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Doit-on s’inquiéter de l’économie informelle ?

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Le secteur informel de l’économie, appelée également l’économie de l’ombre, désigne ces activités économiques non régularisées, qui échappent au contrôle et à l’observation. Pour le professeur Frantz VILSENAT, économiste, l’informalité peut être considérée comme une menace pour l’économie.

Si l’économie informelle semble occuper une part considérable dans l’économie des pays en voie de développement, elle peut être tout aussi dangereuse et constituer un handicap, selon plusieurs économistes. Dans ces économies, le secteur informel tend à contribuer jusqu’à un tiers du Produit Intérieur Brut (PIB) selon les données de la Banque Mondiale, et représente plus de 70 % de l’emploi total. L’emploi dans le secteur informel peut prendre plusieurs formes : les petits agriculteurs, les employés dépourvus de contrat de travail, les travailleurs indépendants qui couvrent plus de la moitié du travail informel, etc.

Pour l’économiste haïtien Frantz VILSENAT, conférencier et vice-président du Club d’Analyse et de Débat d’Haïti, le secteur informel peut constituer un frein au progrès du pays car « dans une économie ou il y a beaucoup d’activités économiques informelles, ceci constitue un manque à gagner pour l’État ». L’État ne peut pas taxer ce qui échappe à son contrôle, ce qui, selon l’économiste, a des répercussions sur la production nationale.

« Ce manque à gagner affecterait considérablement le niveau des recettes publiques vu qu’il y a une forte quantité d’activités économiques qui n’est taxée. Cela entraînerait aussi un faible niveau des dépenses publiques et par effet domino engendrerait une diminution de la production nationale et la pauvreté », explique l’économiste VILSENAT.

Par ailleurs, celui-ci croit qu’il y a des raisons de s’inquiéter des conséquences du marché informel sur la comptabilité nationale en Haïti. Pour cela, il avance deux arguments. D’une part, le secteur informel tient une place trop importante dans l’économie du pays. « Selon le FMI, le secteur informel représenterait plus de 80% de l’emploi total en 2020 et plus de 80% des entreprises privées au niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince sont informelles », rappelle-t-il. Et d’autre part, le secteur informel a à voir dans sa quasi-totalité avec le commerce d’importation, ce qui ne fait qu’aggraver les défis de la production nationale. « La majorité des activités informelles sont du commerce de produits importés qui ont un double effet sur l’économie : un manque à gagner pour l’État et une chute de la production nationale », explique le professeur VILSENAT.

Selon lui , l’État a un rôle à jouer dans les activités économiques, et en Haïti, il doit agir. « Après la crise de surproduction de 1929 l’économie n’est plus une économie totalement de marché, mais plutôt une économie plus ou moins dirigée c’est-à-dire avec la présence de l’État. Et son rôle dans l’économie est d’assurer le bon fonctionnement du système pour le bien-être de la collectivité. L’informalité pourrait être considérée comme une menace pour l’économie, à cet effet l’État a la possibilité d’intervenir afin de réguler l’économie en réduisant le niveau d’informalité des activités ».

Cinq raisons de s’inquiéter du poids de l’économie informelle, selon des économistes de la Banque Mondiale

Selon les économistes SHU YU et DANA VORISEK de la Banque Mondiale, dans un article « Cinq raisons de s’inquiéter du poids de l’économie informelle », publié le 20 mai 2021, l’omniprésence de « l’économie de l’ombre », l’élévation de son niveau qui rime avec une « faible productivité », le fait qu’elle soit corrélée à de multiples difficultés de développement, qu’elle soit généralement plus forte quand les capacités de l’État sont faibles, et le fait que les mesures de formalisation ne soient pas simples, constituent les principales raisons pour lesquelles il  faut s’inquiéter du poids de l’économie informelle.

Pour ces deux femmes économistes du Groupe des perspectives de développement à la Banque Mondiale, la prépondérance du secteur informel  conduit à de multiples défis pour les économies, et la formalisation relève de réformes globales, et non de solutions simples. « La prépondérance du secteur informel s’accompagne d’un niveau de recettes et de dépenses considérablement moins élevé, d’institutions publiques moins efficaces , de pesanteurs réglementaires et fiscales importantes et d’une gouvernance plus fragile »,  expliquent-elles. « Les causes de l’informalité sont trop diverses pour que les solutions conviennent à toutes les situations. Il faut par conséquent des réformes globales et adaptées au contexte national ». 

Toutefois, il convient de souligner que cette conception du secteur informel n’est pas uniforme chez tous les économistes. Pour certains, ce secteur constitue une alternative, un mécanisme de survie. C’est ainsi que pour l’économiste Yvon Pesqueux, l’économie informelle est tout aussi « conforme » que l’économie formelle et qu’elle peut être considérée comme « une institution émergente, forme d’alternative aux institutions officielles insuffisamment institutionnalisées ou en voie de désinstitutionalisation ».

Clovesky André-Gérald PIERRE                                 

cloveskypierre1@gmail.com

7 thoughts on “Doit-on s’inquiéter de l’économie informelle ?

  1. L’ économie informelle : c’est une activité économique qui se fonctionne hors la loi, mais qui n’interdit pas par l’ État.

    Dans un pays sous développer, une telle activité qui englobe près que 75% du PIB intérieur et que l’Etat n’a pas vraiment un contrôle sur un tel secteur paraille, ça peut affaiblir l’assiette fiscale de l’État.

  2. J’apprécie les differentes analyses de ces économistes, elles ont toutes leurs perspectives de la réalité. Donc l’État doit favoriser une réforme globale adaptée du contexte national.

  3. Et voilà un économiste digne de ce nom!
    Cette question de commerce informel est vraiment déficitaire pour le pays. Bon bagay professeur, bon bagay.

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