14 décembre 2025

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Corruption : l’ancien chef de l’État Michel Joseph Martelly indexé par l’ULCC pour fausse déclaration de patrimoine

L’ex-Président d’Haïti, Michel Joseph Martelly, connu sous le sobriquet de Sweet Micky, est pointé du doigt dans le résumé exécutif d’un rapport d’enquête de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) « pour volonté réelle de fournir de fausses déclarations quant à l’état de son patrimoine ».

L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) continue de produire des rapports relatifs aux dossiers de corruption en Haïti. Le directeur général de l’institution, Me Hans Jacques Ludwig Joseph, a présenté à la presse, le lundi 8 décembre 2025, le résumé exécutif de cinq nouveaux rapports d’enquête mettant en cause plusieurs hauts responsables publics. Parmi les personnalités indexées dans l’un de ces rapports figure l’ancien Président de la République d’Haïti, Michel Joseph Martelly.

Dans le rapport intitulé « Résumé exécutif du rapport d’enquête portant sur la déclaration de patrimoine de Monsieur Michel Joseph Martelly, ancien Président de la République d’Haïti », l’ULCC accuse l’ex-chef de l’État d’avoir produit, volontairement, des déclarations de patrimoine fausses, incomplètes et tardives. L’organisme révèle l’existence de nombreux comptes bancaires, de revenus et de biens immobiliers non déclarés, ainsi que des incohérences majeures entre les déclarations soumises et les données bancaires et administratives vérifiées.

Quant à son épouse et à son fils, ils n’auraient pas non plus, selon l’ULCC, respecté les obligations légales en la matière. L’enquête met également en lumière des revenus injustifiés, des biens acquis sans source de financement identifiable et des véhicules non déclarés. Au regard de ces constats, l’ULCC recommande des poursuites pénales pour fausse déclaration, faux et usage de faux.

Retour sur la genèse de l’enquête

L’enquête de l’ULCC a été initiée à la suite d’une correspondance formelle de l’organisation de la société civile dénommée Ensemble Contre la Corruption (ECC), en date du 2 septembre 2024. Par cette lettre, l’ECC sollicitait l’ouverture d’une enquête sur le patrimoine de l’ancien président de la République, Michel Joseph Martelly, ainsi que sur les personnes qui lui sont juridiquement liées, notamment son épouse, Sophia Saint-Rémy Martelly.

Agissant sous l’égide des articles 11, 12 et 22 du décret du 8 septembre 2004 portant création de l’ULCC, le directeur général de l’institution, Me Hans Jacques Ludwig Joseph, a mandaté une commission chargée de conduire l’enquête. Selon l’ULCC, il s’agissait pour cette commission de « vérifier l’exactitude et la fiabilité des informations fournies par M. Martelly lors de l’accomplissement de cette formalité légale, mais aussi d’identifier l’ensemble des biens meubles et immeubles constituant son patrimoine réel, afin d’apprécier son évolution durant et après l’exercice de la haute fonction présidentielle pour la période allant du 14 mai 2011 au 7 février 2016 ».

D’entrée de jeu, la commission a procédé à un croisement des données officielles, bancaires et administratives. Cette analyse a révélé que les déclarations de patrimoine de Michel Joseph Martelly étaient non seulement tardives, mais également incomplètes et mensongères. « Les déclarations de patrimoine d’entrée et de sortie de fonction de Joseph Michel Martelly sont à la fois tardives et irrégulières », a indiqué l’ULCC, se référant aux dispositions de l’article 7, alinéa A-a, de la loi du 12 février 2008 portant déclaration de patrimoine par certaines catégories de personnalités politiques, de fonctionnaires et autres agents publics. L’institution souligne aussi que l’épouse de Michel Joseph Martelly, Sophia Saint-Rémy Martelly, ainsi que son fils Olivier Martelly, tous deux conseillers présidentiels, n’ont pas respecté cette formalité légale.

Comptes bancaires et revenus non déclarés

L’ULCC révèle que, dans sa déclaration d’entrée en fonction en 2011, l’ancien président Martelly avait déclaré quatre dépôts à terme et quatre comptes à la Capital Bank, pour un total d’environ 168 000 dollars américains et 98 000 gourdes. Or, selon les relevés bancaires obtenus auprès de plusieurs institutions financières, notamment la Capital Bank, la BNC, la Sogebank et l’Unibank, il existerait au moins vingt comptes au nom des époux Martelly ou d’entités qui leur sont liées, dont douze comptes actifs non déclarés.

« Douze comptes bancaires, tant individuels qu’institutionnels, non mentionnés dans la déclaration de patrimoine d’entrée en fonction, étaient pourtant actifs à cette date. Plusieurs de ces comptes sont directement liés à la campagne électorale de Michel Joseph Martelly ainsi qu’à la Fondation Rose et Blanc », précise le résumé du rapport. La commission d’enquête n’a par ailleurs pas retrouvé, dans les relevés fournis par la Capital Bank, le dépôt à terme (DAT) no 448953 ni le compte courant no 458316, mais déclarés officiellement. De plus, un prêt bancaire contracté par Sophia Saint-Rémy Martelly auprès de la Capital Bank, d’un montant initial de 39 921,69 dollars américains, souscrit le 10 août 2007 et arrivé à échéance le 19 septembre 2011, figure dans les relevés bancaires sans avoir été déclaré.

S’agissant de la déclaration de sortie de fonction, celle-ci aurait été déposée en janvier 2018, soit près de deux ans après la fin du mandat présidentiel, en violation des délais légaux. Michel Joseph Martelly y mentionne deux dépôts à terme à l’Unibank et six comptes à la Capital Bank, totalisant plus de 560 000 dollars américains et environ cinq millions de gourdes. Toutefois, les données bancaires font état de dix-sept comptes et de trois cartes de crédit, dont plusieurs n’ont pas été déclarés, tandis que certains comptes mentionnés n’ont pas été retrouvés.

Écarts inexpliqués et recommandations de poursuites

Selon l’ULCC, Michel Joseph Martelly a déclaré, à son entrée en fonction, un salaire présidentiel mensuel de 242 400 gourdes, des revenus artistiques annuels de 100 000 dollars américains et des revenus de 60 000 dollars pour son épouse. Pourtant, le revenu net familial atteindrait 529 000 dollars, dont 348 000 dollars attribués à Sophia Martelly, laissant apparaître un écart injustifié de 288 000 dollars. Par ailleurs, des paiements publics versés à Sophia Martelly, totalisant plus de dix millions de gourdes en tant que conseillère, n’ont pas été déclarés.

À la sortie de fonction, les revenus artistiques et de conférencier auraient augmenté de manière spectaculaire, atteignant 370 400 dollars, soit une hausse de 270 %, sans preuves d’activités correspondantes durant le mandat. Des revenus locatifs de 138 000 dollars apparaissent également, liés à des biens non déclarés initialement.

L’ULCC s’est enfin penchée sur les propriétés immobilières et les véhicules de Michel Joseph Martelly, soulevant de nouvelles interrogations. Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’institution recommande la mise en mouvement de l’action publique contre Michel Joseph Martelly pour fausse déclaration de patrimoine, conformément à l’article 17 de la loi du 12 février 2008, combiné aux articles 107, 108 et suivants du Code pénal haïtien relatifs au faux et à l’usage de faux.

« Ces mesures sont motivées par la constatation d’une déclaration incomplète, fausse, incohérente et tardive, compromettant la transparence et la moralité administrative », conclut l’ULCC.

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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