En dépit de la situation chaotique dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le secteur bancaire est l’un des secteurs qui essaie de tenir le coup face aux crises qui affectent grandement le pays. Lors des lundis du CREGED animés par Hubermane Ciguino qui s’est tenu le 24 février 2025 à l’Université Quisqueya, le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Ronald Gabriel, a présenté, par visioconférence, un état des lieux du système financier et les mesures prises par la BRH pour garantir sa résilience.
L’économie haïtienne (PIB réel) a connu une évolution moyenne négative de 0,4 % sur les 10 dernières années, avec 6 années consécutives de contractions (de 2019 à 2024), a rappelé M. Gabriel lors de son intervention. En dépit de ce triste constat, le système financier haïtien a connu un bilan positif au cours de cette même période. « Sur la même période, les profits du système bancaire ont en moyenne crû de 2.3% avec toutefois 3 années consécutives de recul (2022 à 2024) », a révélé le gouverneur de la Banque Centrale qui, de plus, souligne que sur la même période, en se basant sur l’IPC, les profits nets réels du système bancaire ont crû de 2.8% (avec toutefois trois années de progression négative consécutives).
Cependant, pour certaines années de contraction économique, le système bancaire a connu des baisses de profits réels, explique M. Gabriel. Néanmoins, dit-il, le système bancaire a su faire montre en moyenne d’une certaine résilience. « 2016 et 2017 : années exceptionnelles au sens de profits extraordinaires résultant de la vente de filiales non bancaires par certaines banques », a rappelé le gouverneur.
Capacité du système bancaire à absorber des chocs
En termes de capacité du système financier à absorber des chocs, M. Gabriel a jugé nécessaire de préciser qu’en période de fortes turbulences socio-politiques à impacts négatifs sur l’économie, le système a su absorber les chocs et garder une assise financière au-delà du minimum adéquat (5%). À en croire le gouverneur, cette assise garde une tendance moyenne haussière au cours des 20 dernières années. De plus, ajoute-t-il, au cours des 10 dernières années, le ratio de suffisance des fonds propres réglementaires (prenant en compte les risques de crédit, de marché et opérationnels) a toujours évolué au-delà du minimum réglementaire de 12%.
Selon M. Gabriel, le niveau de liquidité des actifs du système est structurellement élevé. « Le ratio de liquidité a affiché une tendance haussière et gardé une moyenne de 54% au cours des cinq dernières années », explique-t-il.
La résilience du système bancaire
Afin de pouvoir expliquer la résilience du système bancaire haïtien, le gouverneur a mis l’accent sur trois éléments fondamentaux : le modèle d’affaires des banques ; la réglementation et la surveillance des activités bancaires ; les mesures de la BRH pour préserver la stabilité du système.
À en croire M. Gabriel, les banques transforment les ressources collectées en actifs productifs (crédit et placement) afin de gagner des revenus d’intérêts et d’investir dans d’autres actifs supportant leur fonctionnement. « Les banques offrent par ailleurs des services et d’autres produits qui sont générateurs de revenus moins exportés à l’évolution du climat des affaires », affirme M. Gabriel en soulignant que d’une manière générale la flexibilité du modèle d’affaires des banques leur permet de moduler leur niveau de performance étant donné l’évolution des conditions de l’environnement des affaires.
Par ailleurs, Ronald Gabriel a fait savoir que le crédit des banques est stratégiquement beaucoup plus orienté vers le secteur des activités à forte marge bénéficiaire, mais à faible valeur ajoutée pour l’économie. « Le secteur commercial est plus résilient aux chocs affectant négativement la croissance économique ; l’exposition des banques à ce secteur contribue à leur assurer une certaine performance même en périodes de contraction économique », soutient M. Gabriel.
Selon ce dernier, les banques sont assujetties à un ensemble de normes prudentielles et à un système de surveillance à distance et d’inspection sur place par la BRH. Il avance que ce système impose aux banques la transmission de rapports périodiques devant démontrer leur respect des règles de gestion saine et prudente de leurs opérations.
« Les mesures prises par la BRH concernant les moratoires sur le crédit ont contribué à un ralentissement du taux de prêts improductifs des banques ; un allègement des charges de provision pour mauvaises créances en est en résulté et conséquemment une réduction de l’ampleur de la baisse de performance qu’on aurait enregistré les banques en ces périodes de détérioration de l’environnement des affaires.
L’exigence d’un respect d’un coussin de fonds propres additionnels pour pouvoir distribuer des dividendes à la fin d’un exercice fiscal contribue à renforcer l’assise financière des banques et à assurer une certaine stabilité du système au cours des périodes de chocs », explique le gouverneur Ronald Gabriel.
Au cours des périodes de contraction économique causées essentiellement par la détérioration de l’environnement des affaires, la performance du système bancaire est affectée à la baisse, mais il s’est montré résilient en affichant un niveau de profits responsable, a rappelé une fois de plus M. Gabriel. Cette résilience, dit-il, peut s’expliquer par plusieurs facteurs : flexibilité du modèle des affaires, c’est-à-dire réallocation des ressources vers des actifs moins risqués et capacité de générer des revenus à partir d’autres services. « Réglementation et surveillance des opérations en vue d’une gestion saine et prudente pour assurer la stabilité financière. Intervention du régulateur visant le maintien de la stabilité du système financier afin de préserver la confiance du public », explique-t-il.
Le gouverneur Ronald Gabriel a de plus précisé que la résilience du système bancaire est toute relative, car le système financier haïtien « c’est un système assez peu intégré, avec un faible taux de transformation et donc une intermédiation insuffisante et un actionnariat peu formé », a-t-il soutenu.
Jackson Junior RINVIL
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