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Des programmes politiques farfelus comme voie de la pérennisation du néolibéralisme: une autre des branches de la racine du sous-développement d’Haïti

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Au cours de l’émergence de la profession du « Travail social » dans l’Amérique latine en 1925, le déploiement de la politique développementiste Nord-Américain a connu un échec de pleine envergure sur le continent américain. L’imposition de ce modèle de développement dans les pays de l’Amérique latine et en Haïti, prôné par les gouvernements de Washington, a butté sur tant d’obstacles structurels. Voire que ce modèle n’est en rien compatible à la réalité concrète de ces pays. À noter, ces pays ont tous pour la plupart connu l’esclavage et la colonisation occidentale. Et que leurs dirigeants sont déjà en proie avec le copiage et l’application du mode de vie de leurs anciennes métropoles. Aussi que, les mots développement et modernisation n’ont pas les mêmes contenus pour les masses populaires, les classes paysannes, les ouvriers que pour les apôtres et les concepteurs du discours moderniste. En dehors de ces détails, le modèle développementiste capitaliste prêché à tout bout champ comme la solution salvatrice des pays appauvris n’a pas su faire mouche en Amérique.

 
Suite à cette situation d’insuccès, au cours du XXe siècle, les dirigeants des pays de l’Amérique latine et de la Caraïbe ont commencé par remettre en question ce modèle de développement. Si ce n’était pas le cas pour tous, certains d’entre eux comme le Cuba de Fidel Castro, du Vénézuela de Hugo Chavez ont donc fait la différence de se démarquer de ce schéma de pensée.

Bien avant d’aller plus loin, il faut voir le Chili de Pinochet Augusto. Ce général chilien qui a pris le pouvoir par la force avec le support de la CIA, renversant ainsi le régime socialiste de Salvador Allende, en 1973. L’administration dictatoriale de Pinochet se présente alors en tant qu’élève modèle dans la mise en œuvre du néolibéralisme américain. Sur son règne le Chili a vécu que des sinistres moments tant sur le plan économique que social (Naomi Klein, La stratégie du choc: La montée d’un capitalisme du désastre.). Néanmoins, malgré la dictature féroce supportée par les Nord-Américains, le Chili était en mesure de se redresser. Cela même si ce n’est pas à grande échelle, aujourd’hui le pays a sa formule pour subvenir à certains besoins de la population chilienne. Cadre figure qui est totalement différent du régime dictatorial des Duvalier en Haïti. Eux aussi qui avaient fait main basse sur le pouvoir, mais avec un « agenda politique mensonger », renfermant comme pilier la défense de l’idéologie noiriste (M.-R. Trouillot, 1986).


La donne n’allait pas changer avec soi-disant l’avènement de la démocratie en Haïti vers les années 1987 suite à la chute de la dictature. Ce pouvoir avait signifié à lui seul une des images du sous-développement du pays. Et par ailleurs, il faut mentionner que le caractère de dictateur qui anime les divers dirigeants haïtiens a traversé toute l’histoire des chefs d’État en Haïti.


Alors cette fameuse méthode de prise de pouvoir sur base de fausses promesses, d’un programme politique persuasif bien agrémenté, certes modelée dans le temps, s’est révélée être un affront pour le développement du pays mais un succès pour le protégé de Joseph Martelly en 2016, et consorts. Même si, toutefois, on doit tenir compte de la diminution en nombre des électeurs dans le pays. On a enregistré environ un million de participants sur à peu près d’onze millions d’habitants dans les dernières élections ayant conduit M. Moise au pouvoir. Soit 21 % de la population haïtienne, a rapporté plusieurs journaux nationaux et internationaux.


Certains handicaps au développement du pays


D’un côté, Benoît Jaochim dans son livre les Racines du sous-développement en Haïti, analyse un ensemble de paramètres qu’il estime pouvoir être certaines causes de la situation misérable du pays: héritage de terres usées, le prétexte du manque de bras de l’idéologie dominante, l’arriération des techniques agricoles, etc. D’un autre côté, les observateurs doivent être invités à porter leurs regards sur l’entrée et l’application de la politique néolibérale en Haïti, ce que l’économiste Yves Barthélemy qualifie de nouvelle dépendance coloniale, notamment le cas d’Haïti. Une dépendance qui trouve force au sein des programmes politiques qui portent la populace à accepter la nouvelle forme d’exploitation, le sous bassement, et l’intégration la plus profonde du pays dans la tiers-mondisation d’ou le synonyme du sous-développement.


Benoit Jaochim parle d’une production agricole arriérée et archaïque qui ne possède aucune connaissance et méthode des progrès technologiques, industriels, scientifiques. Il fait ainsi référence aux matériels ou outils utilisés dans le maniement et l’entretien de la terre. Des instruments qui pour la plupart font partir des époques du XVIIe, XVIIIe siècle. Ainsi, nous voyons les hommes politiques haïtiens se lancent dans une pratique qui consiste à flatter l’ego du peuple haïtien afin de se hisser à la magistrature suprême, ou à tout autre poste électif de l’État. Pour réussir cette conquête, ces hommes consacrent toujours une place comme quoi importante dans leurs programmes à la valorisation et à la prise en charge de l’agriculture nationale. Un secteur, connu de tous, très prisé par la classe paysanne haïtienne. Ce même secteur sur lequel repose l’économie nationale. Une économie déjà mal en point depuis des décennies qui va se détériorer après 1986, rapporte Yves Barthélemy dans « Haïti et la mondialisation néolibérale: une nouvelle dépendance coloniale ». Ce qui rendra énormément plus pauvre le monde rural. Une dégradation du milieu paysans qui a pris effet lorsque Lesly Delatour, ministre des finances, a accepté d’appliquer aveuglement la demande de la libéralisation de l’importation et de l’exportation des produits étrangers sans condescendance aucune. Il a même fermé les portes de certaines usines de l’État en Haïti. Delatour solidifie du coup la politique de libre-échange, ouvre le pays aux produits venant de l’international dont ceux des cultivateurs du terroir ne sont pas en mesure de concurrencer, et renforce ainsi le poids de la loi des avantages comparatifs dont le pays n’a pas l’estomac de supporter. Pour ainsi dire, il est tout à fait correcte d’évoquer l’affirmation d’une chute considérable des taxes douanières, l’amputation du développement économique du pays de Delatour passant par Aristide à nos jours.

Desesclavisation et libération


Nous nous arrêterons maintenant sur l’inadéquation entre « la desesclavisation et la libération » vers les années 1793 et 1794, dont souligne Joachim, après le décret qui a mis fin au droit de propriété des maîtres sur les nouveaux libres de Saint-Domingue. Mais ce que l’auteur n’a pas su relater, au lendemain de l’indépendance cette même inadéquation surgit entre les gens qui sont dits héritiers des anciens colons et les nouveaux libres devenus paysans et cultivateurs. La lutte pour l’indépendance était non seulement un combat pour dire non au colonialisme, au ségrégationniste, à l’esclavage, mais aussi pour conquérir la libération totale. Cependant, après 1804 les différents dirigeants et les grands possédants terriens s’entendent pour exploiter les masses populaires de la campagne. Un complot qui poussera ces gens victimes de la mauvaise distribution des richesses du pays de s’engager à mettre en surface la relation inostensible et contradictoire de la desesclavisation et de la libération. Les paysans seront contraints de retourner de façon servile sur les grandes plantations. Conscients qu’ils viennent d’intégrer une autre forme ou une phase douce de l’esclavage qui se meut sous la couverture du concept libération, l’histoire d’Haïti a donc enregistré plusieurs révoltes de la classe paysanne contre ce stratagème des politiques. Pour autant fragile que paraît cette démarche <<de manipulation du concept libération dans la réalité haïtienne>>, elle garde toutefois son empreinte dissimulée dans bon nombre de programmes politiques des élus et des candidats politiques. Autrement dit, les hommes politiques haïtiens souhaitent faire croire à ces gens pauvres que tout va changer, tandis que ce n’est que de la manipulation pour obtenir la sympathie du plus grand nombre. On constate que la libération économique, sociale, politique « du pays en dehors » est confisquée par les tenants des richesses et du pouvoir; cependant ils veulent faire comprendre le contraire. Par conséquent, tant que la majorité de la population n’arrive pas à déceler ou à saisir le faux de ces plans politiques, le développement du pays est voué à être jeté aux oubliettes. Parce que, la mondialisation néolibérale étant non bénéfique aux plus démunis du pays est très jouissive pour la classe dominante, les commerçants revendeurs haïtiens.

Le populisme et les programmes politiques


Jean Alix René a présenté une analyse sur la question du populisme en Haïti, plus précisément sur celui du leader lavalassien Jean Bertrand Aristide. Il éclaircit pour le moindre dans ses propos comment le populisme parvient à se constituer et ainsi que les moyens à la base du discours populiste susceptibles de créer un grand nombre d’adeptes. Le charisme, un leader semblable à un spiritualiste, un programme politique monté de toute pièce sur des problèmes sociaux et économiques dont font face les masses populaires, sont entre autres certains points structurants de la logique populiste. D’un commun accord, tous ces programmes politiques inscrivent en faux aux aspirations et aux intérêts des haïtiens les plus vulnérables de la population. Ils contribuent en ce sens à donner plus d’ampleur et d’espace à la politique néolibérale en Haïti. Ces derniers (les programmes politiques) invitent inévitablement le pays à se soumettre lâchement au nouvel ordre mondial néolibéral. Cette politique mondiale des grandes puissances incombe comme mission de protéger et d’assurer la maximisation des profits des multinationales et le secteur privé des affaires. Et plus loin, empêcher l’avancement du processus de développement des pays (périphériques ou tiers-monde) où elle a été implémentée.

Sur cette même réflexion, l’histoire a retenu le déferlement d’une grande majorité de la population qui ne sait à quel saint se vouer, formée une foule compacte pour placer Jean Bertrand Aristide au pouvoir. Vu comme l’homme du moment après 1986, accompagné d’un programme politique plus ou moins populaire, et un discours qui semblerait être anti-bourgeois et anti impérialistes, le père catholique de saint Jean Bosco a pu obtenir l’attachement des masses à son cause. Pourtant, c’est là que les programmes politiques en Haïti posent problème. Ils se veulent être pour le peuple, mais ils ne font que perpétuer le sous-développement en détournant le regard de tout un chacun sur les méfaits du néolibéralisme en Haïti. Savez vous que malgré Aristide a témoigné dans plusieurs de ses prises de parole son soutien au peuple haïtien il n’a jamais annulé ou mis fin aux mesures néolibérales qu’avaient adoptées les autorités d’avant son régime. On souligne notamment celles de Lesly Delatour, en avril 1986 sous l’ère du Conseil National du Gouvernement Provisoire (CNGP). ( Barthélemy, ibid). Les tarifs douaniers ont continué de chuter; la production nationale succombée sous la loi des avantages comparatifs n’a donc pas été rehaussée comme attendue ; la balance commerciale du pays diminue; la monnaie nationale commence par perdre sa valeur face au dollars US. Toutefois, on doit signaler que certaines des mesures populaires évoquées par Aristide lui ont valu deux coups d’Etat (salaire minimum, réforme agraire, éducation pour tous, etc.). Par ailleurs, les lavalassiens ont recommencé avec la série de la privatisation des entreprises de l’État, exigée par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale à travers le programme Ajustement Structurel. Cet ajustement est justement la marche à suivre de la politique néolibérale.



Le cas de Jovenel Moise



Cette technique <<de présentation de programme politique manipulateur>> très fructueuse pour les partis politiques et les hommes et femmes qui aspirent à diriger l’État a été très utile à monsieur Jovenel Moise, le protégé des Phtkistes. Point qu’on a effleuré, en survol, plus haut. À travers son projet fabuleux présenté au peuple haïtien lors de sa campagne électorale, il a promis monts et merveilles. L’électrification du pays 24/24, l’introduction d’un cours sur le reboisement dans le programme scolaire, le renforcement et la valorisation de la production nationale, etc. Cette dernière promesse vient d’apporter une lueur d’espoir aux paysans détenteurs des moyens et des techniques archaïques de production que des matériels industriels adaptés au XXIe siècle. En fait, Edmond Paul avait critiqué farouchement les différents régimes, notamment celui de Salomon, de ne pas se rendre à l’évidence qu’on devrait procéder à l’industrialisation de la production locale. Il faut ajouter à cette idée le soutient financier mais aussi social de l’État à l’agriculture familiale-rurale et aux cultivateurs haïtiens laissés pour compte. Ensuite, Jovenel Moise avait aussi fait la promesse de construction de plusieurs kilomètres de route pouvant faciliter le transport des biens. Des téléphériques reliant un département à un autre, et d’autres menant à la Citadelle Laferrière. Le peuple se retrouve de nouveau piéger dans son esprit face à ce programme politique superflu, qui paraît très extravagant.


Étant président, plusieurs millions de gourdes a été décaissés et dépensés dans le « caravane » de Jovenel Moise. Mais où est Haïti aujourd’hui, de 2016 à 2020? Le pays n’a reculé plus que de mille pas. De fortes sommes ont été envolées sous les deux régimes Phtk sans l’atteinte des résultats escomptés. Que du gaspillage! Le nom du locataire du palais national, Jovenel Moise, est cité dans de vastes affaires de corruption, y compris la dilapidation du fonds du programme Petrocaribe. (Les deux premières tranches du rapport de la CSC/CA sur la gestion du fonds Petrocaribe).


Le programme politique du chef de l’État n’a jamais atterri. Résultat qui n’est sans surprise pour personne à l’heure actuelle. Jovenel Moise est en de pareils cas décrié par tous les secteurs de la vie nationale. Presque tout le monde réclame son départ vu son jeu coquin et son comportement de corrupteur, et son plan politique qui donne plus de champ libre au néolibéralisme. Ce qui a emmené une fois de plus au déni du développement global du pays. Le peuple haïtien qui s’enlise davantage dans la misère et la crasse continue de payer le prix des agendas politiques malveillants. Ce sont des plans politiques qui sont nullement en leur faveur et qui pèsent lourds sur leur bien-être. On comprendra ce versant si on suit bien le cours de l’histoire de la vie des masses populaires en Haïti, depuis qu’ils ont accès de jouir de leur droit de vote.



Il était question d’ici d’essayer d’enlever le dessous des programmes politiques qui font beaucoup de torts au pays. Ces programmes en partie bloquent la marche vers le développement durable au sens de l’haïtien du terme. Un développement du pays plus collectif qu’individuel, construit sur une relation sérieuse et confiante entre la nation et l’État, et qui valorise le point de vue de la paysannerie dans les stratégies de développement. Somme toute, le fait de se fier à ces programmes et à ses progéniteurs qui n’ont autre but de détourner l’attention sur la question de libre-échange -point central du néolibéralisme- représente depuis après 1986 une des branches de la racine du sous-développement en Haïti.




Juhakenson Blaise, Étudiant en Travail Social à la Faculté des  Sciences humaines (FASCH)

blaisejubensky@gmail.com

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