Haïti / Covid-19 : une campagne de vaccination remplie d’incertitudes
3 min readDans une entrevue accordée au journal Le Quotidien News, le président de l’Association des Pharmaciens d’Haïti, Pierre Hugues Saint-Jean, affirme que la décision prise par l’exécutif, d’introduire le vaccin anti Covid-19 en Haïti, tout en se protégeant de toutes poursuites relatives aux complications graves qu’il pourrait entraîner, risque de provoquer l’échec de la campagne de vaccination.
La COVAX voulant que les vaccins anti Covid-19 soient distribués partout dans le monde à mesure que le poids du virus se fait ressentir, le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) ne saurait faire exception. Toutefois, l’État haïtien, en exigeant de faire signer un formulaire de renoncement à toutes poursuites, pourrait encore une fois alimenter la méfiance de la population qui craint déjà que des conséquences nocives n’apparaissent après l’administration du vaccin. « Cette crainte est l’une des principales raisons qui pourrait créer de l’hésitation chez les gens », affirme Pierre Hugues Saint-Jean.
En effet, une telle volonté de se dérober aux poursuites pourrait être vue comme une incapacité à assurer la sécurité de la population face aux risques que pourrait présenter le vaccin. Selon le président de l’Association des Pharmaciens d’Haïti, un médicament doit subir l’évaluation de la Direction de la Pharmacie, du Médicament et de la Médecine Traditionnelle (DPM/MT), avant qu’il ne soit utilisé en Haïti. Or, cette procédure n’a pas été respectée dans le cas précis. « Lorsqu’il s’agit d’un pays comme Haïti qui veut contrôler un médicament, il peut s’adresser à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour cela. Seulement, lorsque c’est l’OMS qui fournit un médicament, il n’y a pas moyen de le tester puisque c’est l’instance qui aide à tester qui fournit », déclare-t-il.
Les vaccins anti Covid-19 ont déjà commencé à être distribués dans plusieurs pays du monde. Selon Pierre Hugues Saint-Jean, certains cas de thrombose ont été enregistrés à la suite de l’administration de certains de ces vaccins. Parmi les vaccins anti Covid-19 disponibles, celui prévu d’être distribué en Haïti, est AstraZeneca qui a été mis en pause en France suite à quelques cas de coagulation intravasculaire disséminée et de thrombophlébite cérébrale observés en Europe, quoique rien ne prouve que le vaccin serait l’élément déclencheur.
Par ailleurs, Jeffnie Jean-Louis, coordonnatrice de Dwa pou m Konn Dwa m (DKD), affirme que chaque citoyen a le pouvoir d’agir contre l’État pour dédommagement suite à un dommage causé. Selon elle, il est impossible de renoncer à l’avance à un tel droit. « Il est vrai qu’il est possible de signer un document de désistement concernant une éventuelle poursuite, mais le dommage devra d’abord être causé », déclare-t-elle. Selon la coordonnatrice, un tel document, quoique signé, est considéré comme nul et non avenu au regard de la loi puisqu’on ne peut renoncer à un droit éventuel. Elle continue pour dire que si, après signature du document proposé, la vaccination cause un dommage à un patient il pourrait toujours poursuivre l’État, voire attaquer le document signé en justice.
Ketsia Sara Despeignes