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Baisse de l’effectif des étudiants dans les universités haïtiennes : Des étudiants de l’UEH s’expriment

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Ces dernières années, les universités haïtiennes ont vu le nombre de leurs étudiants se réduire considérablement. Si pour certaines, cette baisse est relative, pour d’autres, elle est plutôt drastique. Une situation qui pousse les responsables de certaines grandes universités à envisager la fermeture provisoire de leur institution. À l’Université d’État d’Haïti, où les conséquences de ce phénomène sont moins perceptibles à première vue, les étudiants, partagés entre perplexité et inquiétude, s’expriment.

Le 20 novembre dernier, un article publié par le journal AyiboPost sur la situation des universités haïtiennes a fait froid dans le dos. Une grande partie de ces institutions ont vu, en effet, le nombre d’inscrits chuter de manière spectaculaire au cours de ces dernières années. Une situation catastrophique pour un grand nombre d’entre elles qui ne peuvent compter que sur les frais de scolarité des étudiants pour assurer leur fonctionnement. Pour les étudiants de l’Université d’État d’Haïti, cette situation qui n’est pas due au hasard constitue, selon eux, une épée de Damoclès, une menace imminente qui pèse sur le pays.

La situation sociopolitique et sécuritaire pointée du doigt

Pas besoin de chercher bien loin pour comprendre les causes de ce désintérêt des jeunes pour l’université. Si l’on en croit les témoignages des étudiants et étudiantes de l’Université d’État d’Haïti, celles-ci résident dans la situation chaotique du pays.  « Ce n’est pas étonnant que l’effectif des étudiants inscrits à l’université se soit considérablement réduit ces dernières années. L’instinct de survie est devenu prioritaire, et non l’éducation. Malheureusement ! », pense Leila Joseph. Pour cette étudiante en Communication Sociale à la FASCH, entre insécurité, crise sociale et politique, stress quotidien, les conditions ne sont pas réunies pour étudier à l’université en Haïti.

Un avis partagé par Jacky Marc Grégoire Chéry, étudiant finissant en Sciences Juridiques à la FDSE. Pour lui, « l’université n’est pas exempte de la crise multidimensionnelle que connaît le pays ». Selon lui, avec les nombreux problèmes auxquels la population fait face aujourd’hui, « manger et rester en vie sont devenus les principales priorités de chaque Haïtien. L’université, la formation en général, passent au second plan », fait-il remarquer.

Une société en pleine décadence

Toutefois, selon plus d’un, cette crise du milieu universitaire est imputable également à d’autres facteurs, dont la détérioration incessante de l’espace haïtien. « Globalement, nous sommes une société en voie de disparition », exclame Alexandra André, craintive. Étudiante en Communication Sociale à la FASCH, Mlle André soutient que la baisse de l’effectif des inscrits (mais également l’émigration désordonnée de la population) n’est ni plus ni moins que l’expression visible d’une société en décadence, courant fatalement à sa perte. Car, selon elle, en plus de la conjoncture sociopolitique et sécuritaire exécrable, les problèmes d’ordre structurel sont aussi des facteurs qui expliquent le désintérêt de plus en plus manifeste des jeunes pour l’université.

Pour Jacky M. G. Chéry qui abonde dans le même sens, cette tendance est le symbole même d’une société en déclin, d’un problème plus profond exacerbé par la conjoncture actuelle. « Cela [la crise universitaire] traduit en quelque sorte la déchéance de la société. Si l’on regarde au cours de ces 30 dernières années, tout ce qui se fait tend vers la dégringolade. Et cela concerne tous les secteurs [de la vie nationale, ndlr]. L’université n’échappe pas à cette réalité », soutient-il. Aussi, le doute constant qui plane sur les jeunes Haïtiens quant à leur avenir serait l’un des facteurs déterminants qui expliquent cette situation, si l’on en croit les étudiants de l’UEH. « Les jeunes ne trouvent pas de motivation pour continuer à étudier dans un pays où l’espoir semble s’amenuiser. Pour eux, la seule solution, c’est de quitter le pays, afin de trouver une vie meilleure », pense Clénèse César, étudiante en Histoire à l’IERAH/ISERSS.

Des conséquences désastreuses

Pour ces étudiants et étudiantes de l’UEH, avec cette situation, l’avenir d’Haïti s’écrit en pointillé. Il ne fait pas de doute que les conséquences de cette crise universitaire seront très lourdes pour le pays dans les années à venir. Si rien n’est fait, selon eux, le pays risque de connaître des années encore plus sombres dans un futur proche.

Si l’éducation reste un des meilleurs facteurs de mobilité sociale dans beaucoup de pays, en Haïti, ce n’est plus le cas. Décourageant ainsi les jeunes à se former, ce, alors même que l’éducation reste le principal levier du développement durable et effectif de n’importe quelle société. Malheureusement, la courbe de cette tendance à ne pas s’intéresser à la formation ne semble pas prête de s’inverser, si l’on croit Leila Joseph. Pour elle, l’une des conséquences immédiates de cette situation consiste dans le fait que les jeunes n’ont pas la même fougue qu’avant pour les études. Ce qui, à terme, aura des impacts non négligeables sur la société, et surtout des conséquences désastreuses pour les générations à venir.

« Nous ne tarderons pas à ressentir les retombées de cette situation. L’une de ces conséquences est que nous aurons bientôt une élite [politique et intellectuelle, ndlr] moins qualifiée et, par conséquent, moins performante », se désole M. Chéry. Un capital humain qui est pourtant « indispensable pour aider le pays à sortir du marasme actuel », selon Clénèse César.

Des mesures urgentes pour une situation alarmante

Aussi, les étudiants recommandent des actions urgentes permettant de remédier à cette situation pour éviter au pays d’atteindre le pire. Pour cela, il est urgent que des mesures soient prises au plus haut niveau de l’État pour enrayer la crise à laquelle le pays fait face, selon Clénèse César, afin, pense-t-elle, de « créer un espace favorable à l’apprentissage ». Car « l’éducation, levier du développement, est un droit à protéger en toute circonstance », conclut Leila Joseph.

Roobens Isma

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