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Nominations irrégulières à la Cour de Cassation selon certaines organisations, le dossier s’enlise

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La crise se poursuit au sein des institutions du pays. Alors que les vacances règnent dans presque toutes les institutions républicaines, le Premier Ministre Ariel Henry vient de publier un arrêté nommant 8 Juges à la Cour de Cassation. Entre irrégularité du processus et entreprise unilatérale, des organisations haïtiennes s’opposent aux choix du Gouvernement.

« Les juges à la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois (2) personnes par siège soumise par le Sénat », selon l’Article 175 de la Constitution de 1987. Depuis plusieurs années, les dispositions constitutionnelles – en matière de nominations – peinent à être totalement respectées à cause des fréquentes vacances institutionnelles. N’ayant plus de Président depuis bientôt deux ans, plus de Sénateurs depuis la fin du mandat du tiers-Sénat restant en janvier dernier, aucune nomination régulière ne pourrait avoir lieu au niveau de la Cour de Cassation.

Cependant, le Premier Ministre de fait Ariel Henry a procédé à la nomination de huit juges à la plus haute Cour de justice du pays par un arrêté en date du 28 février 2023. Marie Joceline Cazimir, Ketsia Charles, Frantz Drive, Maguy Florestal, Anès J. Joazéus, Louiselme Joseph, Rameau Patrick Métellus et Franzi Philémon sont les juges concernés par cette nomination. Depuis février 2022, le Dr Henry a toujours tenté de nommer des juges à la Cour de Cassation. Le 22 novembre 2022, le juge Jean Joseph Lebrun a été nommé puis installé comme Président de la Cour, un poste resté vacant depuis la mort du juge René Sylvestre le 23 juin 2021.

Un contexte assez difficile

Le pays, que ce soit au niveau institutionnel, socio-économique ou politique, est en train de vivre une décennie des plus difficiles. Entre les gangs armés dont l’expansion menace à la fois l’État haïtien et la population, et la crise socio-politique qui empêche tout consensus, le pays n’arrive toujours pas à se redresser. Pour la Fondasyon Je Klere (FJKL), le contexte exceptionnel dans lequel se trouve le pays actuellement empêche la nomination régulière des juges à la Cour de Cassation.

« La décision de combler les vacances et de rendre fonctionnelle la Cour n’est pas en soi une mauvaise chose », précise la FJKL dans une Note du 2 mars signée Marie Yolène Gilles. Cependant, la Fondasyon Je Klere voit d’un mauvais œil la violation par le Premier Ministre de la règle sacro-sainte de la « compétence et de l’intégrité » comme seuls critères de nomination des juges à la plus Haute instance judiciaire du pays ». En effet, l’organisation rappelle que parmi les juges nommés à la Cour de Cassation, certains ne sont pas exempts de tout reproche.

« La FJKL note, à titre d’exemple, que le Magistrat Frantz Drice figure parmi les nouveaux juges à la Cour de Cassation de la République. Le nom de ce magistrat a été cité dans un très grand scandale de corruption au Bureau du Contentieux Électoral National (BCEN) pour les élections législatives de 2015 », lit-on dans la note du 2 mars.

Des organisations et personnalités s’opposent aux nominations

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) estime que le Gouvernement n’aurait pas dû procéder à ces nominations, en tout cas pas « en dehors de tout consensus avec les composantes de la société, à défaut d’avoir pu respecter les dispositions constitutionnelles ». Pour l’organisme de défense des droits humains, ces nominations servent plus des intérêts politiques que celui de rendre fonctionnelle la justice haïtienne. « Ces juges ont été nommés non pas pour rendre l’appareil judiciaire haïtien fonctionnel, mais pour mettre en place un Conseil Electoral Provisoire, dans l’objectif de réaliser les élections, peu importe les conditions dans lesquelles celles-ci seraient organisées », estime le RNDDH.

D’un autre côté, des responsables du regroupement des huit partis politiques signataires de la déclaration conjointe du 30 janvier 2023 dénoncent, eux aussi, des nominations jugées « unilatérales ». Selon ce regroupement des partis PHTK, LAPEH, Pitit Dessalines, MOPOD et autres, par cette décision, le Gouvernement « met sciemment un arrêt aux tentatives de négociation pour une solution consensuelle de la crise, entamées par l’entremise de certaines organisations internationales ».

De son côté, l’ancien sénateur Steven Benoit y voit un Premier Ministre qui se donne les pleins pouvoirs. « Le roi Ariel (Henry) vient de nommer, en violation de l’article 175 de la Constitution, 8 juges à la Cour de Cassation. Il est Président, le Sénat et Premier Ministre. Messieurs et dames les magistrats de la République, vous dites quoi ? Membres des barreaux de mon pays : tout va bien ? », a-t-il réagi dans un Tweet.

Par ailleurs, le Secteur Démocratique et Populaire, opposition farouche au défunt Président Jovenel Moïse et aujourd’hui allié et membre du Gouvernement, y voit une avancée considérable. « Le SDP salue la nomination des 8 juges devant compléter la Cour de Cassation. C’est un pas important dans la mise en œuvre du Consensus du 21 décembre. La justice est un service public permanent. Le dysfonctionnement de la Cour était tout simplement inacceptable. Prochaine étape, le CEP ! », a déclaré leur porte-parole André Michel sur son compte Twitter.

Les difficultés auxquelles fait face le pays actuellement rendent irrégulières la plupart des décisions qui permettraient de réduire la crise institutionnelle. De plus, l’activité criminelle qui ne cesse de croître est l’une des principales menaces auxquelles font face la population et les différents secteurs, y compris l’appareil judiciaire qui ne cesse d’être victime de cette violence armée. Malgré les décisions de la communauté internationale de sanctionner des personnalités qui, selon elle, contribuent à faire prospérer l’activité criminelle, les gangs armés se renforcent.

De son côté, l’Organisation des Nations Unies se prépare à opérer quelques changements dans sa diplomatie en Haïti. Le 1er mars dernier, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres a annoncé la nomination de  María Isabel Salvador au poste de Représentante spéciale pour Haïti et Chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), remplaçant ainsi Helen La Lime à la tête de la délégation onusienne dans le pays.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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