Des prix élevés dans le pays : La BRH explique dans sa politique monétaire pour le 4e trimestre de l’exercice fiscal 2022-2023
5 min readLe quatrième trimestre de l’exercice fiscal 2022-2023 a été le théâtre de dynamiques complexes, selon la direction de la Banque de la République d’Haïti (BRH). Si l’on en croit la dernière Note de la BRH sur la politique monétaire, les difficultés d’accès à plusieurs axes routiers et le conflit frontalier avec la République Dominicaine ont contribué à maintenir des prix intérieurs relativement élevés.
Au cours du quatrième trimestre de l’exercice fiscal 2022-2023, la Banque de la République d’Haïti (BRH) a pris des mesures dans le cadre de sa politique monétaire face à un environnement économique international caractérisé par le maintien de la « posture restrictive des principales banques centrales ». Cela est survenu malgré la tendance à la désinflation observée dans plusieurs pays, un phénomène qui a eu un impact significatif sur la reprise des activités économiques à l’échelle mondiale, comme le révèlent les prévisions de croissance du Fonds Monétaire international (FMI) révisées à la hausse en juillet 2023. Les projections de croissance du FMI, révisées à la hausse en juillet 2023, avaient annoncé une reprise lente de l’économie mondiale, naviguant entre incertitudes géopolitiques et disparités économiques.
États-Unis et Zone Euro : Des réalités contrastées
Aux États-Unis, la résilience économique s’est confirmée selon la note de la BRH, avec une croissance du PIB de 5,2 %. Les dépenses de consommation ont été le moteur principal, défiant le resserrement monétaire. Malgré une inflation persistante au-dessus de la cible fixée par la Fed, les taux directeurs sont restés inchangés, reflétant une posture prudente. D’un autre côté, dans la Zone Euro, le durcissement des conditions monétaires a ralenti la progression des prix et entraîné une contraction économique. Le taux de chômage a légèrement augmenté à cause des défis persistants dans cette région.
Défis Internes : sécurité, agriculture et approvisionnement
En Haïti, c’est la situation sécuritaire qui a continué à jouer un rôle prépondérant dans la performance du secteur productif, comme en témoigne la baisse de 2,1 % de l’Indicateur Conjoncturel d’Activité Économique (ICAE-Haïti) entre octobre 2022 et juin 2023. Les troubles ont également touché la production agricole, avec les inondations de juin 2023 entravant les préparations des sols et les semis, provoquant des rendements en deçà de la moyenne et un déficit d’offre de produits agricoles domestiques.
Les difficultés d’accès à plusieurs axes routiers et le conflit frontalier avec la République Dominicaine ont, toujours selon la BRH, contribué à maintenir des prix intérieurs relativement élevés, malgré le fléchissement des prix alimentaires sur le marché international. Les estimations de FewsNet indiquent une augmentation de 20 % des prix du maïs et des œufs, en particulier sur les marchés du Cap-Haïtien et de Ouanaminthe, en raison de la rareté induite par les tensions haïtiano-dominicaines. C’est ainsi que la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) a rapporté que 44 % de la population analysée fait face à une insécurité alimentaire élevée, soulignant la nécessité d’une assistance pour combler les déficits de consommation.
Le marché du travail, quant à lui, subit les impacts du mouvement migratoire et de l’accroissement des vols charter en direction du Nicaragua. Le taux de déperdition des cadres qualifiés s’accroît dans tous les secteurs, notamment dans le secteur textile qui a connu une baisse de plus de 10 000 travailleurs entre septembre 2022 et août 2023, et le secteur bancaire qui a enregistré plus de 10 % de démissions au cours de l’année fiscale 2023.
Impacts de la révision des prix à la pompe
Selon la Note de la BRH sur la politique monétaire, la révision à la baisse des prix du carburant à la pompe en juillet 2023 par l’État haïtien a eu des conséquences limitées sur l’inflation. Bien que les cours de la gazoline, du diesel et du kérosène aient diminué, l’inflation mensuelle a augmenté de 2,3 % en septembre 2023. Cependant, la décélération des prix en glissement annuel s’explique par l’évolution favorable des finances publiques et du taux de change.
Monnaie, finances et perspectives
La période de juillet à septembre 2023 a été marquée par la recrudescence des tensions socio-politiques et la fermeture de la frontière haïtiano-dominicaine, ce qui a eu un impact direct sur les finances publiques. Les taxes et impôts collectés par l’État haïtien ont fléchi de 8,63 % sur une base trimestrielle, atteignant 42 559,24 millions de gourdes, tandis que les dépenses de l’État ont augmenté de 2,1 % pour s’établir à 45 343,30 millions de gourdes.
Sur une base annuelle, les mesures douanières renforcées ont continué à produire des résultats positifs, avec une croissance de près de 60 % des recettes collectées par rapport à la même période de l’exercice précédent. Les ressources disponibles ont atteint 340 246,4 millions de gourdes, dont 172 629,4 MG de recettes fiscales contribuant à hauteur de 51 %. Les produits des émissions de billets de trésorerie ont également joué un rôle essentiel, atteignant un encours de 151 186,08 MG.
En ce qui concerne les dépenses de l’État, elles ont été maintenues en dessous du niveau programmé dans le budget, avec un cumul de 178 343,05 MG d’octobre 2022 à septembre 2023, contre les 217 565,6 MG programmées. Les décaissements totaux se sont établis à 338 342,87 MG au 30 septembre 2023, entraînant un moindre recours aux emprunts de la BRH.
En ce qui a trait à la stabilité monétaire et aux réserves internationales, la BRH a procédé à une accumulation de réserves, atteignant 472 millions de dollars US à la fin de l’exercice sous revue, contre 449,39 millions de dollars US en juin 2023. Cette appréciation de la gourde s’explique par une diminution des importations, entraînant une relative baisse de la pression de la demande de devises.
En somme, dans un contexte où les défis économiques locaux vont de pair avec les réalités mondiales, la BRH estime maintenir un équilibre fragile entre la stabilisation monétaire, la gestion des finances publiques, et la réponse aux contraintes locales. L’avenir économique d’Haïti dépendra sûrement de la capacité de la BRH à naviguer avec agilité dans ces eaux économiques plus qu’incertaines.
Clovesky A.-G. PIERRE