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Régime de sanctions : Fabrice Mauriès, l’Ambassadeur de France en Haïti  apporte des précisions

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Après les efforts de l’ONU pour trouver un moyen d’action, ce sont désormais les deux géants nord-américains, les États-Unis et le Canada, qui occupent  le devant de la scène en  instaurant un régime de sanctions à l’encontre de certaines personnalités haïtiennes. Pour l’Ambassadeur de France en Haïti, Fabrice Mauriès, son pays suivra la Résolution du Conseil de Sécurité, dans le cadre européen, et non de façon bilatérale.

Chefs de gangs, personnalités politiques, grands commis de l’État toujours en fonction, membres de la société civile, de la presse, du secteur privé, etc., le régime de sanctions des États-Unis et du Canada n’épargnent  aucun acteur  de la scène politique haïtienne. Tandis que le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) prépare une liste de personnalités à sanctionner pour renforcer la Résolution du Conseil de Sécurité qui devrait être imposable au niveau multilatéral, ces sanctions établies de manière bilatérale ont pour objectif de mettre en lumière et de limiter les marges de manœuvre de ceux qui  contribuent à aggraver la situation d’insécurité dans le pays.

La France n’entend pas « emboîter le pas »  aux initiatives bilatérales

La France, acteur international majeur en Haïti, s’est jusqu’à présent abstenue de prendre une telle initiative. Pour l’Ambassadeur de France en Haïti, M. Fabrice Mauriès, son pays n’entend pas « emboîter le pas » derrière ses alliés nord-américains. « La France est un pays souverain comme Haïti est un pays souverain, et la France a ses propres capacités d’analyse, ses propres informations. S’il y a des échanges d’informations avec nos deux alliés, à ce moment-là, nous les examinerons, et si ce sont des éléments qui sont concordants ou si nous en sommes convaincus, alors je ne l’exclue pas », a déclaré le diplomate lors d’un entretien publié cette semaine sur la page Facebook de l’ambassade.

« Si vous parlez des sanctions américaines et canadiennes, ce sont des sanctions américaines et canadiennes. Nous, nous ne sommes pas liés par ces sanctions. Et les raisons pour lesquelles nos partenaires américains et canadiens ont pris des sanctions, leur appartiennent », a-t-il ajouté.

Selon le diplomate, l’absence de sanctions du côté de la France n’est aucunement une abstention. « Il n’y a pas d’ambigüité politique. Nous soutenons cet effort », a-t-il indiqué, rappelant que, dans le passé, la France a déjà pris un certain nombre de décisions de cette ampleur, des visas ont été refusés à des personnalités, mais ces mesures n’ont pas été rendues publiques. L’Ambassadeur assure que son pays suivra la Résolution du Conseil de Sécurité, dans le cadre européen, et non de façon bilatérale. « Cette Résolution est en train d’être mise en œuvre au niveau européen parce que c’est une compétence de l’Union Européenne », ce qui veut dire qu’elle sera donc appliquée par tous les pays de l’Union Européenne.

Par ailleurs, l’Ambassadeur dit ne pas vouloir appeler ces initiatives des « sanctions ». « Moi je n’appellerais pas ça des sanctions. Je dis simplement qu’il y a un certain nombre de personnalités haïtiennes qui ne sont pas les bienvenues en France, pour des raisons qui ne concernent que nous et les personnes haïtiennes en question ».

Régime de sanctions, le CARDH fait son rapport

« Régime de sanctions des États-Unis, du Canada et du Conseil de sécurité pour contenir la criminalité en Haïti : Contexte géopolitique, résultats, enjeux et perspectives », tel est le titre du rapport du Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) publié ce 21 novembre 2022. Selon l’institution, les sanctions contre des individus présumés responsables de l’aggravation de la crise haïtienne doivent  contribuer à résoudre la crise. « Les sanctions doivent surtout aider à combattre la corruption, à assainir les finances publiques, à récupérer les fonds petro-caribe… », a précisé le CARDH dans son rapport.

Selon ce document, les sanctions prises au niveau bilatéral présentent de nombreuses faiblesses, parmi elles, « ces personnes peuvent voyager dans d’autres pays ». De plus, le CARDH soutient que les activités économiques de ces personnalités ne subiront pas non plus de dommages dans d’autres pays. « Si ces personnes sont propriétaires d’entreprises, elles peuvent commercer avec d’autres pays à partir d’autres méthodes alternatives de transaction, de paiement… ».

Selon le rapport, les sanctions adoptées au niveau multilatéral auront plus d’impact, car elles seront opposables à tous les États membres, ainsi qu’aux organisations multilatérales. « Les sanctions adoptées au plan multilatéral sont opposables à la coopération internationale dans son ensemble. Les sanctions qui seront adoptées par les Nations Unies seront suivies par tous les États, y compris par les organisations régionales (OEA, UE, UA). Les personnes sanctionnées ne pourront pas voyager, leurs fonds seront gelés partout sur la planète… », lit-on dans le rapport.

Les fabricants et trafiquants d’armes doivent être pris en compte

Haïti ne fabrique pas d’armes, ni de munitions, et un embargo l’empêche d’en importer. Cependant, la menace armée donne au pays l’allure d’un pays en pleine guerre civile. Pour le CARDH, des enquêtes doivent être menées afin de couper court au trafic d’armes qui alimente les gangs . « Les enquêtes menées peuvent s’étendre sur d’autres pays de la région. En effet, Haïti n’est pas producteur d’armes et de munitions. En outre, la plupart des responsables de ce trafic ont d’autres nationalités. Ainsi, les enquêtes à mener au plan multilatéral peuvent concerner d’autres territoires et nationalités »,  indique le CARDH dans son rapport.

Des acteurs étrangers sont forcément impliqués dans le trafic d’armes  en Haïti, suppose le CARDH qui y voit la mainmise de réseaux de criminalité organisée transnationale. Pour l’institution de promotion et de défense des droits humains, les gangs n’agissent pas seuls, il faut les isoler. « Les régimes de sanctions ne doivent pas suivre une logique de deux poids deux mesures, d’autant que les chefs de gangs ne sont pas les vrais « maîtres » de la criminalité en Haïti. Ils ne sont que des instruments. Les maîtres sont dans la sphère privée (détenant, pour la plupart, la nationalité américaine, canadienne, ou française…), dans la politique, ou dans la criminalité transnationale régionale … ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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