La transparence, pilier d’une gouvernance saine, reste un défi majeur en Haïti. L’Organisation Citoyenne pour une Nouvelle Haïti (OCNH), dans un document publié en mars 2025, propose des mesures concrètes pour renforcer la bonne gouvernance. Elle insiste sur le fait que « la société civile haïtienne pourrait exiger la publication en ligne des contrats publics », une initiative qui vise à instaurer la transparence…
La faiblesse des institutions de contrôle en Haïti est l’un des obstacles fondamentaux à la bonne gouvernance. L’OCNH, à travers ce document, indique que l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) souffre d’une instabilité institutionnelle liée à l’absence d’un mandat clair et protégé pour son Directeur Général et est sujette à des pressions politiques. De même, la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) est affectée par des dysfonctionnements structurels, notamment son tutorat par le Premier ministre, créant un risque accru de favoritisme dans l’attribution des marchés publics. À en croire Me Claudie Marsan, rapporte l’OCNH, avocate et spécialiste en passation des marchés publics, les marchés publics constituent une voie privilégiée pour la corruption en Haïti.
L’OCNH note que les pays les plus avancés en matière de gouvernance ont érigé la transparence en principe cardinal de la gestion des finances publiques, imposant la publication systématique des contrats publics et des déclarations de patrimoine. Dans cette perspective, la société civile haïtienne a un rôle déterminant à jouer en exigeant activement la publication en ligne de ces informations essentielles et en œuvrant pour un accès aisé à celles-ci par les acteurs de la transparence et de la lutte contre la corruption.
L’établissement d’un tel registre public permettrait d’accroître la surveillance citoyenne sur l’utilisation des fonds publics, d’identifier plus facilement les potentiels conflits d’intérêts et les actes de corruption dans l’attribution des marchés publics, croit l’OCNH. Cette dernière ajoute qu’il permettrait également de renforcer la redevabilité des hauts fonctionnaires en rendant leurs activités financières plus transparentes et d’alimenter le travail des institutions de contrôle telles que l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC).
La société civile : acteur de plaidoyer pour une bonne gouvernance
La société civile regroupe les acteurs, les associations ainsi que les organisations non gouvernementales qui agissent dans l’intérêt collectif. La société civile ne se limite pas à constater les manquements ; elle agit concrètement par des actions de plaidoyer, de mobilisation citoyenne et de contrôle des institutions. Elle peut ainsi contraindre l’État à allouer des ressources plus importantes aux institutions de contrôle et à garantir leur indépendance, estime l’OCNH. Elle souligne notamment la nécessité de protéger le Directeur Général de l’ULCC contre toute ingérence politique afin d’assurer l’efficacité de cette institution.
Par ailleurs, la société civile a un rôle crucial à jouer dans le renforcement des procédures de passation des marchés publics, souvent qualifiés d’autoroute de la corruption en Haïti. En exigeant la publication systématique et accessible des contrats par la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) conformément aux principes de transparence et de redevabilité, argue l’OCNH, la société civile contribue à assainir ce domaine particulièrement vulnérable.
L’institutionnalisation d’un registre public des contrats, soutenue par une société civile haïtienne engagée et proactive, affirme l’organisation, représente une avancée significative vers une administration plus intègre, responsable et efficiente. Cette mesure, dit-elle, conjuguée au renforcement des institutions de contrôle et à la protection des lanceurs d’alerte et des journalistes d’investigation, est essentielle pour bâtir une Haïti où la bonne gouvernance n’est plus une aspiration, mais une réalité tangible.
Toutefois, face à la fragilité de ces institutions, l’OCNH formule dans son document une série de recommandations cruciale. Parmi celles-ci, l’organisation insiste sur la nécessité d’institutionnaliser un registre public recensant les contrats et les patrimoines des hauts fonctionnaires. Elle préconise également de garantir l’indépendance et le renforcement budgétaire des institutions dédiées à la lutte contre la corruption. L’OCNH appelle, en outre, à l’adoption d’une loi protégeant les lanceurs d’alerte et les journalistes d’enquête, ainsi qu’à la mise en place d’un observatoire citoyen de la gouvernance publique. Enfin, elle souligne l’importance d’accélérer la digitalisation des services administratifs.
Marie-Alla Clerville