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Dans le bus( première partie)

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Samedi matin, dans le bus qui va du centre-ville à la Croix-des-Bouquets, se trouvent entassés marchandes, ménagères, provisions et quelques jeunes. L’air est pesant. Des odeurs d’épices, d’haleine matinale, de sueur humaine, taquinent l’odorat. Il reste quelques places vides. A cette heure, le chauffeur passe des musiques évangéliques. Les clientes sont pour la plupart des bonnes femmes qui reviennent du centre-ville. Il faut attendre au moins huit heures du matin pour les musiques salaces, obscènes et rythmées. Au carrefour de Delmas 2, deux amies montent en bavardant dans le bus. Elles ont failli tomber, le chauffeur a démarré rapidement à la vue d’un policier.

Quelques femmes fredonnent, lèvent la main. La musique les édifie. Sur l’ancienne route de la piste aéroportuaire, une jeune fille monte. Elle va s’asseoir en s’agrippant aux sièges. Les sièges refaits en fer et bois. Ses mains coulissent sur les barres. Ses mains en ressortent huileuses. Elle pense aux fluides corporels qui pourraient laisser ce résultat. La sueur. Non. La salive. Sûrement pas. La morve. Peut-être. Ou plutôt. Non, sûrement pas ça. Elle s’assied droit, le visage rempli de dégoût. Elle doit mentalement énumérer le nombre de microbes qu’elle ramasse sur la chaise. De la pointe des pieds, elle pousse des morceaux de canne à sucre mâchés.

Au carrefour Delmas 3, deux hommes montent. Ils ont un matelas refait qu’ils hissent à grand peine sur le toit. Tous les passagers les évitent. Cet endroit est connu pour exceller dans les matelas refaits, comme pour leur sélection de punaises. Les hommes se grattent un peu. On se surveille. Il ne faudrait pas en rapporter chez soi.

Il y a un jeune homme près de la porte avec un sac à dos. Pour un samedi matin, ce n’est jamais bon signe. Les hommes se sont à peine installés qu’il leur montre son arme. Avant même de parler, la dame la plus proche retire son sac de marché sous son siège pour fouiller à l’intérieur. Il ne parle pas. Parler est surfait quand on a une arme. Toutes, sans un mot, remettent l’argent. La jeune fille droite, sans même attendre son tour, lui donne son téléphone et son argent. Il sourit et lui dit : « Bon bagay ». Une dame essaie en vain de retirer un anneau de son doigt, elle tremble, elle n’y arrive pas. Calé au milieu de l’allée pour ne pas tomber, il la gifle violemment de son autre main. Elle finit par l’enlever en larmes avec sa salive et ses dents. Il n’y a pas d’embouteillage. Le bus roule vite. Au premier ralentissement, à un feu sur la route, il saute du bus. Le chargeur de bus l’a vu. Il comprend ce qui vient de se passer. Il le dit au chauffeur. Peu importe, il avait fait payer les passagers avant le départ. Il ne perdra l’argent que des rares personnes à être montées en cours de route. Suite……

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