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Déclaration de patrimoine : une obligation non respectée par de nombreuses personnalités politiques

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Une liste de 44 députés de la 50e Législature n’ayant pas fait la déclaration de leur patrimoine ni lors de leur prise de fonction, ni à la fin de leur mandat, a été acheminée au Parquet près du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC). La déclaration de patrimoine paraît être un lourd fardeau pour divers commis de l’État, l’ULCC place la justice face à son devoir.

Nombreux sont ceux qui ne répondent pas aux exigences de la loi du 12 février 2008 portant sur la déclaration de patrimoine. Cette loi crée l’obligation pour toutes les personnalités politiques, fonctionnaires et agents publics de faire une déclaration de patrimoine auprès du Greffe du Tribunal de Première Instance près de leur domicile, mais prévoie également des délais et procédures. L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), institution garde-fou contre la corruption en Haïti, a fourni à la justice haïtienne de nombreux rapports sur des cas de corruption au cours de ces dernières années, mais qui n’ont malheureusement abouti à aucune condamnation.

Pour le Directeur Général de l’ULCC, Hans Jacques Ludwig Joseph, la déclaration de patrimoine semble revêtir une importance capitale. Déjà le 3 février 2021, dans une note de presse adressée à la Présidente du Conseil Électoral Provisoire (CEP), Guylande Mesadieu, le Directeur avait demandé l’insertion dans le projet de décret électoral en élaboration qu’un certificat de déclaration de patrimoine soit exigé comme condition de recevabilité. Cependant, beaucoup de personnalités politiques continuent d’ignorer les prescrits de la loi de 2012.

Qui sont les personnes concernées par la déclaration de patrimoine ?

L’article 7 de la loi du 12 février 2008 indique quelles sont les personnalités politiques, fonctionnaires et agents publics concernés par la déclaration de patrimoine. Parmi ceux-là, se trouvent les membres des trois pouvoirs de l’État, à savoir l’Exécutif, le Législatif et le Pouvoir Judiciaire, ainsi que les membres de cabinet du Pouvoir Exécutif ; les autres personnalités politiques, à savoir les Ambassadeurs et les Représentants Permanents d’Haïti près les Organisations Internationales, les Consuls Généraux et les Consuls ; les membres des Institutions Indépendantes, telles que la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC-CA), le Protecteur du Citoyen et son adjoint, les membres du CEP, y compris ceux des BED et BEC, les dirigeants de l’UEH et des Écoles Supérieures Publiques ; les Représentants des Collectivités Territoriales ; et les fonctionnaires et autres agents de l’Administration Publique précisés par ladite loi.

« L’ULCC est chargée de vérifier l’accomplissement de ces formalités auprès des greffes des Tribunaux de Première Instance dans les délais impartis et, le cas échéant, fait le rappel prévu à l’article 16 de la présente Loi et en informe le Commissaire du Gouvernement compétent », stipule la loi du 12 février 2012 dans son article 9.

Des sanctions sont par ailleurs édictées pour ceux qui ne se plient pas aux exigences de déclaration de patrimoine. En effet, l’article 16 précise qu’au terme de l’échéance prévue pour la déclaration de patrimoine qui ne dépasse pas les 30 jours après la prise de fonction (élection pour le Président de la République), et 30 jours après leur sortie de fonction, et « trois (3) mois après un rappel par exploit d’huissier notifié, à la diligence de l’ULCC, à personne ou à domicile réel, n’aura pas rempli cette formalité, sera privée d’un quart (¼) de ses émoluments jusqu’à ce qu’elle fournisse la preuve de l’accomplissement de cette formalité. L’ULCC a pour obligation de produire ce rappel dans un délai de soixante (60) jours ».

D’autre part, selon les prescrits de l’article 17, « Toute personne qui aura fait sciemment une déclaration incomplète, inexacte ou fausse, ou formulé de fausses observations dûment constatées, est poursuivie pour faux et usage de faux conformément aux dispositions du Code Pénal ».

Une loi constamment violée

Dans un rapport publié en 2019, la Fondasyon Je Klere (FJKL) a mis en lumière le viol flagrant par nombre de personnalités politiques, fonctionnaires et autres agents publics, parmi elles, 2 anciens Présidents de la République et 3 anciens Premiers Ministres, pour la période allant de 2008 à 2018. « 46 % des 232 personnes du pouvoir exécutif assujetties à la déclaration de patrimoine l’ont déclaré à leur entrée en fonction et seulement 10,77 % à leur sortie », avait précisé la FJKL dans ce rapport titré « Lwa sou deklarasyonpatrimwàn : yonangajman pou tout sitwayen ». « Sur 4 législatures, 313 Députés et 90 Sénateurs se sont succédé. 93 % des Sénateurs et 81% des Députés n’ont pas fait leur déclaration de Patrimoine à leur entrée en fonction. Et 97% des Sénateurs et 93 % des Députés n’ont pas fait leur déclaration de patrimoine à leur sortie de fonction ».

Pour le pouvoir judiciaire, tous les juges à la Cour de Cassation ont fait leur déclaration contre seulement 89 % des juges des Cours d’Appel, 37 % des juges des tribunaux de première instance, 44 % des juges de Paix, 33 % des Commissaires du gouvernement et leurs substituts et 24 % pour les membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) entre 2008 et 2018, toujours selon la FJKL.

« 88% des ambassadeurs, 89% des consuls, 73% des secrétaires généraux et 93 % des délégués et vice-délégués n’ont pas fait leur déclaration de patrimoine, 99% des inspecteurs de la Direction Générale des Impôts (DGI), 80% des présidents et membres du Conseil d’administration de la Banque Nationale de Crédit, 86% des agents de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers, 60% des membres de la Commission Nationale des Marchés Publics, 67% des membres du Conseil de Modernisation des Entreprises Publiques et 50% des présidents et membres du Conseil d’administration de la Banque Populaire Haïtienne (BPH), 97% des maires, 99.75% des CASEC n’ont fait de déclaration de patrimoine », lit-on dans le rapport.

Les cas de corruption sont donc légion au sein de l’administration publique, la déclaration de patrimoine devant permettre de prévenir des cas de corruption est effectuée au bon vouloir des personnalités politiques, fonctionnaires et autres agents publics, en toute impunité, sans aucune mise en mouvement de l’action publique.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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