fierté laisse place à l’indignation. La honte voile nos visages. Nos concitoyens ne sont plus captivés par les chaînes de l’esclavage, pourtant nous sommes incapables de libérer notre pays et de faire une révolution digne de ce nom. Où sont donc passées cette union, cette force, cette fougue, cette soif de liberté? 218 années après, et nous n’avons fait aucun progrès, nous nous enfonçons au contraire, consciencieusement dans un trou sans l’espoir d’en sortir. 218 années après la bataille de Vertières, où en sommes-nous? C’est la question qui se pose.

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

 Pleyla78@gmail.com

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