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Résolution du Sénat de surseoir à l’intervention d’une force étrangère armée : un acte de courage, mais sans effet, estime Clarens Renois

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Le Premier Ministre de facto Ariel Henry est autorisé par le Conseil des Ministres à solliciter le déploiement immédiat d’une force spécialisée étrangère armée en Haïti. En guise de réaction, le Sénat de la République demande au Chef du Gouvernement de surseoir à cette décision. L’ancien candidat à la présidence Clarens Renois, lors d’une interview accordée au journal Le Quotidien News, estime que  cette résolution prise par le Sénat est un acte de courage, mais sans effet.

Le Quotidien News (LQN) : En tant que personnalité politique et citoyen haïtien, quelle est votre réaction en ce qui concerne la résolution prise par le Sénat de la République demandant au Premier Ministre de facto Ariel Henry de surseoir  à la résolution prise en Conseil des Ministres l’autorisant à solliciter le déploiement immédiat d’une force spécialisée étrangère armée en Haïti ?

Clarens Renois (C. R.): Je crois que cet acte est l’expression de la dislocation des institutions de l’État et des institutions démocratiques. À maintes reprises, cette expression s’est manifestée en public. Sauf que, là, c’est le cas le plus flagrant parce qu’il s’agit d’une décision grave prise par le Premier Ministre en Conseil des Ministres. Autoriser une force internationale à intervenir en Haïti, c’est une décision d’une importance capitale qui devait être prise en relation avec les autres institutions démocratiques, même s’il y a une dislocation du système démocratique depuis l’assassinat de Jovenel Moïse. Toutefois, le Premier Ministre devrait prêter égard aux Sénateurs qui sont encore en fonction car ils sont encore là. Ils sont payés par la République. Il aurait dû leur demander leur opinion sur la question. Aujourd’hui, nous sommes en présence d’un divorce total entre des responsables de l’État. Chacun agit de son côté. Chacun fait ce qu’il veut. Et la République à cet effet souffre. En tant qu’homme politique et citoyen d’abord, je pense que ce n’est pas une bonne chose.

Demander de surseoir, cela n’aura aucun sens. Le Premier Ministre fort de son pouvoir ne va pas suivre cette recommandation du tiers du Sénat. Toutefois, sur le plan politique, je crois qu’il y a une nouvelle opportunité ratée par nos dirigeants politiques de dialoguer entre eux, de trouver un compromis. Le Premier Ministre aurait dû rassembler les Sénateurs ou tout au moins consulter le Président du Sénat, rassembler les acteurs politiques ou quelques-uns d’entre eux pour les informer qu’il est dans l’obligation de faire appel à l’aide internationale et par conséquent leur demander ce qu’ils en pensent.

LQN: À quoi le pays peut-il s’attendre comme résultat après la résolution prise par le sénat de la République concernant la résolution d’Ariel Henry ?

C. R. : Aucun résultat. Le Premier Ministre a décidé. Sa demande a été bien accueillie par les puissances étrangères. Ces dernières ignorent complètement l’existence du Sénat. Brian Nichols est venu avant hier en Haïti, il a rencontré le Premier Ministre mais il n’a pas rencontré les Sénateurs. Nous sommes dans une situation de crise grave où seule l’autorité mise en place par les États-Unis est reconnue, mais le reste du pays et des institutions ne comptent pas pour eux.

LQN : Quel est le bon et le mauvais côté de cette résolution prise par le Sénat de la République?

C. R.: Le bon côté de cette résolution, c’est que le Sénat a posé un acte de courage. Cela étant, il s’agit d’une décision sans effet. Le bon côté, c’est de l’avoir prise. Le mauvais côté, c’est le fait de l’avoir prise  alors qu’il n’y aura pas de conséquence,  et qu’elle ne sera pas suivie non plus. Le Sénat ne sera pas entendu.

LQN : Il est dit dans l’article 2 de la résolution du Sénat de la République que « l’Assemblée des Sénateurs demande aux forces politiques, économiques et sociales, d’accorder le bénéfice de l’urgence aux discussions en cours afin de dégager un consensus suffisant pour une sortie de crise durable ». À ce sujet, qu’est-ce que vous  pensez ? Vous croyez dans le contexte actuel que cette démarche peut être fructueuse,  dans l’intérêt de la population ?

C. R. : Il s’agit d’une bonne chose. Il faut une initiative crédible pour porter les différents secteurs politiques, économiques et la société civile à s’asseoir ensemble pour trouver un consensus. Ce doit être d’abord un consensus politique au niveau politique parce que c’est la politique qui tient tout.

LQN : À votre avis, que représente réellement cette résolution prise par le Sénat sur l’échiquier politique actuel ? Est-elle significative aux yeux de la population ?

C. R. : La population ne se préoccupe pas de la résolution du Sénat à mon avis. La population aujourd’hui est beaucoup plus préoccupée par la situation d’insécurité et l’opinion est très divisée sur la nécessité de faire venir des étrangers ou sur le comportement des autorités nationales ou des forces nationales pour faire face aux gangs. La préoccupation de la population est de pouvoir circuler et de s’adonner à ses activités quotidiennes et naturelles.

LQN: Vous ne cessez pas de proposer le dialogue comme moyen permettant de résoudre les conflits politiques. Pourquoi ?

C. R. : Dans le cas de la politique moderne, le dialogue c’est l’arme de prédilection pour harmoniser les relations dans la société. Car tous les éléments de la société  sont appelés à vivre ensemble et en harmonie, donc c’est par le dialogue qu’on peut le faire. Quand on parle de dialogue, il y a deux éléments qu’il faut considérer : il y a les éléments concrets qui poussent au dialogue. Il y a une situation de crise dans un pays où il y a des chiffres économiques sur le chômage, la décroissance de l’économie nationale et sur l’insécurité ; donc ce sont des éléments qui doivent nous pousser à dialoguer, à nous mettre ensemble pour dialoguer. Dans un second temps, il y a aussi des qualités humaines dans le dialogue. Il faut vouloir dialoguer. Il faut avoir la culture du dialogue. Il faut être tolérant pour pouvoir dialoguer. Il faut comprendre également le vrai sens du dialogue.

LQN: Pendant qu’on y est, vous êtes de ceux qui pensent que seule une force étrangère peut résoudre le problème dans lequel est plongé le pays ?

C. R : Non, je ne pense pas cela ! Je crois que le pays est dans une crise très grave. Les forces nationales de sécurité n’ont manifesté aucune volonté de combattre le démon de l’insécurité des gangs ; au contraire il y a, on dirait, dit-on, complicité entre les autorités et ces gangs en question. Il devient difficile  de croire que les forces de sécurité nationale vont résoudre le problème ou ont la capacité de le résoudre.  À partir de ce moment, moi, en tant que personnalité politique et citoyen patriote, je dis qu’Haïti peut faire appel à la coopération internationale pour l’aider. C’est-à-dire demander la présence de fonctionnaires militaires ou de policiers étrangers pour accompagner les forces nationales de sécurité pendant une période bien déterminée pour résoudre le problème de l’insécurité et il doit revenir aux forces nationales de faire ce travail. Car, Haïti doit se prendre en charge un jour ou l’autre. Nous devons avoir notre propre armée. Nous devons doubler la capacité de notre force de police en hommes, en équipements et en moyens pour que cette force de police puisse faire son travail  consistant à sécuriser les vies et les biens.

LQN: Êtes-vous de ceux qui croient que tôt ou tard les fils et les filles du pays devront s’asseoir ensemble pour discuter de l’avenir d’Haïti ?

C. R. : Oui je le crois. Il s’agit d’une foi active. Il faut agir pour faire sentir aux Haïtiens la nécessité de se mettre ensemble. Aujourd’hui ou demain, les Haïtiens vont se mettre ensemble pour discuter et la grande réconciliation nationale est possible. Je crois que la réconciliation est quelque chose d’indispensable pour permettre à Haïti de se relancer.

LQN : Est-ce qu’il y a un processus de dialogue en cours en vue de trouver une issue à la crise actuelle qui paralyse toutes les activités du pays ?

C. R.: Je pense qu’il y a beaucoup plus de négociations en cours. Des discussions autour d’un point bien précis. Le pouvoir de la transition à gérer pour un retour à l’ordre démocratique. Des discussions pour voir comment trouver  la formulation d’un pouvoir. Ce n’est pas encore un vrai dialogue. Car celui-ci prendra en compte les différentes structures de la société à mettre ensemble pour dialoguer. Quand ce dialogue sera lancé, il ne s’agira pas de dialoguer en vue de partager le pouvoir pour former un nouveau gouvernement. Il s’agira d’un dialogue national pour prendre en compte les différents maux de la société.

Propos recueillis  par :

Jackson Junior RINVIL

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