Clarens Renois évoque un problème de confiance entre les acteurs dans le processus du dialogue
5 min readLors d’une interview accordée au journal Le Quotidien News, l’ancien candidat à la Présidence Clarens Renois, revient sur le processus de dialogue entre les acteurs qui avance à pas de tortue. M. Renois estime qu’il s’agit d’un problème de confiance entre les protagonistes, qui est un handicap majeur pour réussir un processus de dialogue.
Le Quotidien News (LQN): Vous faites partie de ceux qui croient que la seule issue possible pour résoudre la crise politique actuelle dans laquelle se trouve le pays, c’est par le dialogue. Aujourd’hui, où en sommes-nous avec ce processus qui a été lancé par certains acteurs au sein de la classe politique au lendemain de l’ajustement des prix des produits pétroliers par le Gouvernement actuel durant le mois de septembre ?
Clarens Renois (C.R): Je reste convaincu que le dialogue est un moyen pacifique de résoudre les problèmes surtout dans une société comme la nôtre. Nous devons utiliser le dialogue comme moyen pour rapprocher les communautés, les gens, les opinions et les positions. Et cela est pareil en politique. Nous ne sommes pas allés très loin dans le dialogue. Et cela c’est parce qu’il n’y a pas une culture du dialogue en Haïti malheureusement. La culture du dialogue n’est pas dans notre société. C’est la force qui prime souvent sur lui.
Je continue d’insister sur la nécessité du dialogue pour que nous puissions résoudre durablement les problèmes. Son avantage dans les conflits, c’est ce que cela nous permet de résoudre durablement les problèmes qui se posent.
Aujourd’hui où en sommes-nous ? Il y a eu effectivement des rencontres, mais qui n’ont pas débouché sur un accord. Les acteurs impliqués dans ce processus du dialogue ont peut-être des intérêts divergents. Et c’est normal. Néanmoins, il faut trouver un point commun. Celui-ci est pour moi Haïti. Le dialogue pourrait nous permettre de nous retrouver autour de cet idéal commun, à savoir Haïti. À partir du moment où chaque secteur considère que Haïti est important, le développement du pays est important, que la vie des Haïtiens est importante, la sécurité est importante, dans ce cas pour moi le dialogue devient incontournable et indispensable. […] On n’avance pas vite dans le dialogue alors qu’il y a une nécessité aujourd’hui d’avancer très vite parce que le pays est sur une situation de pente descendante qui fait craindre le pire.
LQN: À quoi ça sert de mettre sur pied un processus de dialogue si l’objectif ne vise pas l’amélioration des conditions de vie de la population?
C. R : Il y a un problème de confiance qui est un handicap majeur pour réussir un processus de dialogue. Si les acteurs n’ont pas confiance entre eux, c’est difficile de les mettre ensemble, de les faire s’asseoir autour d’une table pour dialoguer. Dans notre vie de peuple, nous avons déjà vu des gens qui se sont fait tromper en étant de bonne foi, malheureusement.
Il y a aussi la méfiance entre la population et les acteurs politiques et économiques. La population ne croit pas que ces gens-là de la politique vont dialoguer vraiment dans son intérêt. À partir de ce moment, cela devient un dialogue de sourds.
Entre les élites et la population, il faut rétablir cette confiance. Et celle-ci doit se rétablir également entre les élites elles-mêmes, sortir de l’état de méfiance dans lequel nous sommes pour permettre à un processus de dialogue de réussir. Il faut cette volonté de respecter les engagements pris et de créer la confiance entre les acteurs.
LQN : Une mission canadienne est venue récemment en Haïti en vue d’encourager les acteurs haïtiens à dialoguer afin de trouver un accord qui puisse tendre vers la réalisation des élections. À ce propos, quel est votre commentaire ?
C.R: On a déjà vu cela avec les Américains ou d’autres nations. Et c’est regrettable. Car, nous avons toujours besoin d’une mission internationale pour nous dire que nous devons dialoguer […] alors que c’est la chose la plus normale qui soit dans une société. Quand il y a crise, il doit y avoir un accord. Des compromis. Mais nous, nous n’arrivons pas à nous mettre seuls pour le faire. Nous avons toujours besoin d’un tuteur pour nous dire ce qu’on doit faire.
Cela me gêne de voir tout le temps qu’il y a des émissaires qui doivent venir en Haïti pour dire aux Haïtiens de s’asseoir ou de trouver un accord. Nous devons comprendre la nécessité de trouver un accord entre nous déjà par rapport à la réalité du pays : l’insécurité, la misère, la cherté de la vie, la gangstérisation du pays, la corruption. Nous devons être conscients de ces problèmes. Et à partir de là trouver un accord entre nous pour offrir une meilleure vie à la population. Pour changer les règles du jeu et pour vivre mieux.
Ce n’était pas nécessaire de faire venir une mission canadienne. Il n’a jamais été nécessaire non plus de faire venir des émissaires américains ou autres. Cela ne me fait pas plaisir de voir cela. Nous devons grandir comme peuple. Nous devons nous émanciper comme peuple. Nous devons pouvoir résoudre nos problèmes nous-mêmes.
LQN : Quel est votre commentaire sur les sanctions adoptées par le Gouvernement canadien contre certains politiciens et hommes d’affaires du pays ?
C. R : Je ne pense pas que les États-Unis ou le Canada prennent des sanctions contre des citoyens en Haïti par méchanceté. Ceci étant dit, où est la justice haïtienne ? Est-ce que notre société doit attendre qu’un pays étranger sanctionne un Haïtien pour qu’il soit accusé ou coupable ? Où est la justice haïtienne ?
C’est le moment de remettre debout la justice haïtienne pour qu’elle aussi puisse faire son travail. Ce n’est pas aux étrangers de sanctionner pour nous. Parce que si les étrangers ne sanctionnent pas, n’importe quel trafiquant ou dealer de drogue pourrait devenir Président de la République, tout simplement parce que la justice haïtienne est incapable de poursuivre et de condamner une personne.
Propos recueillis par :
Jackson Junior Rinvil