Choléra : Peu de gens savent comment se soigner
4 min readPour éradiquer définitivement le choléra en Haïti, le Ministère de la santé publique et de la population (MSPP), avec l’aide de ses partenaires nationaux et internationaux, renforce les campagnes d’information. D’autant que les communautés ne maîtrisent pas complétement les moyens de soigner les malades.
Malgré la prolifération des médias en Haïti et l’utilisation à grande échelle de l’internet, très peu d’informations sont diffusées sur le choléra et sur la manière de soigner la maladie. Selon une enquête réalisée dans le pays par Internews, de concert avec l’Institut Panos et Policité dans le cadre du projet Rooted in Trust (RiT), seulement 4,1% des répondants se disent complètement informés sur les moyens de se soigner, contre 2,3% sur les types d’accompagnement que l’État octroie à ceux dont l’emploi a été affecté par le choléra, et 0.0% sur les informations liées aux aides humanitaires distribuées depuis la résurgence du choléra.
«Les personnes interrogées déclarent détenir très peu d’informations sur les différentes façons de soigner le choléra (39, 2%), sur le fonctionnement des écoles en période d’épidémie de choléra (42, 1 %), sur les manières d’améliorer les conditions d’hygiène (32, 2 %), sur les types de loisirs qui sont autorisés ou pas en période d’épidémie de choléra (43, 5 %), sur la situation liée au choléra qui prévaut dans leurs communautés (41,4%) ou encore sur les moyens dont elles disposent de poser des questions ou même de fournir un retour d’expérience sur le choléra (39, 8 %) », peut-on lire dans le rapport de l’Internews.
« L’analyse des données révèle qu’un tiers (1/3) des participants de l’enquête souhaite encore mieux comprendre le choléra, savoir comment se protéger et traiter la maladie. Même s’ils ont déjà entendu parler de la maladie, ou peuvent nommer une ou deux façons de se protéger, cela ne signifie pas qu’ils la comprennent, maîtrisent les moyens de prévention», souligne le rapport d’évaluation du RiT en Haïti. Parmi les interrogés, 61,5% indiquent avoir une bonne compréhension du choléra et peuvent identifier les signes et les symptômes du choléra, et les autres 38,5%, disent ne pas disposer d’une bonne compréhension de la maladie.
Pour Internews, l’Institut Panos et Policité, la disponibilité d’informations fiables est nécessaire pour mieux combattre l’épidémie du choléra. Dans une étude menée entre octobre et novembre 2022, les trois institutions ont évalué l’accès à l’information sur le choléra en Haïti au moyen d’une approche méthodologique privilégiant la collecte de rumeurs en ligne et des groupes de discussions avec des membres de la communautés, ainsi que l’exploitation des données démographiques et communautaires, des documents gouvernementaux, des ouvrages sur la communication et les médias, les plateformes de réseaux sociaux et des bases de données spécialisées sur les indicateurs des pays ».
Les Canaux privilégiés
La radio reste le canal le plus utilisé par les personnes interrogées pour s’informer sur le choléra. 39 % des répondants l’utilisent souvent tandis que 29,8% passent par leurs amis ou des membres de la famille. La plupart des répondants (39,8%) indiquent qu’ils s’informent quelques fois sur le choléra auprès de leurs proches.
D’autres types de canaux sont très peu utilisés pour s’informer sur le choléra : la presse écrite, les événements communautaires, YouTube et les applications de messagerie instantanée. 33% des participants à l’enquête déclarent s’informer via les agents de santé, les brochures informatives et à travers les écoles.
Pour réaliser cette enquête, Internews, l’Institut Panos et Policité ont interrogé 171 individus issus de quatre départements du pays, le Nord, le Sud, l’Ouest et les Nippes. 91.3% des interrogés ont un certain niveau d’éducation, dont 13,5 % avec un niveau universitaire ou supérieur, 16,4 % qui ont suivi une formation technique, 40,9 % ayant fréquenté l’école secondaire et 20,5 % l’école primaire. Seulement 8,8% des interrogés indiquent n’avoir jamais été à l’école. Quant à leur âge, 44,8 % ont entre 18 et 25 ans, 18,8% entre 26 et 29 ans, 17,6 % entre 30 et 39 ans, 10,9% entre 40 et 49 ans, pour 4,2% entre 50 et 59 ans. Seulement 5 individus âgés de plus de 60 ans ont été interrogés. Pour leur genre, 28,7 % des interrogés sont des hommes, et 71,3 % des femmes.
Le choléra, un défi majeur
Dans le contexte actuel caractérisé par une crise multidimensionnelle (instabilité politique, insécurité et crise humanitaire), la lutte contre l’épidémie de choléra est un défi majeur pour les autorités sanitaires. En raison notamment de l’insécurité grandissante, des personnes infectées n’ont pas accès aux centres de traitement du choléra, et décèdent des suites des complications de la maladie. Dans son rapport partiel sur la situation épidémiologique du choléra jusqu’au 28 avril 2023, la Direction d’Épidémiologie, des Laboratoires et de la Recherche (DELR) du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) a fait état d’un total de 40 550 cas suspects et de 2 678 cas confirmés, soit un taux de positivité de 35,20 % compte-tenu des 7 606 tests réalisés à date.
Clovesky André-Gérald PIERRE