Il faut être flexible pour dialoguer !
3 min readLa rencontre organisée par la CARICOM à la Jamaïque les 11, 12 et 13 juin derniers avec les acteurs haïtiens autour de la crise, s’est terminée de la même manière que les anciennes tentatives haïtiennes. Les protagonistes sortent de ces pourparlers dos à dos et promettent de reprendre ultérieurement les mêmes dilatoires.
Toute la nation s’en doutait bien sûr, mais, elle attendait de la part des protagonistes une action rare. Un dépassement de soi, capable de dénouer la situation qui a trop duré. C’est dommage qu’ils continuent dans leur vicieuse logique du tout ou de rien.
Ça fait la peine de voir que des prétendants dirigeants de la nation ne connaissent pas les préalables en négociation. Qu’ils ignorent qu’elle s’agit d’un rapport de forces et, qu’il faut concéder, parfois une très grande part du gâteau, pour espérer ne pas tout perdre. Parfois, il faut abandonner certaines positions, certains privilèges, pour faciliter une entente.
Si Kingston a eu un mérite, c’est d’avoir réuni la majorité des adversaires politiques haïtiens acteurs de la crise. Mais, s’agissant de l’objectif central de la rencontre, à savoir concilier les deux bouts, c’est le même fiasco de toujours. Chacun reste sur sa position. Soit on gagne tout, soit tout le monde perd. Il n’y a pas de demi-mesure. Le rassemblement de Kingston c’était, sans conteste, l’assise des gargantuas.
Des deux côtés, la volonté de trouver un consensus était absente. Comment demander à un Gouvernement qui se trouve dans un fauteuil d’abandonner son pouvoir et le remettre, volontiers, à des adversaires directs ? Quel sens a une proposition qui veut que le Premier Ministre détenant depuis bientôt deux ans le plein pouvoir, accepte qu’une autre personne ou un groupe de personnes deviennent ses supérieurs en acceptant un Président ou un conseil présidentiel? Quel est cet acteur politique haïtien, fragilisé au même niveau que le Chef du Gouvernement, qui accepterait de parapher un accord qui le met hors de la gouvernance du pays ? Négocier et dialoguer mérite du bon sens. Il ne faut pas confondre la quête d’un consensus avec la volonté de faire table rase.
Ce sont là, en fait, des propositions mortes-nées. Des illusions pures et simples. Des obstacles volontairement érigés pour empêcher la progression vers une issue heureuse à la crise. À l’inverse, les questions sont aussi légitimes. Comment est-il possible que l’Exécutif choisisse d’avance sur quoi doivent porter les échanges ou non? Quels sont les sujets abordables et ceux qui ne le sont pas ? Le discours inaugural du Premier Ministre, le 11 juin 2023, dans le fond et dans la forme, n’a pas rendu service à l’objectif fixé pour les discussions. C’est regrettable que nos acteurs ignorent jusque-là, que le dialogue implique une certaine flexibilité et qu’ils continuent de faire passer leurs intérêts personnels avant ceux de la nation.
Les adversaires politiques se mettent d’accord seulement sur une chose, à savoir : le pays est en crise. Que la gouvernance est mauvaise. Est-ce que cette situation est de la faute expresse du Premier Ministre en poste ? Ce n’est pas prudent de le dire même quand ses paroles diffèrent de ses actions. Onze mois après, le dialogue sincère est plus qu’une nécessité. Il faut que tous les acteurs cessent de tourner en rond. Il faut qu’ils créent les conditions réelles aux pourparlers en commençant par accepter de faire des concessions et cesser de prétendre être les détenteurs patentés de la stratégie devant conduire à la résolution de la crise. On ne parle pas pour parler, surtout on est des leaders. On ne gouverne pas pour soi, pour sa famille ni pour s’enrichir. On gouverne pour la nation. On gouverne pour le peuple. Arrêtez pour de bon avec ces comportements dilatoires. Faites une action rare. Soyez à l’avenir flexibles.
Daniel SÉVÈRE