Symboles de l’autorité de l’État, les commissariats de police et les antennes de la Police Nationale d’Haïti (PNH) subissent de nouveau l’assaut des individus armés dans le pays. En un peu plus d’une semaine, les commissariats de Montrouis, Liancourt et Bassin‑Bleu ont été attaqués et incendiés par des assaillants semant la terreur à travers le pays. La PNH annonce avoir repris le contrôle du commissariat de Bassin-Bleu.
Haïti s’enlise dans une spirale de violence depuis plus de cinq ans, qui touche toutes les couches sociales du pays. Les bandes armées – de plus en plus visibles et puissantes – s’implantent un peu partout, particulièrement dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite. Elles s’en prennent à la fois à des citoyens paisibles et aux commissariats de police. Le 18 septembre 2025, des civils armés ont attaqué et incendié au moins deux commissariats.
Le groupe criminel dit « Kokorat San Ras » a attaqué tôt jeudi la commune de Bassin‑Bleu, dans le département du Nord‑Ouest. Les caïds y ont incendié, en toute tranquillité d’esprit, le commissariat, la mairie et plusieurs entreprises de la commune. Jusqu’à l’après‑midi, les criminels avaient le contrôle total de Bassin‑Bleu, selon les témoignages des habitants. Le même jour, les bandes armées ont aussi mis le feu au commissariat de Montrouis, après avoir chassé les policiers présents.
La commune de Liancourt, située dans l’Artibonite, est également sous l’emprise du gang « Gran Grif ». Ces criminels ont lancé, le 15 septembre dernier, de violents assauts contre le commissariat de cette commune du Bas‑Artibonite. Face à cette situation, les policiers – comme c’est souvent le cas – se sont repliés, laissant le champ libre aux malfrats qui ont pris le contrôle des lieux, incendié le bâtiment du commissariat et l’ont détruit.
De retour à la tête de la Direction départementale de la Police de l’Artibonite, le commissaire divisionnaire Jacques Ader, perçu comme un symbole d’espoir par les habitants de Liancourt, est désormais confronté au double défi de rétablir l’ordre et la paix, tout en regagnant la confiance de la population civile.
La PNH incapable de protéger ses locaux : un problème récurrent
Le 26 janvier 2023, le sous‑commissariat de Pernier, à Pétion‑Ville, a été pillé puis vandalisé par des bandes armées. Les policiers y affectés avaient abandonné le lieu en milieu de journée, en signe de protestation, suite à l’assassinat tragique de sept policiers à Liancourt (département de l’Artibonite), le 25 janvier 2023.
La PNH est perçue comme incapable de protéger ses propres locaux. Le 1er mars 2023, des bandits armés ont mis le feu au sous‑commissariat de Fort Jacques, à Pétion‑Ville, incendiant plusieurs véhicules qui s’y trouvaient.
Les bandes armées poursuivent leurs exactions comme bon leur semble. Le commissariat de Petite‑Rivière de l’Artibonite a été pillé et incendié par le gang « Gran Grif » de Savien dans la nuit du 11 au 12 avril 2023, selon la presse locale. Il est à rappeler que ce commissariat avait été abandonné par les policiers dont c’était la charge, depuis le 26 janvier 2023.
Au cours de l’année 2022, ainsi que pendant les années précédentes, sous l’assaut d’individus sans foi ni loi, la PNH a aussi abandonné plusieurs de ses locaux (au Centre‑ville, à Cité Soleil, à Martissant…). Certaines personnes se demandent : si la PNH ne peut pas protéger ses propres agents, comment pourra‑t‑elle protéger ses locaux ? Les citoyens ? En tout cas, ce qui est sûr, tôt ou tard, la PNH a l’obligation ultime de faire changer de camp la peur.
« Protéger les vies et les biens de la population », telle est l’impérieuse mission de la PNH – malgré, pour certains, les signes d’une institution au bord de l’implosion.
Signalons, dans un court message publié le 19 septembre, la PNH a annoncé avoir repris « le contrôle du commissariat de Bassin-Bleu après l’attaque armée perpétrée par des individus armés identifiés comme membres du groupe criminel dénommé » Kokorat San Ras » ».
Un mois après son installation, les promesses de Vladimir Paraison mises à l’épreuve
Le 8 août 2025, Vladimir Paraison prenait les rênes de la PNH avec des mots forts, promettant d’« attaquer vaillamment » et de « ne ménager aucun effort » pour restaurer la sécurité dans le pays. Il s’engageait à permettre aux citoyens de dormir paisiblement et aux élèves de retrouver le chemin de l’école, tout en assurant que la lutte contre les gangs se ferait dans le respect de la loi.
Un mois plus tard, le contraste entre ce discours volontariste et la réalité sur le terrain est saisissant. Les gangs armés continuent de contrôler des territoires entiers, notamment dans l’Ouest et l’Artibonite, et les exactions se poursuivent. L’autorité de l’État reste fortement contestée.
La Rédaction