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Quelles sont les  obstacles qui empêchent la mise en place du Conseil Électoral Permanent (CEP) en Haïti ?

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Les  problèmes de légitimité, de crédibilité et de transparence planent encore et toujours sur la moindre tentative d’organiser  des élections en Haïti, alors que  le pays connaît aujourd’hui l’une des pires crises de gouvernance de son histoire. Pourtant il n’y a pas longtemps, le pays était à deux doigts de se doter d’un collège électoral régulier et permanent. Une occasion manquée.

« Le CEP est l’une des conquêtes démocratiques majeures du mouvement citoyen de 1986 » affirme sans ambages le professeur Jean-Claude Chérubin. Une certitude que partage nombre de fervents croyants dans la démocratie haïtienne naissante. La transition démocratique a en effet débuté avec la création de cette structure érigée en Institution Indépendante selon la Constitution haïtienne du 29 mars 1987. « En transférant l’autorité électorale de l’exécutif via le ministère de l’Intérieur, il [le CEP, ndlr] contribue à assurer  en amont l’équilibre des pouvoirs et initie même le changement du rapport de l’État à la société », explique le professeur.

Le Conseil Électoral Permanent est en effet cette institution électorale composée de neuf membres disposant d’un mandat de neuf ans qui est censée jouir de la pleine indépendance dans ses actions, afin d’assurer la régularité du déroulement du processus démocratique en Haïti en toute fiabilité. Mais cette institution n’a jamais vu le jour parce que la Constitution elle-même dans ses fameuses dispositions transitoires en 1987 a créé le Conseil Electoral Provisoire (CEP également !) composé de 9 hauts représentants de la société civile choisis par consensus. Dès le départ est né un précédent qui perdure jusqu’à ce jour, à savoir la création d’une structure provisoire chaque fois que le besoin conjoncturel des élections se fait sentir, en évoquant l’urgence du consensus. « Ce paradoxe bureaucratique particulier à Haïti n’est pas la moindre des confusions qui participent au désordre institutionnel nourri par un discours politique et des commentaires ‘’d’experts‘’ trop souvent incongrus », critique à ce propos M. Chérubin. 

Parvenir donc à installer un Conseil Électoral Permanent en Haïti pourrait être l’une des clés pour résoudre la crise de gouvernance qui secoue le pays depuis des décennies. Cependant, le même défi se pose et s’impose : la légitimité, à la fois celle de l’institution électorale permanente et celle des autorités qui vont procéder à sa mise en place.  « La question est moins la mise en place d’un Conseil Électoral Permanent que le caractère inclusif et participatif ou non du processus de son instauration », insiste M. Chérubin. « Comme nous l’avons dit, le CEP  est la mesure de l’échec ou de la réussite de la transition démocratique. Sans gouvernement jouissant d’une légitimité, impossible d’avoir un CEP légitime et vice versa »,  confirme le sociologue.

Selon les dispositions de l’article 192 de la Constitution de 1987 amendée toujours en vigueur, le CEP est constitué de neuf membres choisis à raison de trois par chacun des trois grands pouvoirs de l’État. Le mandat des conseillers électoraux, non renouvelable, dure neuf ans. Ces conseillers sont inamovibles.

Il y a de cela dix ans, Michel Joseph Martelly, alors Président en exercice de la République, avait entamé le processus de la mise en place de cette institution  si importante pour la fiabilité et la régularité de l’organisation des élections en Haïti. Mais après avoir installé les deux tiers du Collège, l’ex-Président avait buté sur une opposition farouche du Sénat de la République, et avait dû faire machine arrière. Une première grande occasion manquée, et l’échec s’est réitéré en 2017, confirmant ainsi que la bonne volonté des acteurs politiques compte également dans le franchissement de cette étape démocratique.

Cette énième difficulté dans la mise en place d’institutions démocratiques fiables permet de vérifier une hypothèse digne de la théorie du complot. « Comprendre à qui profite  l’instabilité institutionnelle, est une question aussi complexe que la détermination du chaos comme technologie de contrôle politique », lâche le professeur Chérubin. Certains pourraient avoir des réticences à se poser les bonnes questions au sujet des obstacles qui se dressent sur la voie de la démocratisation. « Qui a intérêt à gouverner Haïti à travers un État failli et maintenu sous perfusion internationale ? Suivez mon regard ! », conclut-il.

Entre temps, en dépit de l’urgence de l’organisation des élections qui n’ont pas eu lieu depuis au moins cinq ans, il n’existe pour l’heure ni Conseil Électoral Provisoire ni Conseil  Permanent sur tout le territoire national. Le problème du manque de consensus national, du déficit de légitimité et de leadership du gouvernement actuel, des doutes sur la transparence et  l’inclusion des futures nominations ou encore l’épineux problème de l’insécurité sont autant de défis à relever aujourd’hui avant de pouvoir revenir à  un ordre constitutionnel.

Daniel Toussaint

danieldavistouss@gmail.com

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