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Haïti/Santé : Les rumeurs entravent les luttes contre les épidémies

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L’écosystème d’information en Haïti, en raison du faible niveau d’éducation, des croyances religieuses et mystiques de la population, est gangréné par les rumeurs et les désinformations. Ce qui complique davantage l’accès à l’information dans un pays en proie à une crise socio-économique sans précédent.

«Le contexte socio-économique, la mauvaise gouvernance, le prisme du mystique ainsi que les influences étrangères facilitent l’émergence de nombreuses rumeurs, surtout en temps d’épidémie de choléra et de COVID-19», indique Internews, dans son rapport sur l’évaluation du projet « Rooted in Trust (RiT) » réalisé avec la collaboration de l’Institut Panos et Policité. Pour ce qu’il s’agit du choléra, les rumeurs sont légion dans le pays : « Les gens peuvent être contaminés lors des rapports sexuels » ; « Le choléra n’existe pas dans tous les cas »; « Le choléra est une maladie mystique » ; « Le choléra ne tue pas » ; « Le choléra est de la politique », entre autres rumeurs très  répandues  depuis la réapparition du choléra en Haïti, en octobre 2022.

Les sources accessibles

90,1% des personnes interrogées dans le cadre des enquêtes pour le RiT estiment ne pas disposer de suffisamment d’informations sur le choléra. Et pour s’informer, les moyens sont multiples. La radio reste le canal le plus utilisé par les personnes interrogées pour s’informer sur le choléra. 39 % des répondants l’utilisent souvent, tandis que 29,8% passent par leurs amis ou des membres de la famille. La plupart des répondants (39,8%) indiquent qu’ils s’informent quelques fois sur le choléra auprès de leurs proches. Personne (0 %) parmi les répondants ne déclare utiliser « toujours » ce médium pour se renseigner sur le choléra quand 58 % affirment n’utiliser jamais (c’est-à-dire, pas du tout) ce canal pour s’informer sur le choléra, poursuit le rapport d’évaluation de l’écosystème d’information en Haïti.

Les agents de santé seraient, quant à eux, les plus dignes de confiance en ce qui attrait aux informations sur le choléra, si on se fie aux résultats de l’enquête. « 45,6% assurent avoir une « bonne confiance » et 32,5% indiquent avoir une « confiance absolue » dans les informations sur le choléra émanant de ces agents de santé ».

Parmi les répondants à l’enquête, « 62,4 % pensent que certains cas s’apparentent au choléra mais sont en réalité victimes d’attaques mystiques présentant des symptômes similaires au choléra ». Par ailleurs, pour d’autres, le choléra serait plus une manipulation politique. « 21,6 % des personnes interrogées pensent que le MSPP a confirmé la résurgence du choléra en Haïti afin de détourner l’attention de la population des vrais problèmes auxquels fait face le pays, et 17 % pensent que le choléra est de la politique utilisée pour détourner l’attention de la population ». «19.9% des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête quantitative croient que la résurgence du choléra est un complot ourdi par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et le Gouvernement haïtien afin de contenir des mouvements de foule qui pourraient émerger spontanément à travers le pays».

Impact des rumeurs

Selon les évaluations du RiT, l’impact de la propagation des rumeurs sur le choléra en Haïti est important. Seuls 8,2% des répondants disent être sûrs de toujours pouvoir distinguer une information juste d’une fausse. Selon le rapport, la dissémination de ces rumeurs peut entraver la lutte contre les épidémies. « Elles peuvent entraver l’adoption de comportements adéquats (tels que le lavage des mains dans le cas de choléra et la distanciation sociale dans le cas du COVID-19), et encourager des pratiques pouvant faciliter la propagation des virus ».

Toutefois, malgré la présence de ces rumeurs, les évaluations du RiT montrent que dans une très large proportion, la population connaît quelques moyens pour se protéger contre le choléra. « En analysant plus finement les données, l’on se rend compte effectivement qu’avec cette résurgence du choléra et des campagnes de sensibilisation déjà entamées, 91,2 % des personnes interrogées peuvent citer deux ou trois façons de se protéger contre la maladie. Seulement 8,8 % des répondants ne savent pas comment se protéger contre
le choléra dont 73 % de femmes et 27 % d’hommes », souligne le rapport.

Pour mener à bien les évaluations, Internews, Institut Panos et Policité ont recueilli des données quantitatives au moyen d’une enquête-données qui visent à  comprendre les sources que les femmes, les jeunes et les personnes ayant une déficience physique estiment ‘’crédibles et fiables’’ pour recevoir les informations sur les questions de santé publique, tels que le choléra et la COVID-19. Cette phase de l’étude a été menée d’Octobre à Novembre 2022 auprès de 171 personnes au niveau des quatre départements ciblés (Ouest, Nord, Sud et Nippes).

Il convient également de rappeler que l’étude a assuré un échantillonnage représentatif de 70% de femmes et 30% d’hommes, dont la plupart sont des jeunes. Pendant que se déroulait l’enquête quantitative, une approche qualitative, incluant entrevues, groupes de discussion (focus group) et collecte de rumeurs, a également permis d’obtenir des données qualitatives primaires telles que « l’accès par certains groupes de personnes aux informations liées au SARS-CoV-2 et au choléra, l’influence de la langue sur l’appropriation, la compréhension et la confiance dans l’information, l’utilisation du créole haïtien dans la réponse humanitaire liée aux épidémies et les sources auxquelles certains groupes de la société haïtienne se réfèrent pour recevoir les informations sanitaires ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

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