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Deux ans après l’assassinat de Jovenel Moïse, la justice se trouve toujours dans les eaux troubles, halte-là à l’impunité !

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Les massacres, les assassinats, les enlèvements contre rançons, les actes de grande corruption et autres activités criminelles sont devenues monnaie courante en Haïti. Pour les milliers de victimes depuis ces cinq dernières années, personnalités publiques et simples citoyens, les yeux de la justice sont certes bandés, mais la balance penche du côté des criminels, et son glaive est plus que jamais émoussé. Jovenel Moïse, connu comme le 58e Président d’Haïti, peine encore à obtenir justice, deux ans après son assassinat.  

Le déni de justice est criant dans le pays. Malgré des efforts de certains juges, de certaines institutions notamment dans la lutte contre la corruption, le système judiciaire haïtien est défaillant et dépassé par les événements. Ni les enquêtes sur les massacres de La Saline en 2018, de Bel-Air en 2019, ni les enquêtes sur les assassinats de Monferrier Dorval en 2020, du Président Moïse en 2021, de l’ancien Directeur de l’Entreprise Publique de Promotion de Logements Sociaux (EPPLS), de l’ancien Sénateur de la République Yvon Buissereth le 6 août 2022, ou de l’ex-candidat à la Présidence Éric Jean Baptiste en octobre 2022 n’ont avancé jusqu’à présent.

Aujourd’hui, le 7 juillet 2023 marque les deux ans depuis l’assassinat de l’Ex-Président de la République Jovenel Moïse en sa résidence privée à Pétion-Ville. Malgré les nombreuses promesses du Gouvernement, les nombreux appels de la communauté internationale, ou les attentes des citoyens haïtiens, justice n’a toujours pas été rendue. Entre menaces, intimidations, manque de moyens et craintes, pas moins de cinq juges d’instruction ont eu la charge de ce dossier. Les démissions ont été successives. Quatre juges ont eu la charge du dossier en à peine 10 mois. Le juge Mathieu Chanlatte, désigné le 9 août 2021 s’en est dessaisi après simplement quelques jours. Le juge Garry Orélien lui a succédé, mais le 21 janvier 2022, il s’est également déssaisi du dossier. Le Juge Chavanne Étienne s’est vu être le troisième en charge de rendre justice au Président Moïse, mais lui aussi s’est retiré, prétextant des raisons personnelles.

Un quatrième juge avait été nommé en mars 2022, Merlan Belabre, mais des désaccords avec les autorités nationales sur « les mesures de sécurité et les compensations financières » ont empêché la reprise de l’enquête, et l’ont forcé à lâcher l’affaire à « l’expiration de son mandat » en avril 2022. Depuis le 31 mai 2022, c’est le juge Walter Wesser Volter, désigné par le Doyen du tribunal civil de Port-au-Prince, Me Bernard Saint-Vil, qui est en charge du dossier. Avec ce dernier, les auditions se sont poursuivies jusqu’à celle de l’ancien opposant à Jovenel Moïse et allié du Gouvernement actuel, l’avocat André Michel ce 6 juillet 2023.

Une journée de deuil national

Ce 7 juillet 2023 marquant les deux ans depuis ce tristement célèbre assassinat a été décrété journée de deuil sur tout le territoire national par le Gouvernement du Dr Ariel Henry, désigné Premier Ministre par le Président Moïse juste avant son décès. En l’occasion, une cérémonie a été organisée au Musée du Panthéon National Haïtien (MUPANAH), en présence des membres du Gouvernement, du corps diplomatique, des hauts responsables de la Police Nationale et de l’Armée, ainsi que d’autres personnalités. Aucun discours n’a été prononcé lors de la cérémonie, le chef du Gouvernement dit préférer « laisser parler les actions ».

Par ailleurs, la famille de l’ancien Président a refusé toute idée de participer à cette cérémonie officielle, choisissant de se recueillir de préférence « dans un cadre privé et solennel » pour célébrer la vie de Jovenel Moïse, selon une communication faite sur les réseaux sociaux par son fils Joverlein Moïse. Pour ce dernier, pas question de se rendre aux activités du Gouvernement. « Je ne peux en aucun cas risquer la présence de potentiels complices du lâche assassinat de mon père à un événement visant à honorer sa mémoire. Dans le doute, je préfère m’abstenir », a-t-il déclaré.

Cependant, Joverlein Moïse dit vouloir agir avec « le plus d’objectivité et de prudence possible » en appliquant la présomption d’innocence pour les individus indexés dans l’assassinat du Président jusqu’à ce qu’ils soient condamnés par la justice. « […] Je suis d’avis que toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant qu’elle n’est pas déclarée coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issu d’un procès public et équitable. Nous en sommes très loin ».

Pour l’instant, plusieurs dizaines d’individus ont été arrêtés, soupçonnés d’avoir pris part à cet assassinat. En à peine un mois après les faits, la Police Nationale avait mis sous les verrous 44 individus, dont douze  policiers, dix-huit « mercenaires » colombiens et deux Américains d’origine haïtienne. À ce jour, pas moins de vingt policiers ont été arrêtés. En décembre 2022, dans le cadre de la commission rogatoire du juge Walter Wesser Voltaire, Miradieu Faustin, ex-militaire et Emmanuel Louis, inspecteur divisionnaire de la PNH à Delmas avaient été arrêtés pour leur implication présumée dans cet assassinat.

Par ailleurs, des avancées considérables ont été faites dans le cadre d’une enquête menée aux États-Unis d’Amérique, plusieurs suspects sont derrière les barreaux, dont l’ex-sénateur haïtien John Joël Joseph, Mario Palacios Palacios et Rodolphe Jaar, homme d’affaires qui lui, a été condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir fourni en armes les mercenaires colombiens, l’unique condamnation dans cette affaire.

Depuis cet assassinat, le pays plonge de plus en plus profondément dans une crise qui a commencé depuis 2018. Aujourd’hui, l’état de la démocratie est à son plus bas dans le pays, il ne reste plus aucun élu en fonction. Des promesses d’élections ont été faites par le Gouvernement, mais les démarches sont encore au point mort, ce dernier dit espérer un dialogue politique avec les différents acteurs, promet de lutter contre l’insécurité. Chaque année, les morts de la violence des gangs armés se comptent par centaines, les assassinats de policiers par dizaines, aucun individu n’a été condamné par la justice haïtienne.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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