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Conflit en Europe de l’Est : « Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire en Haïti pourrait atteindre la barre des cinq millions d’ici 2023 », prévient Riphard Sérent

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Le 24 mars a inauguré une série d’opérations militaires russes en territoire ukrainien. Cette situation a provoqué une nouvelle fois, une pléiade de sanctions des pays occidentaux à l’encontre de Vladimir Poutine. Ces sanctions économiques semblent affecter beaucoup plus les pays occidentaux, y compris Haïti, qu’elles n’affectent l’économie russe. Contacté par la rédaction du journal Le Quotidien News, le professeur Riphard Sérent, estime que ces conflits peuvent avoir des conséquences énormes sur l’insécurité alimentaire en Haïti dans les jours à venir.

Les sanctions économiques sont légions contre la Fédération de Russie. Presque tous les pays occidentaux essayent de l’isoler par rapport au reste du monde. Même en Haïti, le 18 mars dernier, le Premier Ministre de facto Ariel Henry  s’est exprimé sur  les conséquences que peuvent avoir ces sanctions pour Haïti. Selon le chroniqueur économique et professeur des Relations Économiques Internationales, Riphard Sérent, ces sanctions qui sont beaucoup plus contraignantes que celles de 2014, ont de sérieux impacts sur l’économie russe, mais aussi sur le reste du monde. « Il faut noter qu’il y aura des perdants des deux côtés et des conséquences sur l’économie mondiale. D’ailleurs, le Fonds Monétaire International (FMI) va abaisser ses prévisions de croissance pour l’économie mondiale en raison de la guerre en Ukraine », déclare l’économiste.

Selon la journaliste Nastasia Hadjadji, cette vague de représailles économiques à large spectre aura un fort impact sur la vie quotidienne de millions de russes. « L’économie russe est pilonnée par un arsenal de mesures répressives, ce qui place la Russie en tête des pays les plus sanctionnés de l’histoire devant l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord », rappelle la journaliste. 150 roubles pour un euro contre 93 avant les offensives, 138 roubles pour un dollar des États-Unis contre 83 en mi-février, la Russie fait face à une grave dépréciation de sa monnaie nationale, ce qui risque de se traduire par une forte inflation.

Sanctions contre la Russie : l’Europe, peut-elle se les permettre ?

La Russie semble s’être préparée à faire face à ces sanctions. Selon le professeur Sérent, il est clair qu’il faut anticiper une baisse des recettes russes, surtout au niveau de ses exportations. Cependant, la Russie pourrait demeurer assez forte pour soutenir son effort de guerre. « Les importantes réserves dont dispose la Russie en dollars (plus de 640 milliards de dollars),  et en or, ainsi que son ouverture avec la Chine et ses relations avec d’autres pays asiatiques devraient lui permettre de pallier les sanctions de l’Occident.  À noter qu’entre 2014 et 2020, la Russie, via sa Banque centrale, a été le pays qui a le plus acheté d’or et elle possède le cinquième stock le plus important au monde qu’elle dépose dans les coffres de son institution monétaire, ce qui lui permet d’avoir des actifs pour soutenir son effort de guerre malgré les sanctions », affirme l’économiste.

Le FMI prévoit le pire. « À plus long terme, la guerre pourrait modifier fondamentalement l’ordre économique et géopolitique mondial si le commerce de l’énergie se déplace, si les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent, si les réseaux de paiement se fragmentent et si les pays réexaminent leurs réserves de devises. L’augmentation des tensions géopolitiques accroît encore les risques de fragmentation économique, notamment pour le commerce et la technologie », estime le Fonds Monétaire International dans un article publié sur sa page web.

Dépendants à près de 40% des matières premières russes et ukrainiennes, en particulier des produits pétroliers, de gaz et du blé, plusieurs pays européens, en particulier l’Allemagne, risquent une gigantesque récession si l’arrivée des produits russes est effectivement bloquée. Selon l’économiste des marchés financiers et président de l’Institut des Libertés, Charles Gave, la Russie semble être préparée à cette situation depuis des années. Avec une dette publique et une dette internationale relativement faibles, une réserve en or extraordinaire, et un marché toujours ouvert en Asie, en particulier avec la Chine et l’Inde, aucune sanction des pays africains et latino-américains, la Russie a assez de réserves pour vivre en autarcie au cours des deux prochaines années selon l’économiste français. « La Russie peut tenir deux ans, la France deux mois » affirme-t-il avant de préciser que si les Russes ferment le robinet du gaz en Allemagne, cette dernière risque  d’être gravement touchée.

Haïti et les autres PMA face au risque d’inflation

Haïti est géographiquement très loin de ce conflit en Europe de l’Est. Cependant, étant très dépendant de l’importation des matières premières telles que le pétrole ou le gaz, le pays risque gros. « Le prix des denrées alimentaires et de l’énergie sont le principal vecteur de retombées, qui seront substantielles dans certains cas. Les prix élevés des matières premières risquent d’accélérer considérablement l’inflation en Amérique Latine et dans les Caraïbes », estime le FMI. 

C’est aussi l’avis du professeur Sérent, « Tous les pays de la Caraïbe, à l’exception de la Guyane, sont des importateurs nets de produits pétroliers et de grands importateurs de produits alimentaires. La région doit donc s’attendre à une forte inflation si la crise ukrainienne persiste et que les prix des produits alimentaires de base et du pétrole continuent d’augmenter sur le marché mondial ». 

Cependant, les effets du coût élevé des matières premières restent variables sur la croissance selon le FMI. « La hausse des prix du pétrole nuit aux importateurs d’Amérique Centrale et des Caraïbes, tandis que les pays exportateurs de pétrole, de cuivre, de minerai de fer, de maïs, de blé et de métaux peuvent augmenter le prix de leurs produits pour atténuer l’impact sur la croissance », toujours selon le FMI. 

L’insécurité alimentaire en Haïti est déjà assez criante. Compte tenu du phénomène de l’insécurité publique, notamment des kidnappings, qui ralentit grandement toute avancée dans ce sens, le pouvoir d’achat des ménages se retrouve en nette régression. Le professeur Sérent est formel sur la question, l’insécurité alimentaire grave risque d’atteindre plus de cinq millions d’Haïtiens d’ici 2023. Selon lui,  «Toute politique d’atténuation des effets de la crise ukrainienne sur Haïti doit passer d’abord par la résolution du problème de l’insécurité ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

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