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Clément Magloire Saint-Aude, un ton unique dans la littérature haïtienne !

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« Les poètes n’ont pas de biographie. C’est leur œuvre qui est leur biographie », disait Octavio Paz. En effet, les œuvres du poète sont le reflet de son âme. Ainsi, les œuvres de Clément Magloire Saint-Aude constituent l’essence même de sa personnalité : mystère ! « Dialogue de mes lampes », « Tabou », entre autres, sont la manifestation la plus pure du courant surréaliste dans la littérature haïtienne. Écrivain, poète et journaliste, ses œuvres très peu communes l’érigent au rang des plus grands poètes de la littérature haïtienne.

Celui qu’on surnomme couramment le « dieu des lampes » est né sous le ciel nébuleux de Port-au-Prince, le 2 avril 1912. Son enfance tout comme quelques éléments de sa vie privée sont presque restés inconnus. De sa vie, on retient qu’il est né d’une famille de notables de Port-au-Prince et est le fils de Clément Magloire, le fondateur du prestigieux journal « Le Matin », jadis. Saint-Aude a effectué ses études classiques au Petit Séminaire Collège Saint-Martial, à l’Institut Saint-Louis de Gonzague et à l’Institut Tippenhauer. Entouré d’intellectuels et surtout de gens de lettres, il ne tardera pas à développer des aptitudes dans le domaine de la littérature.

Liant connaissance avec la poésie dès l’âge de 20 ans, le talentueux poète publia très tôt ses premières œuvres dans les revues « La Relève » et « Le Matin ». Il exerça beaucoup plus son talent dans les colonnes de « Les Griots », une revue dont il fut l’un des membres fondateurs en 1938, aux côtés de Carl Brouard, Lorimer Denis et François Duvalier. Secrétaire général de « Les Griots », le jeune Clément trouvera un espace où s’exprimer librement. Fanatique de la liberté dans la poésie, Clément ne s’inscrit dans aucune école littéraire et ne se plie à aucune pratique de son époque, mais développa très tôt son propre style d’écriture. 

Sa carrière en tant que poète débuta véritablement avec la publication de « Dialogue de mes lampes » en 1941 ; qui figure parmi ses plus grandes œuvres. Sa poésie singulière et peu ordinaire lui valu les qualificatifs d’un poète surréaliste, par Philippe Thoby Marcelin. Rédigé dans un style hermétique, il est difficile de cerner le sens des vers. Mais par faute de compréhension, on ressent de préférence le poème. « Dialogue de mes lampes » est un trésor de la littérature haïtienne. Ce recueil de poèmes a un ton unique. Il n’en existe pas deux de ce genre dans la littérature nationale.

La poésie de Clément a bien entendu traverser les frontières d’Haïti. André Breton, le père du surréalisme en France,  est lui aussi été  tombé sous le charme des mots de Clément. Il écrit alors dans les pages du journal « Le Figaro » à propos de Clément Magloire : « Douze à quinze vers, pas davantage, je comprends votre désir : la pierre philosophale ou presque, la note inouïe qui dompte le tumulte, la dent unique où la roue du destin engrène sur l’extase. On cherche qui, depuis le Sphinx, eût, dans de telles limites, réussi à arrêter le passant. Dans la poésie française, parfois, Scève, Nerval, Mallarmé, Apollinaire… Mais vous savez bien que tout est beaucoup trop lâché aujourd’hui. Il y a une seule exception : Magloire Saint-Aude. »

Clément Magloire Saint-Aude a laissé derrière lui un bon nombre d’articles et de chroniques. Ses œuvres poétiques légendaires : « Dialogue de mes lampes » et « Tabou » en 1941, « Déchu » en 1956, et « Dimanche » en 1973 lui ont donné une réputation de poète hors normes. Outre ses œuvres poétiques, il a également  produit des textes en prose comme : « Parias » en 1949, « Ombres et reflets » en 1952, et « Veillée » en 1956. Pourtant très peu le connaissent sous cette étiquette. Évoquer l’œuvre de Clément Magloire Saint-Aude, c’est parler d’une tonalité unique dans la littérature haïtienne. Vivez ces quelques vers tirés de « Dialogue de mes lampes » :

«  Dimanche

À l’horizon des fièvres

Pour la voix au bal du poète.

Le poète, lugubre, au rire de chat.

Le cœur léché, fêlés par les veilles.

Dites aux litanies délacées Edith

Le lieu le buste au gré de mon reflet.

Cloue, incomplet aux éventails

Dans ma douceur more.

Torpeur dans mon sang déganté sans amour.

Après-midi dénués à tire-d’aile

Je descends, indécis, sans indices

Feutre, ouatré, loué, au ras des pôles… »

Comme l’a dit Carl Brouard : « Le poème c’est vous ». En effet, la personnalité de Clément Magloire Saint-Aude s’incarnait dans ses œuvres : un mélange de mystère et de silence. Mort de cirrhose du foie, le 27 mai 1971, Clément a laissé derrière lui une vie bien remplie. Il n’a pas eu à parler de lui, ses œuvres l’ont fait à sa place !

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

pleyla78@gmail.com

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