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Coronavirus en Haïti : un véritable dilemme entre les pratiques de l’économie informelle et le confinement, une question de choix

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Le 19 mars 2020, HAITI a été officiellement touchée par la pandémie COVID – 19. Dès lors, on a assisté à bon nombre d’activités de sensibilisation en provenance des autorités et des citoyens du pays auprès de la population haïtienne visant l’application des règles d’hygiènes, des gestes barrières et le confinement. Toutefois, l’État haïtien ne dispose que de très peu de structure pouvant assurer la protection des familles haïtiennes. Sur les réseaux sociaux, partout et ailleurs, on partage en boucle un même message « Restez chez vous, Rete lakay ou, Stay home ». Ce message est accepté par plus d’un, car le confinement serait connu comme la meilleure stratégie pour éviter une propagation massive du virus (COVID-19). Cependant, une grande frange de la population haïtienne n’est pas confinée même en étant consciente que nous ne disposons pas de structures sanitaires adéquates  pour faire face à cette pandémie. D’ailleurs, même des nations comme les Etats-Unis, l’Italie, l’Espagne et la France qui disposent de grandes structures sanitaires n’arrivent pas encore à maitriser les conséquences de cette maladie.

Comment la population haïtienne peut-être confinée, sans une assistance sociale appropriée? Quel choix rationnel possible dans cette situation pour se protéger réellement de ce danger ?

Economie informelle

« L’ensemble des chercheurs qui se sont mis en quête d’une définition pour l’économie informelle n’arrive pas à élaborer une définition synthétique à cette dernière », a affirmé les participants à la conférence mondiale du travail. Toutefois, Lomami Shomba, dans son article titré l’économie informelle,  la voit suivant un ensemble de perspectives qui sont : Perspective axée sur la logique de production de l’économie informelle, son caractère non légal, et sur la récente évolution de l’organisation du travail.

Perspective axée sur la logique de production

Selon cette perspective, l’économie informelle a pour objectif d’assurer la survie, contrairement à celle formelle dont l’objectif est l’accumulation. On  comprend que : « ceux qui sont dans l’économie informelle mènent un ensemble d’activité dans le dessein d’assurer la survie familiale au quotidien. » Ces gens-là, comment vont-ils assurer la survie familiale, s’ils restent confinés chez eux?  Les citoyens et citoyennes qui constituent le secteur informel haïtien sont les plus vulnérables et la politique mise en place par l’Etat dans le cadre de l’état d’urgence pour faire face à cette pandémie (COVID-19) doit prendre la réalité de cette catégorie en compte.

Ti machann yo

Cette catégorie composée majoritairement de femmes, est l’une des catégories de personnes la plus touchée. Ces dernières ne restent pas sans rien dire, elles expriment leurs préoccupations sur ce nouveau comportement  qu’on leur impose.

a)         « Yon ti machann pwa nan mache dimòne » eut à dire au micro d’un journaliste : « M tande gouvènman di pou m ret lakay mwen. Mwen lafen an pran m si m pa vin kale grenn pwa a la a. Si kowonaviris lan touye m, l ap pi bon, m ap tou soti nan mizè  »

b)         «Yon ti machann manje » eut à dire au micro d’un journaliste : « Prezidan an mande pou n ret lakay nou, men kisa k nan men nou ? Mwen menm tout fanmi m sou kont mwen. Eske w panse m ka ret chita lakay mwen ak 2 po mouda m ? Li menm li reyini pil moun al fè kat sou chandmas. Fok li mete on bagay nan men chak moun. Li men m frijidè l plen, tout otorite yo gen bagay nan men yo. M pa gen anyen nan menm, se nan yon peyi pòv m ap viv, m aksepte,  zafè mouda m m mouri, men nan lari a m ap mouri. »

Ces déclarations nous ont permis de comprendre que les « Ti machann » se sentent livrés à eux-mêmes pendant qu’ils sont obligés de prendre la rue pour leur survie quotidienne et pour faire face à leurs responsabilités familiales. En plus de leurs situations de pauvreté, ils sont frustrés par la mauvaise gestion de l’Etat de cette crise. L’on peut se demander, est ce que les autorités étatiques eux-mêmes respectent l’arrêté présidentiel ? Ils ont compris clairement que nos autorités sont irresponsables. De ce fait, c’est à eux de prendre leurs responsabilités pour survivre comme ils ont déjà l’habitude de le faire. De plus, ils sont frustrés aussi contre les autorités, parce qu’ils savent très bien que les autorités ont tous les moyens nécessaires pour vivre pendant la période du confinement; et eux ils n’ont pas le luxe de le faire. Alors, peine de suivre les consignes des autorités, ils préfèrent perdre leurs vies par levirus Coronavirus au lieu par la faim.

Evolution du COVID – 19 en Haïti et Vulnérabilité

Les cas de contamination confirmés par les autorités de la santé publique s’augmentent de jour en jour, au 10 avril 2020, on était à 30 cas confirmés. Toutefois, la situation nous parait plus aggravante que celle que l’on nous présente. Une analyse faite par un étudiant finissant en Gestion (Evederson Previllon) rapporte que : « Si nous considérons l’évolution du COVID-19 qui se situe entre 9-10% pour la période du 30 mars au 03 Avril 2020;  pour 217 personnes testés on a 21 cas positifs ; pour 1 millions de personnes avec ce même taux, on aura 100 000 cas positifs. » En effet, cette situation risque d’arriver. Car, comme mentionné au préalable, une bonne partie de la population haïtienne n’est pas confinée ; ce qui augmente le risque d’une contamination générale de la population. C’est comme si nous appliquions la méthode « d’immunité collectif ». Par contre, nous ne pourrons pas gérer  une contamination générale de la population haïtienne parce que, suivant le classement GHS, Haïti est placé au 138ème rang parmi 195 pays dans le monde, en matière de préparation à une menace pour la sécurité sanitaire. Plus de 6 millions d’haïtiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2.41$/jour, et plus de 2.5 millions sont tombés en dessous du seuil de pauvreté extrême, ayant moins de 1.23$/jour (Banque mondiale, octobre 2019). Le 15 Juillet 2019, dans le rapport annuel de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’Agriculture (FAO), avec un taux de malnutrition de 49,3%, la République d’Haïti bat le plus grand record de malnutrition dans les Amériques. Alors, pourrons-nous compter sur un bon système immunitaire avec les problèmes liés au taux de malnutrition dans le pays ?

Faiblesse de l’Etat, aide internationale et corruption

Dans une étude de l’IHSI (2010), on a constaté que plus de 50% de la population haïtienne fait partie du secteur informel. Alors, ces gens-là ne peuvent pas être confinés sans une assistance sociale efficace, puisque suivant la perspective axée sur la logique de production de l’économie informelle, les activités quotidiennes qu’ils mènent sont des moyens pour assurer la survie familiale. En effet, s’ils sont confinés, qui va assurer cette survie ? En temps normal, l’Etat devrait le faire, mais malheureusement, nous avons un Etat faible, un Etat dont ses caisses sont pillées et gaspillées. Il n’a donc pas la capacité d’apporter une assistance sociale efficace. Maintenant, on peut penser qu’à l’aide international qui est d’ordre du jour. Toutefois, d’autres interrogations se révèlent importantes dans ce contexte. L’aide internationale pour le COVID-19 ne va-t-il pas gaspiller comme l’argent du Petro Caribe, l’argent CIRH et d’autres ? L’aide internationale peut-elle nourrir une population de 11 millions d’habitants, dont, presque la moitié vit au-dessous du seuil de la pauvreté ? Si oui, pour combien temps ? Pour quel objectif, puisque c’est une pandémie ; peut-être pour obtenir l’opportunité d’effectuer le test du vaccin contre le COVID-19 en Haïti ? De plus, la situation actuelle qui affecte tous les pays de la communauté internationale risque bien de limiter les possibilités d’aide internationale. 

Notre situation est ardue, grave, chaotique, stressante, frustrante, lamentable et inquiétante. Dans de divers niveaux, on se trouve dans une question de choix entre faim et Corona, dans un dilemme entre les pratiques de l’économie informelle et le confinement. En Haïti, nous sommes dans l’extrême vulnérabilité. Toutefois, ce n’est pas la fin. C’est probablement l’occasion pour nous, jeunes haïtiens et haïtiennes, de se conscientiser sur le rôle que nous avons dans le destin de ce pays et de s’engager afin de contribuer au développement du pays sur le plan social, économique et politique.

Juste – Cœur BEAUBRUN

Etudiant en Sciences Economiques à l’Université Notre Dame d’Haïti – FSESP

Etudiant en Leadership à Haitian Education and Leadership Program (HELP)

beaubrunjustecoeur@gmail.com

Bénédique Paul. L’expansion du secteur informel et le développement économique en Haïti : où est le problème ?

Lomami Shomba, Université Kinshasa. Economie informelle.

https://www.memoireonline.com/12/05/23/m_l-economie-informelle1.html
https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview
https://www.ghsindex.org/wp-content/uploads/2019/08/Haiti.pdf
https://www.loophaiti.com/content/insecurite-alimentaire-haiti-domine-le-classement-de-2019-en-amerique

Crédit photo : Wilkenson JULYSSE

 Mole Saint Nicolas / Mare – Rouge, Le 13 Avril 2020

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