La République Dominicaine a récemment mis en place un nouveau protocole concernant l’accès des personnes migrantes aux services de santé publique, en particulier les femmes enceintes et celles venant d’accoucher. Cette nouvelle disposition suscite de vives réactions de la part des organisations de défense des droits humains.
Ce protocole, appliqué depuis le 21 avril, exige des migrants de présenter une pièce d’identité, un document établissant leur statut d’employé et un justificatif de domicile pour recevoir des soins. Il fixe également un tarif pour les services. La mesure la plus préoccupante est que les personnes qui ne sont pas en situation régulière seront expulsées après avoir été soignées.
Amnesty International a fermement réagi, déclarant que ces mesures non seulement portent atteinte au droit à la santé, mais déshumanisent les personnes sans papiers. D’après Ana Piquer, directrice du programme Amériques à Amnesty International, elles risquent de dissuader les personnes de se rendre à l’hôpital, mettant ainsi des vies en danger. Amnesty estime que le Président Luis Abinader devrait plutôt opter pour des mesures visant à renforcer le système de santé.
Selon Amnesty, ces dispositions bafouent le principe constitutionnel de l’accès gratuit et universel aux soins de santé en République dominicaine, instaurant une discrimination à l’égard de tous les migrants, ciblant plus directement les Haïtiens sans papiers, les demandeurs d’asile, les apatrides et les Dominicaines d’origine haïtienne. Amnesty International souligne que les obstacles sont particulièrement marqués pour les enfants et les femmes enceintes migrants, qui font face à une forte réprobation sociale.
Amnesty International a lancé un appel pressant au gouvernement pour qu’il mette immédiatement fin aux expulsions collectives de personnes haïtiennes. L’organisation demande des mesures concrètes contre la discrimination raciale, l’accès à la protection internationale pour les migrants. D’après les données de l’Organisation International de la Migration (OIM), en 2024, près de 193 508 migrants haïtiens en provenance de la République Dominicaine ont été déportés en Haïti.
De son côté, le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Refugiés (GARR) condamne fermement un processus de traque des autorités dominicaines contre les migrants haïtiens, y compris les femmes enceintes, au niveau des centres hospitaliers. Le GARR a réagi après la diffusion d’une vidéo montrant une femme haïtienne sur le point d’accoucher et qui est amenée de force dans un bus pour être déportée.
« C’est une des preuves évidentes, montrant combien les autorités dominicaines sont en train de traquer les migrantes haïtiennes au niveau des centres hospitaliers du pays. Ces exactions rappellent le triste souvenir de cette mère allaitante, qui, en novembre 2021, a été séparée de son nourrisson et déportée en Haïti, alors qu’elle venait de subir une césarienne », a déploré le GARR sur son compte X.
Le GARR appelle l’État haïtien à assumer ses responsabilités en garantissant la prise en charge médicale, juridique et psychosociale des personnes déportées, surtout les femmes enceintes. Des actions diplomatiques doivent également être engagées pour mettre fin à ces abus. Amnesty International a aussi lancé une action urgente le 21 avril pour demander l’arrêt des expulsions collectives et l’abandon des politiques migratoires discriminatoires, appelant la population dominicaine à rejeter ces mesures cruelles et racistes.
Par ailleurs, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) haïtien a également condamné les actes de discrimination et de violation des droits fondamentaux subis par les Haïtiens en République Dominicaine lors des expulsions. Le CPT se dit préoccupé par les conditions dans lesquelles se déroulent ces expulsions. Le CPT exhorte les autorités dominicaines à respecter les droits humains des ressortissants haïtiens et à privilégier le dialogue bilatéral pour trouver des solutions durables et respectueuses de la dignité humaine.
Ces réactions soulignent les graves préoccupations concernant l’impact des nouvelles politiques migratoires dominicaines sur les migrants vulnérables, en particulier les Haïtiens. Elles mettent en lumière l’urgence de respecter les droits humains et le droit international.
Marie-Alla Clerville