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La nouvelle a secoué le pays. La profession du journalisme vient de perdre à nouveau deux de ses représentants. Diégo Charles et Antoinette Duclaire sont partis pour l’au-delà. Les civils armés et les autorités l’ont voulu et ils les ont eus. L’insécurité trop longtemps tolérée tue le rêve de Diégo et de Netty dans l’œuf. Le choc est total.

Il a fallu un énième massacre pour que nous pleurions amèrement le départ prématuré de ces jeunes courageux. Les hommes armés de Port-au-Prince  ont été sans pitié pour notre confrère et notre consœur ce soir-là. Ce 29 juin dernier, les seigneurs de la mort ont ouvert le caveau à nos journalistes  particulièrement appréciés, qui font partie  de la vingtaine de morts recensés ce soir-là.

La douleur est si grande que chacun se croyait comme dans un rêve. Sur les réseaux sociaux, on  ne parle que de ça. Les témoignages coulent à flots. Les photos de Diego Charles, journaliste  très connu et de Marie Antoinette Duclaire, journaliste militante politique, tournent en boucle. Les messages postés  attristent et témoignent de la profondeur de la douleur qui  s’emparent des entrailles des internautes. On dirait qu’un cataclysme vient de frapper la corporation et le pays.

Au petit matin, 30 juin, des journalistes craquent à l’antenne, comme ce fut le cas de Stanley Figaro au journal du matin de Radio Métropole. La désolation est totale, la corporation journalistique est dévastée devant cette disparition brutale.

En effet, ces deux jeunes se sont efforcés de franchir toutes les barrières sociales empêchant l’émancipation de la jeunesse haïtienne. Grâce à leurs efforts et l’esprit positif et conquérant qui  les animaient, ils s’étaient taillé une place utile dans cette société qui ne valorise ni l’effort, ni l’esprit de sacrifice, ni la vertu. On a qu’à dire merci aux autorités établies, merci aux politiciens qui prennent le peuple pour bouclier. La presse est frappée en plein cœur.

Diégo Charles, un inspirateur

Originaire de la Grand-Anse, Diego Charles avait fait ses études terminales au lycée Toussaint Louverture à Port-au-Prince avant de s’orienter vers le journalisme au lendemain des évènements du 12 janvier 2010. Diplômé, il a rejoint la salle des nouvelles de la radio Vision 2000. Dans cette station, il a acquis une notoriété impressionnante, non seulement par la qualité du travail produit, mais aussi par son charisme, son ouverture d’esprit et le respect qu’il accordait à chaque confrère côtoyé.

Diego Charles n’avait pas encore d’enfant. Il était sur le point de décrocher une licence en sciences économiques, où il savait puiser ses sujets de prédilection. Il était l’un des initiateurs et des fers de lance de la création de l’association haïtienne des journalistes économiques pour le développement durable (AHJEDD) en 2018.  Il était rédacteur au journal en ligne  » Gazette Haïti » et travaillait, a-t-on appris, sur un projet  de média en ligne (La République) avec Marie Antoinette Duclair.

« Il avait été un brillant étudiant. C’est pourquoi, je l’ai moi-même guidé en l’intégrant dans notre staff en 2013 », raconte Enock Arisma , responsable de la salle des nouvelles  de Radio Vision 2000.  « Depuis, il avait connu une ascension continue en pratiquant le métier avec beaucoup de passion », a-t-il ajouté.

Pour celui qui était âgé de 33 ans, chaque jour était une occasion de fêter la vie. Dieg, pour les intimes, était apprécié et respecté de ses pairs. Les témoignages de Michelot Exavier, son collaborateur à Radio Vision 2000, en disent long. « Il  a été le premier  à m’accueillir à mon arrivée à la radio en 2015. J’ai beaucoup appris de lui », a déclaré Michelot Exavier, « Il était une fin blagueuse, mais aussi un rude travailleur. Je refuse de croire qu’il soit mort dans de telles conditions », a-t-il soupiré.

Marie Antoinette Duclaire et son ascension

Quant à Marie Antoinette Duclaire (Netty), elle était originaire des Cayes. Peu après ses études classiques, elle s’était dirigée vers la faculté D’Ethnologie pour entamer des Études en Sociologie. La militante politique  pensait dur comme fer avoir une responsabilité envers son pays. C’est peut-être le motif qui a toujours guidé ses engagements.

Netty conservait comme une perle précieuse ce credo de l’ancien Président américain John Fritz Gérald Kennedy : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous , demandez plutôt ce que vous pouvez faire pour le pays ». Son collaborateur et PDG de Radio Sans Fin (RSF), Yvenert Foeshter Joseph, la campe en quelques mots. « Ses réflexions pour une Haïti nouvelle et prospère avaient frappé mon attention, c’est la raison pour laquelle je l’ai  orientée vers le micro ».

Celle qui est morte assassinée à l’âge de 33 ans a été tour-à-tour animatrice d’émissions sociopolitiques à Radio Pacific et à Radio Sans Fin entre 2016 et 2020.

Ses engagements dans la lutte pour une vie meilleure en Haïti allaient prendre une nouvelle dimension quand elle a décidé d’intégrer les neufs membres de la Commission de facilitation de la passation de pouvoir dans le cadre de la mobilisation anti-gouvernementale en 2019. La sociologue était également la porte-parole de la structure de l’opposition baptisée Matris Liberasyon, ayant à sa tête l’ancien Sénateur Antonio Cheramy.

Marie Antoinette Duclaire s’était également engagée dans la lutte pour le respect des droits des femmes. En effet, elle était membre de la solidarité haïtienne des femmes journalistes (SOFEHJ).

Mario Sylvain

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