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Dilapidation des fonds PetroCaribe : étonnant silence de la justice haïtienne

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Pendant que le pays connaît des heures sombres en raison des gangs armés qui sèment la terreur, la corruption continue à être un fléau qui détruit l’économie haïtienne. Le mouvement social des petro-challengers contre la dilapidation des fonds PetroCaribe, malgré son ampleur, n’a pas pu aboutir, jusqu’à date, à un réel procès anti-corruption et la justice demeure silencieuse. Pour le professeur Hugues-Kapè MONDÉSIR, la corruption est la principale cause des malheurs du pays. « La corruption, prévient-il, est un poison, contre le développement durable, contre la démocratie et une menace contre la souveraineté nationale ».

Pendant environ trois ans, de 2018 à 2020, le pays a connu beaucoup d’effervescence autour de la dilapidation des fonds du programme PetroCaribe. Nées sur les réseaux sociaux par l’hashtag « #PetrocaribeChallenge », les revendications ont vite gagné les rues pour devenir l’un des plus grands mouvements sociaux du 21e siècle. Cependant, quatre ans plus tard, le pays subit encore de vastes opérations de corruption, et se retrouve sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI) par son laxisme dans la lutte contre le blanchiment des avoirs et le financement du terrorisme.

Pour le professeur et leader d’organisation sociopolitique Hugues-Kapè MONDÉSIR, la corruption est en Haïti un phénomène historique. Selon lui, depuis les événements de 1806, le pays a entamé sa grande marche de la corruption et de la mauvaise gouvernance, d’où l’État haïtien tire son existence. « La République d’Haïti patauge dans la corruption depuis l’an 1806. Au tournant du 20esiècle, a eu lieu le grand procès contre la corruption, dit « le procès de la consolidation » ;  or, trois des condamnés ont fini Présidents de la République peu de temps après. Je pense donc que Haïti, depuis sa fondation,  avec maintenant plus d’un siècle de domination étrangère, s’est dotée d’un État qui tire sa force et son existence de la corruption », explique-t-il.

La lutte contre la corruption, condition sine qua non pour le développement

Selon le professeur MONDÉSIR, avec le niveau actuel de corruption, le pays ne peut aucunement aller de l’avant.La corruption représente un frein pour toute tentative de remettre le pays sur les rails. « Malheureusement, aucun pays ne peut atteindre de véritables objectifs de développement avec un tel système empoisonné à la fois sur le plan historique, social, culturel, politique et économique. La corruption qui s’est emparée de l’État haïtien est la principale raison des malheurs que connaît actuellement le pays », dit-il.

« Pour moi, le mouvement des Petro-Challengers a joué un très grand rôle et a atteint, d’une certaine manière, ses objectifs. Ce mouvement a le mérite d’avoir éveillé la conscience citoyenne et celle de la jeunesse sur le plus grand ennemi de l’État et de la Nation qu’est la corruption », fait-il savoir. Selon lui, quoiqu’aucune action en justice n’ait été initiée contre les dilapidateurs des fonds PetroCaribe, le mouvement social n’a pas échoué et a permis à la population d’être consciente de la mauvaise gestion de l’État et des deniers publics.

Toutefois, le dirigeant de la Plateforme d’Organisation pour l’Idéal de Boisrond-Tonnerre (P.O.I.B.T.) croit que la réalisation de joutes électorales sans que lumière ne soit faite autour de l’affaire PetroCaribe engendrera un défaut de légitimité et des troubles sociaux. Pour lui, la tenue de ce deuxième grand procès dans l’histoire du pays est d’une importance capitale et sans cela, le pays risque de sombrer dans un chaos plus profond.

« Le procès autour de la gestion des fonds PetroCaribe est aujourd’hui une nécessité urgente et devrait être une priorité pour le pays en terme de justice, d’économie et de politique. Ce serait l’élément déclencheur de la refondation de la nation que nous souhaitons tous ».

Les gangs, contre le dossier PetroCaribe

Pour l’éditorialiste et analyste politique Daly Valet, il y a peut-être un lien entre l’arrêt du dossier PetroCaribe et la prolifération des gangs armés dans le pays. Dans une publication faite sur son compte sur le réseau social Facebook, et dans une agence de presse en ligne, en date du 25 août 2022, l’éditorialiste a soutenu qu’aujourd’hui personne n’ose plus parler de l’affaire PetroCaribe et que c’est désormais le sauve-qui-peut généralisé en raison du fait que les bandits armés sèment la terreur dans la capitale haïtienne.

« C’est peu après que le dossier Petro-Caribe a commencé à provoquer les soulèvements dans tout le pays et des discussions autour de la justice que les gangs ont envahi le pays avec cette vague de violences, faisant de Port-au-Prince un espace invivable, explique-t-il. Par ces actions, les bandits ont tant envahi l’État, ont tellement semé la terreur dans la capitale que dans la population c’est désormais le sauve-qui-peut, certains œuvrent pour leur poche et d’autres pour le pouvoir, aucun leader politique, de la société civile, aucun dirigeant au niveau de l’État n’ose parler du dossier PetroCaribe encore».  M. Valet croit que ce dossier doit rester en vie.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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