France: Jacques Chirac, l’homme du « Non » à la guerre en Irak, est mort
4 min readL’ancien président Jacques Chirac, qui a marqué la vie politique française pendant plusieurs décennies et restera comme celui qui a dit « Non » à la guerre en Irak en 2003, est mort jeudi matin à l’âge de 86 ans.
« Le président Jacques Chirac s’est éteint ce matin au milieu des siens. Paisiblement », a annoncé à l’AFP Frédéric Salat-Baroux, époux de Claude, la fille de l’ancien président.
Une minute de silence a été aussitôt observée à l’Assemblée nationale française, ainsi qu’au Sénat, où le décès a été annoncé en séance. Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a réagi en indiquant que « Jacques Chirac fait désormais partie de l’Histoire de France ». « Une France à son image: fougueuse, complexe, parfois traversée de contradictions, toujours animée d’une inlassable passion républicaine ».
Premier dirigeant étranger à réagir, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker s’est dit « dévasté » par la mort d’un « grand ami ». Selon lui, « son héritage pour la France et l’Union européenne restera à jamais ».
Jacques Chirac était l’une des grandes figures de la droite française dont la longévité, entre succès brillants et échecs cuisants, a démontré une exceptionnelle capacité de rebond.
Celui qui n’apparaissait plus en public depuis plusieurs années fut président pendant douze ans (1995-2007), deux fois Premier ministre, trois fois maire de Paris, créateur et chef de parti et ministre à répétition.
Il restera sans doute dans l’Histoire comme le président français qui, en 2003, a refusé de participer à la guerre en Irak voulue par les Etats-Unis. Confiant à son ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin le soin de mener la bataille diplomatique à l’ONU, celui-ci s’était opposé à la guerre au nom d’un « vieux pays, la France, un vieux continent (…), l’Europe (…) qui a connu les guerres, l’Occupation, la barbarie ».
Sur le plan intérieur, ses mandats de président français resteront aussi marqués par la fin de la conscription militaire, la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat français dans les crimes nazis, le passage au quinquennat, ou le cri d’alarme (« notre maison brûle ») face à la dégradation de l’environnement dans le monde.
Jacques Chirac était parvenu à conquérir la présidence française – rêve d’une vie pour ce fils unique – en 1995 après deux défaites (1981 et 1988).
En 2007, affaibli par un accident vasculaire cérébral qui l’a frappé deux ans plus tôt, il doit voir triompher Nicolas Sarkozy pour lequel il est loin de manifester la ferveur indéfectible de son épouse Bernadette.
Populaire, mais à l’image abîmée
« Perte de mémoire », « absences », surdité: Jacques Chirac apparaîtra ensuite de plus en plus rarement en public.
Sa dernière sortie publique remonte à novembre 2014, au Musée du Quai-Branly à Paris consacré aux arts premiers, et qui porte depuis son nom.
L’ancien président, affaibli mais souriant, était aux côtés de l’un de ses successeurs, le socialiste François Hollande. Ironie de l’histoire, l’ancien chef du parti Rassemblement pour la République (RPR) avait indiqué trois ans plus tôt qu’il allait voter pour le socialiste à la présidentielle, contre le sortant Sarkozy.
Particulièrement populaire depuis qu’il avait quitté le pouvoir, Jacques Chirac avait pourtant essuyé de cuisants échecs. En 1988, sèchement battu par François Mitterrand, son épouse Bernadette s’était désespérée que « les Français n’aiment pas (son) mari ».
Douze ans plus tard, la dissolution qui devait conforter sa majorité à l’Assemblée nationale a provoqué une humiliante déroute de la droite en France.
Il avait aussi chuté sur le terrain judiciaire, rattrapé par les juges après son retrait de la politique. En 2011, il devint le premier ancien président condamné au pénal en France, à deux ans d’emprisonnement avec sursis, pour une affaire d’emplois fictifs à la Mairie de Paris.
Après avoir quitté les ors de la présidence française, Jacques Chirac vivait à Paris, avec son épouse Bernadette, dans un appartement des bords de Seine, prêté par la famille de l’ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri, l’une des amitiés tissées au fil des ans. Il se rendait régulièrement en vacances au Maroc.
Il avait eu deux filles, Laurence, anorexique depuis sa jeunesse, décédée en avril 2016, et Claude, qui fut sa conseillère en communication.
Paul AUBRIAT avec Frédéric DUMOULIN/ AFP