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Haïti, un pays appauvri, l’économiste Guy Mary Hyppolite explique !

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Le pays n’a pas fait le choix d’être pauvre. La situation économique difficile dans laquelle se trouve Haïti est le résultat d’une série de défis historiques, économiques et environnementaux plutôt qu’un choix délibéré, déclare l’économiste Guy Mary Hyppolite lors d’une interview accordée à Le Quotidien News le 24 janvier 2024.

D’entrée de jeu, l’économiste fait une considération historique sur le choix économique imposé à Haïti. Il a rappelé à cet effet que l’indépendance du pays qui a été obtenue au prix d’une lutte héroïque en 1804, a marqué le début d’une histoire indépendante, mais aussi le début d’une dette écrasante envers la France coloniale. « Les compensations exigées par la France ont été un fardeau économique majeur, entravant la capacité du pays à investir dans son propre développement », explique Guy Mary Hyppolite précisant que cette dette, bien qu’elle ait été techniquement remboursée au cours des années, a laissé des cicatrices économiques durables.

Comme autre rappel historique, M. Hyppolite a évoqué la rafle de 1914 à la Banque Nationale de la République d’Haïti (BRH) comme un élément considérable à prendre en compte dans l’appauvrissement du pays.

La première République noire a aussi subi des pressions économiques externes de la part d’institutions internationales, tels que le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM), à en croire M. Hyppolite. Selon lui, les politiques économiques imposées par ces institutions ont parfois été myopes, mettant l’accent sur la libéralisation économique au détriment du développement durable. « Ces politiques ont souvent aggravé les inégalités et sapé les efforts d’Haïti pour construire une économie solide », constate-t-il. Par ailleurs, l’économiste affirme que la zone géographique dans laquelle se trouve Haïti est sujette à des catastrophes naturelles dévastatrices. « Les tremblements de terre, les ouragans, et autres calamités ont régulièrement mis à mal les infrastructures et les efforts de développement. Les ressources qui pourraient être allouées à la croissance économique sont souvent redirigées vers la reconstruction après ces catastrophes », ajoute M. Hyppolite.

Fort de toutes ces considérations, Guy Mary Hyppolite estime que nous devrions nous engager à soutenir des initiatives qui favorisent le développement durable, l’éducation et la stabilité politique plutôt que de blâmer le pays. M. Hyppolite se dit persuadé que le pays n’a pas choisi d’être pauvre.

Que faut-il faire pour permettre à Haïti de faire un autre choix économique ?

Face à la réalité actuelle, inverser la situation économique désastreuse d’Haïti nécessiterait une approche intégrée et soutenue, déclare l’économiste  Hyppolite proposant quelques pistes sur la manière dont on pourrait procéder pour redresser la situation, à savoir : 1) Établir et maintenir une stabilité politique à long terme pour créer un environnement propice aux affaires et à l’investissement et renforcer les institutions gouvernementales pour améliorer la transparence, la responsabilité et la lutte contre la corruption ;

2) Prioriser l’éducation en investissant dans les infrastructures scolaires, la formation des enseignants et les programmes éducatifs pertinents pour les besoins du marché du travail tout en encourageant la recherche et le développement dans les domaines clés pour favoriser l’innovation et la compétitivité ;

3) Soutenir les petites entreprises et les entrepreneurs locaux en facilitant l’accès au financement et en fournissant des ressources pour le développement des compétences entrepreneuriales. De plus, dit-il, créer un environnement commercial favorable en simplifiant les réglementations et en réduisant les obstacles bureaucratiques;

4 ) Investir massivement dans les infrastructures de base, y compris les routes, l’énergie et les technologies de l’information, pour soutenir le développement économique en favorisant l’adoption de technologies nouvelles et durables pour accroître l’efficacité dans divers secteurs ;

5) Encourager la diversification de l’économie en développant des secteurs tels que l’agriculture, le tourisme, les énergies renouvelables et les industries émergentes, identifier et capitaliser sur les avantages comparatifs du pays;

6) Collaborer avec la communauté internationale pour obtenir un soutien financier et technique en s’assurant que l’aide internationale est bien coordonnée, transparente et alignée sur les priorités nationales;

7) Mettre en place des politiques de gestion durable des ressources naturelles pour préserver l’environnement tout en soutenant le développement économique, en encourageant des pratiques agricoles durables et respectueuses de l’environnement ;

8) Mettre en œuvre des mesures de préparation aux catastrophes naturelles et renforcer les infrastructures pour minimiser les dommages et développer des stratégies de récupération rapide après des événements dévastateurs ;

9) Lancer des campagnes de sensibilisation mondiale pour changer la perception d’Haïti et attirer des investissements et des touristes et mettre en avant les aspects positifs de la culture, de l’histoire et des opportunités du pays;

10) Mettre en place des programmes de protection sociale pour atténuer les effets de la pauvreté, en particulier pour les groupes les plus vulnérables.

À en croire M. Hyppolite, la mise en œuvre réussie de ces stratégies nécessiterait un engagement à long terme, la collaboration de multiples parties prenantes et une gestion efficace des ressources et cela pourrait, croit-il, progressivement créer une dynamique positive pour redresser l’économie d’Haïti et améliorer les conditions de vie de sa population. « Cela pourrait se faire dans une société de devoir et de droit et non dans cette démocratie anarchique », a-t-il conclu.

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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