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Tous les indicateurs économiques sont au rouge en Haïti, que faire ?

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L’économie haïtienne est très loin d’être florissante. Cependant, dans la perspective d’une relance de l’économie nationale, l’économiste Guy Mary Hyppolite estime, lors d’une interview accordée à Le Quotidien News le 21 juin 2024, que la nouvelle ministre de l’Économie et des Finances, Ketleen Florestal, devrait se concentrer sur des mesures à court terme qui peuvent avoir un impact immédiat tout en posant les bases de réformes à long terme. 

Le Quotidien News (LQN) : Du point de vue économique, que pensez-vous de l’installation de Ketleen Florestal à la tête du Ministère de l’économie et des Finances  le 17 juin 2024?

Guy Mary Hyppolite (G.M.H) : L’installation de Mme Ketleen Florestal à la tête du Ministère de l’Économie et des Finances le 17 juin 2024, dans un contexte où des groupes armés contrôlent 80 % de la capitale, pose des défis considérables. Voici une analyse économique de cette situation :

         1.   Climat d’Affaires et Investissements : L’insécurité et le contrôle de vastes parties de la capitale par des groupes armés créent un environnement extrêmement défavorable pour les affaires. Les investisseurs, tant nationaux qu’internationaux, sont réticents à investir dans un pays où l’État ne contrôle pas pleinement son territoire. Mme Florestal devra travailler en étroite collaboration avec le ministère de l’Intérieur et les forces de sécurité pour améliorer la situation sécuritaire, condition préalable à toute reprise économique durable.

         2.      Coût économique de l’insécurité : L’insécurité engendre des coûts économiques directs et indirects. Directement, il y a les dépenses accrues pour la sécurité et les pertes liées aux destructions de biens et aux vols. Indirectement, l’insécurité freine la croissance économique en décourageant l’activité commerciale, en perturbant les chaînes d’approvisionnement et en augmentant les coûts des transactions. Mme Florestal devra évaluer et planifier des moyens pour atténuer ces coûts, peut-être en allouant des fonds spécifiques pour renforcer la sécurité dans les zones économiques clés.

         3.      Réformes structurelles : Pour attirer les investissements et relancer l’économie, il est essentiel d’instaurer des réformes structurelles qui vont au-delà de la sécurité. Cela inclut la modernisation des infrastructures, l’amélioration du système judiciaire pour garantir l’état de droit, et la création de mécanismes de soutien pour les entreprises touchées par l’insécurité. Mme Florestal devra également envisager des programmes spécifiques pour les zones sous contrôle des groupes armés, visant à réintégrer ces régions dans l’économie nationale.

         4.      Programmes sociaux et économiques : Les zones contrôlées par des groupes armés sont souvent des zones de grande pauvreté et de marginalisation. Mme Florestal pourrait promouvoir des programmes sociaux et économiques ciblés pour ces régions, visant à réduire les inégalités, offrir des alternatives économiques aux jeunes susceptibles de rejoindre les groupes armés, et renforcer la cohésion sociale. Des initiatives comme des projets de développement communautaire, des formations professionnelles et des aides financières pourraient être cruciales.

         5.      Coopération internationale : L’insécurité peut être abordée également par la coopération internationale. Des partenariats avec des organisations internationales et des pays donateurs peuvent apporter des ressources et une expertise précieuse pour les programmes de sécurité et de développement économique. Mme Florestal pourrait jouer un rôle clé en mobilisant ces ressources et en assurant leur utilisation efficace pour stabiliser l’économie.

En résumé, l’installation de Mme Ketleen Florestal à la tête du Ministère de l’Économie et des Finances présente des opportunités, mais les défis posés par l’insécurité et le contrôle des groupes armés sur la capitale nécessitent une approche intégrée. Améliorer la sécurité, promouvoir des réformes économiques et sociales, et mobiliser la coopération internationale seront des éléments cruciaux pour redresser l’économie du pays dans ce contexte difficile.

LQN : L’Haïti d’aujourd’hui est marquée par l’instabilité sociopolitique, l’aggravation de l’insécurité et l’exode massif de la population. En conséquence, la situation économique du pays est devenue désastreuse. Tous les indicateurs économiques sont au rouge. Quelles sont les mesures qui devraient être prises par la nouvelle ministre de l’Économie et des Finances pour redresser l’économie du pays ?

G.M.H : Étant donné que le gouvernement de Mme Ketleen Florestal ne dispose que de 20 mois pour redresser l’économie, il est crucial de se concentrer sur des mesures à court terme qui peuvent avoir un impact immédiat tout en posant les bases de réformes à long terme. Voici quelques actions prioritaires :

         1.      Renforcement immédiat de la sécurité :

         •        Interventions ciblées : Mobiliser les forces de sécurité pour reprendre le contrôle des zones clés de la capitale et sécuriser les infrastructures critiques comme les ports, les aéroports et les routes principales.

         •        Collaboration avec les communautés : Travailler avec les leaders communautaires pour promouvoir la paix et la sécurité locale, et offrir des incitations économiques pour réduire la violence.

         2.      Stabilisation économique rapide :

         •        Contrôle des dépenses publiques : Mettre en place un audit rapide des dépenses publiques pour réduire les gaspillages et réallouer les ressources vers les secteurs prioritaires.

         •        Gestion de l’inflation : Collaborer avec la Banque Centrale pour stabiliser la monnaie et maîtriser l’inflation à travers des politiques monétaires strictes.

         3.      Amélioration du climat d’affaires :

         •        Réduction de la bureaucratie : Simplifier les démarches administratives pour la création d’entreprises et les investissements, et créer des guichets uniques pour faciliter les procédures.

         •        Incitations fiscales : Offrir des allégements fiscaux temporaires pour encourager les investissements dans les secteurs clés.

         4.      Réformes des infrastructures :

         •        Projets à impact rapide : Identifier et lancer des projets d’infrastructure à court terme qui peuvent être achevés rapidement et avoir un impact immédiat, comme la réhabilitation de routes principales et l’amélioration de l’approvisionnement en eau.

         5.      Programmes sociaux d’urgence :

         •        Aide alimentaire et sanitaire : Déployer des programmes d’urgence pour fournir de la nourriture et des soins de santé de base aux populations les plus vulnérables.

         •        Soutien aux PME : Mettre en place des fonds de soutien pour les Petites et Moyennes Entreprises affectées par l’insécurité, leur permettant de redémarrer rapidement leurs activités.

         6.      Mobilisation de l’aide internationale :

         •        Appel à la communauté internationale : Organiser des conférences de donateurs et des négociations bilatérales pour obtenir une aide financière et technique immédiate.

         •        Transparence et responsabilité : Mettre en place des mécanismes transparents pour la gestion de l’aide internationale, afin de garantir son utilisation efficace et de renforcer la confiance des donateurs.

         7.      Communication et Mobilisation Nationale :

         •        Campagne de sensibilisation : Lancer une campagne nationale pour informer les citoyens des mesures prises par le gouvernement et les encourager à participer à la reconstruction économique.

         •        Dialogue social : Établir des plateformes de dialogue avec les différents acteurs économiques et sociaux pour recueillir des idées, obtenir leur soutien et assurer une mise en œuvre inclusive des politiques.

En conclusion, Mme Ketleen Florestal doit concentrer ses efforts sur des actions immédiates et visibles qui peuvent rapidement améliorer la sécurité, stabiliser l’économie et mobiliser les ressources nécessaires. En même temps, elle doit poser les bases de réformes structurelles à plus long terme pour assurer une croissance durable au-delà des 20 mois de son mandat.

LQN : Par où Mme Ketleen Florestal devrait-elle commencer dans la perspective d’une relance de l’économie nationale ?

G.M.H : Pour entamer la relance de l’économie nationale, Mme Ketleen Florestal devrait suivre une approche structurée et prioriser les actions ayant un impact immédiat tout en posant les bases pour des réformes à long terme. Voici les étapes initiales par lesquelles elle pourrait commencer :

1. Évaluation de la situation et communication transparente

Évaluation Rapide :

         •        Audit initial : Réaliser un audit rapide de la situation économique, financière et sécuritaire pour identifier les principaux défis et priorités.

         •        Données et statistiques : Rassembler des données fiables pour comprendre l’ampleur des problèmes économiques et déterminer les secteurs les plus touchés.

Communication :

         •        Message clair : Communiquer de manière transparente avec la population sur les défis actuels et les mesures envisagées pour les surmonter.

         •        Engagement des parties prenantes : Impliquer les acteurs économiques, les organisations de la société civile et les partenaires internationaux dans la discussion sur les priorités et les solutions.

2. Renforcement de la sécurité

Interventions ciblées :

         •        Zones Stratégiques : Prioriser le rétablissement de la sécurité dans les zones stratégiques pour le commerce et les infrastructures vitales.

         •        Coordination des forces de sécurité : Travailler en étroite collaboration avec le ministère de l’Intérieur et la Police Nationale pour coordonner les efforts de sécurité.

Programmes de Réinsertion :

         •        Opportunités Économiques : Mettre en place des programmes pour offrir des alternatives économiques aux jeunes et aux populations vulnérables des zones à risque.

3. Stabilisation macro-économique

Politiques Fiscales et Monétaires :

         •        Contrôle des dépenses : Imposer des mesures strictes pour contrôler les dépenses publiques et réduire le déficit budgétaire.

         •        Politique monétaire : Collaborer avec la Banque Centrale pour stabiliser la monnaie et contrôler l’inflation, par exemple en régulant les taux d’intérêt et en gérant les réserves de change.

Soutien International :

         •        Mobilisation des ressources : Organiser des réunions avec des partenaires internationaux et des donateurs pour obtenir un soutien financier et technique immédiat.

4. Amélioration du climat des affaires

Réformes administratives :

         •        Simplification : Simplifier les procédures administratives pour faciliter la création et l’exploitation des entreprises.

         •        Guichets uniques : Mettre en place des guichets uniques pour accélérer les démarches administratives et réduire la bureaucratie.

Incitations à l’investissement :

         •        Allégements fiscaux : Offrir des incitations fiscales temporaires pour encourager les investissements dans des secteurs clés.

         •        Zones économiques spéciales : Créer des zones économiques spéciales avec des régulations favorables pour attirer les entreprises et les investisseurs.

5. Programmes  sociaux d’urgence

Filets de Sécurité :

         •        Aide alimentaire : Déployer des programmes d’aide alimentaire pour les populations les plus vulnérables.

         •        Soins de santé : Améliorer l’accès aux soins de santé de base en renforçant les infrastructures médicales et en fournissant des médicaments essentiels.

Soutien aux PME :

         •        Prêts et subventions : Fournir des prêts à faible taux d’intérêt et des subventions aux Petites et Moyennes Entreprises pour les aider à redémarrer leurs activités.

6. Développement des infrastructures

Projets à Impact Rapide :

         •        Réhabilitation : Lancer des projets de réhabilitation des infrastructures essentielles, comme les routes, les ponts et les installations d’eau potable.

         •        Partenariats Public-Privé (PPP) : Encourager les PPP pour financer et gérer ces projets d’infrastructure.

7. Mobilisation de l’aide internationale

Engagement international :

         •        Conférences de donateurs : Organiser des conférences pour mobiliser l’aide internationale.

         •        Transparence et Responsabilité : Mettre en place des mécanismes transparents pour la gestion de l’aide et assurer une utilisation efficace des ressources.

En commençant par ces actions prioritaires, Mme Ketleen Florestal peut poser les bases pour une relance économique durable et restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs dans l’économie haïtienne.

Propos recueillis par :

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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