Dans un pays où les défis sont nombreux, la voix de Tayler Ansy Nhaïléi N. T. Tassy Lazarre s’élève avec conviction, rappelant la puissance du verbe et l’importance de l’engagement citoyen. Passionnée par les mots, la scène et la transformation sociale, Tayler, fondatrice de l’Oratorium Club de débat à l’Université Quisqueya, perçoit la parole comme une arme douce, mais redoutable, un véritable art de vivre au service du changement.
Pour Tayler, s’engager en tant que jeune Haïtienne aujourd’hui signifie refuser la résignation et croire en un avenir que sa génération doit activement façonner. C’est choisir de s’exprimer là où le silence est attendu et d’agir face à l’inaction. Cet engagement se manifeste, selon elle, par la transmission, l’éducation et, fondamentalement, par le débat constructif. Il s’agit de transformer les blessures et les aspirations d’Haïti en force motrice, la colère en action constructive, et la parole en un véritable levier de changement.
C’est dans cette vision qu’elle a fondé « Oratorium », un espace où la parole prend toute sa dimension. L’étudiante en droit de l’Université Quisqueya a initié ce projet en réponse à un manque de plateformes pour les jeunes désireux de maîtriser l’art oratoire et le débat. « Aujourd’hui, ‘’Oratorium’’ est bien plus qu’un simple club, c’est une communauté d’apprentissage, un incubateur de leaders oratoires et un lieu de transformation personnelle et collective. L’ambition est d’établir une culture de la parole, de l’écoute attentive et du respect mutuel des idées, même lorsqu’elles divergent », affirme-t-elle avec fierté.
L’éducation, l’égalité et la participation des jeunes au cœur de son combat
Les enjeux qui interpellent particulièrement Tayler sont l’éducation pour tous, l’équité sociale, l’amélioration de la condition féminine et, de manière cruciale, la participation citoyenne active des jeunes. Elle considère ces questions comme fondamentales pour l’avenir de sa génération. Selon elle, les jeunes doivent se positionner en tant qu’acteurs engagés, penseurs critiques et bâtisseurs de solutions, et non de simples spectateurs face aux crises.
Tayler a pu observer l’impact concret du débat à travers plusieurs expériences, notamment sa participation à l’émission « Agora ». En défendant une position nuancée sur la notion de consensus en Haïti, elle a stimulé une réflexion profonde et a ouvert de nouvelles perspectives face à la crise que traverse le pays. Pour elle, le débat a pour vocation de provoquer et d’éveiller les consciences, et non nécessairement de créer l’unanimité.
Forte de son leadership, son équipe a brillamment remporté deux éditions consécutives du tournoi « Lapawòl », une initiative de Mapoulab. Pour l’étudiante en droit, ses succès en art oratoire sont plus que de simples récompenses ; ils témoignent d’un travail personnel acharné et du courage d’affirmer sa voix dans un contexte particulièrement difficile. « Chaque victoire renforce ma confiance et prouve qu’une jeune Haïtienne peut s’exprimer et avoir un impact significatif. C’est une victoire contre le silence, l’invisibilité et le doute », confesse-t-elle.
La capitaine inspirée de l’équipe de débat de l’Université Quisqueya attribue un rôle fondamental à la jeunesse haïtienne dans les débats publics. Elle argue avec conviction que les jeunes ne représentent pas seulement l’avenir, mais constituent le présent du pays. Ils possèdent l’énergie, la créativité, la lucidité et une liberté de parole qui peut remettre en question les habitudes et proposer des solutions novatrices. D’où l’importance cruciale de leur formation et de l’existence d’espaces comme « Oratorium » pour les outiller.
Son plus grand espoir est de voir émerger une génération de citoyens conscients, éduqués et engagés, bâtissant un avenir avec intégrité. Elle rêve d’un futur où l’engagement est la norme et le débat un outil accessible à tous. À travers le débat, elle se voit comme une passeuse de voix, inspirant et formant d’autres jeunes à prendre leur place dans la sphère publique. Son travail avec « Oratorium » vise précisément à cultiver ce dialogue respectueux.
Outre la coordination d’une formation en prise de parole publique à travers « Oratorium », Tayler travaille avec Fòs Jenès sur un projet d’aide aux réfugiés, témoignant que l’engagement se manifeste aussi bien par les paroles que par les actions.
La fondatrice de l’Oratorium Club de débat à l’Université Quisqueya incarne avec brio cette jeunesse haïtienne qui refuse le silence assourdissant et utilise la force pacifique de la parole pour construire un avenir meilleur. Elle invite les jeunes Haïtiens à s’engager pour le bien-être de leur communauté. « Commence là où tu es, avec ce que tu as, et surtout, avec ce que tu es. L’engagement naît d’une prise de conscience, et l’apprentissage se forge pas à pas, en avançant avec détermination ». Elle les encourage vivement à s’entourer de personnes positives, à se former continuellement, à poser des questions et à rechercher des espaces d’expression.
L’action, même imparfaite, a infiniment plus de valeur que l’inaction silencieuse, dit-elle. Elle conclut avec un appel vibrant : « Ta voix compte ! Ton regard compte ! Et Haïti a besoin de toi » !
Marie-Alla Clerville