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Les droits de l’Homme, victime de premier plan de la crise haïtienne

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Que ce soient les droits civils et politiques, les droits sociaux-économiques, ou encore les libertés collectives ou individuelles, la violation des droits de l’Homme a été flagrante  tout au long de l’année 2022. La situation a été des plus difficiles également pour les Haïtiens en République Dominicaine, en proie à une vague de déportations massives sur un fond suspect de racisme institutionnalisé.

La crise atteint chaque jour un nouveau palier en Haïti. Les conditions de la vie y sont des plus difficiles depuis 2018. Les droits sociaux-économiques semblent ne plus pouvoir être garantis, l’État est en pleine agonie. En glissement annuel, le panier alimentaire a augmenté au cours des 12 derniers mois à un rythme mensuel moyen de 12% à 98% selon le bulletin « Panier alimentaire et conditions de sécurité alimentaire » de la CNSA publiée ce 15 décembre. Traduction : « De septembre 2022 à février 2023, 4,7 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, dont environ 19,200 personnes en situation de catastrophe alimentaire, notamment à Cité Soleil. 18% de la population analysée (environ 1.800.000 personnes) sont classés en phase 4 de l’IPC (Urgence) et 29% (environ 2.900.000 personnes) en phase 3 (Crise) ».

De plus, la situation socio-sécuritaire met en péril jusqu’au droit à la vie lui-même. S’ayant approprié le droit de vie et de mort sur la population haïtienne, limitant à volonté le droit des citoyens de circuler librement, menaçant la garantie de leur droit à la propriété, entre vols, viols, et autres atteintes à l’intégrité physique et morale des individus, la machine infernale des réseaux de grand banditisme a  impacté négativement la vie haïtienne tout au long de cette année. Devant une police institutionnellement fragile, en manque d’équipements face aux gangs, la population s’est retrouvée seule et totalement livrée aux bandits.

Le pays en proie aux enlèvements et assassinats

Les cas n’ont pas cessé de se multiplier qu’il s’agisse d’assassinats ou d’enlèvements. Que ce soit des personnalités politiques à l’instar de l’ex-candidat à la Présidence Éric Jean Baptiste, assassiné le 28 octobre 2022 à Laboule 12 par les bandits locaux ou l’ex-sénateur et Directeur de l’Entreprise Publique de Promotion et de Logement Sociaux (EPPLS) Yvon Buissereth, ainsi que son chauffeur, assassinés et brûlés le 6 août dans la même zone de Laboule 12, sans compter les individus appartenant à différents corps de métiers, ou encore des centaines de citoyens ordinaires, la machine de l’insécurité ne s’arrête pas et ne laisse dans son sillage que les larmes, le deuil et la désolation.

Dans son rapport de juin 2022 au Secrétaire Général de l’ONU, la cheffe du BINUH a rappelé un rapport non-exhaustif  de la Police Nationale d’Haïti sur les cas d’enlèvements et d’assassinats, plusieurs cas n’ayant pas été signalés. Dans ce rapport, rien que pour les cinq premiers mois de 2022, ont été enregistrés pas moins de 540 enlèvements contre rançon du 1er janvier au 31 mai 2022, contre 782 cas d’homicides volontaires. Selon un rapport trimestriel (juillet-août-septembre) du Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) publiée le jeudi 29 septembre, 191 cas d’enlèvements ont été enregistrés, présentant une baisse de 75% par rapport au trimestre précédent.

Les massacres se multiplient, ainsi que le nombre de personnes déplacées internes

Les crimes de masse se multiplient également depuis maintenant plusieurs années. Déjà fin avril 2022, les violences qui sévissaient dans les communes de la Croix-des-Bouquets et de Cité-Soleil suite aux affrontements entre gangs rivaux ont causé pas moins de 18 morts au sein de la population civile, provoquant le déplacement interne plus de 17 000 personnes, selon le BINUH. Entre le 8 et le 17 juillet, les violences entre gangs rivaux dans la commune de Cité-Soleil, au Nord de Port-au-Prince, ont provoqué soit la mort, les blessures ou la disparition de pas moins de 471 personnes.

De plus, les Nations Unies ont dénoncé de graves incidents de violences sexuelles. « De graves incidents de violences sexuelles à l’encontre des femmes et des filles, ainsi que des garçons recrutés par des gangs, ont également été signalés », s’étaient indignées les Nations Unies dans un communiqué. Dans la matinée du 20 août, c’est à la Croix-des-Bouquets, à l’entrée de Cité Doudoune que l’insécurité a frappé en masse, neuf personnes ont été assassinées. Le  29 novembre, à Cabaret, dans ce que plusieurs personnes considèrent comme un acte de vengeance des gangs, douze personnes ont été assassinées, et des maisons incendiées ; le maire par intérim lui, a parlé de plus d’une vingtaine de morts. Des corps calcinés ont été découverts.

Les déportations massives se poursuivent depuis la République Dominicaine

La situation des ressortissants haïtiens en République Dominicaine n’est pas plus aisée que ceux qui vivent dans le pays. Faisant face à une « chasse »  par les autorités migratoires dominicaines, les expatriés haïtiens sont sur le qui-vive, tandis que le Gouvernement haïtien reste inactif. Cette situation est dénoncée par bon nombre d’organismes de défense des droits humains, qu’il s’agisse d’organisations locales, d’Organisations Non Gouvernementales ou d’Institutions Internationales.

« Je demande aux autorités des pays d’accueil de mettre un terme aux expulsions vers Haïti, où les crises humanitaires et des droits de l’Homme perdurent, à ouvrir d’urgence aux Haïtiens l’accès à une protection, et ce, sans discrimination, et à procéder à des examens équitables au regard du statut de réfugié », avait recommandé Volker Türk, Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme en novembre dernier. Pour les autorités dominicaines, ces déportations sont légitimes. « La politique migratoire de chaque pays relève de la compétence de chaque Gouvernement, ce qui rend ces déclarations inacceptables et irresponsables », lui avait répondu le Président dominicain, Luis Abinader.

Cependant, des accusations de racisme sont proférées à l’encontre des autorités dominicaines. Le Vice-Président du Parti Révolutionnaire Dominicain (PRD), Fernando Ramírez, lui, soutient que le Président dominicain « essaie de plaire aux égos nationalistes » au moyen de ces déportations. D’un autre côté, les États-Unis ont imposé un blocus sur le sucre dominicain après avoir reproché à la société « Central Romana Corporation » de la République Dominicaine – principal fournisseur de sucre et autres produits dérivés aux États-Unis (environ 60% du total des achats) – d’abus de vulnérabilité, d’isolement, de retenue de salaire et de conditions de travail et de vie abusives, la grande majorité des ouvriers étant Haïtiens.

Au total, pas moins de 140 000 citoyens haïtiens ont quitté le territoire de la République Dominicaine selon le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), entre les rapatriés, les retours spontanés et les refoulés. À l’occasion de la journée internationale des migrants le 18 décembre dernier, le GARR a fait son bilan de 2022, par l’entremise de son responsable de communication, Sam Guillaume. « Durant cette année, les autorités dominicaines ont multiplié le nombre des déportations de migrants haïtiens vers Haïti. Ils ont fait partir 142 062 citoyens de leur territoire. 73 380 ont été rapatriés, 56 976  sont des retours spontanés, 11 706 ont été refoulés. De cet effectif, les agents d’immigration ont déporté 82 886 hommes, 32 568 femmes, 7 305 filles, 8 462 garçons. Les femmes enceintes n’ont pas été épargnées, elles étaient au nombre de 1 463; certaines d’entre elles étaient sur le point d’enfanter », a-t-il indiqué.

En plein 21e siècle, les pays de l’hémisphère occidental essayent de garantir à leurs populations les droits humains fondamentaux, ainsi que certains autres droits et libertés individuelles, au gré de leurs principes. En Haïti, malgré la consécration de bon nombres de droits aux Haïtiens, leur respect peine à être garanti. Au final, 2022 aura été une année dont les expériences ne doivent surtout pas être répétées. Malgré les promesses et discours d’amélioration depuis des années, les Gouvernements peinent à assurer la protection du peuple, et même le droit à la vie est en péril. Le pire est peut-être derrière, le meilleur est peut-être à venir, mais le résultat ne sera pas le fruit d’un hasard, seul l’effort à venir le déterminera.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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