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Éducation : « On risque d’avoir un taux de redoublement plus élevé qu’avant », prévient le professeur Pierre Bufon

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Malgré l’activité intense des gangs armés, des professeurs qui revendiquent parce qu’ils ne sont pas payés, des élèves qui manifestent pour réclamer des professeurs en salle de classe, le système éducatif haïtien tente tant bien que mal de résister au pire, encore trois mois avant la fin de l’année scolaire. Ainsi, le professeur Pierre Bufon alerte sur des risques de « redoublement plus élevé » du côté des élèves pour cette année académique.

Pris dans la tourmente de la violence généralisée, le pays tente tant bien que mal de boucler une année de plus. Des tirs quasi constants, des attaques à répétition dans les environnements scolaires, des enlèvements au quotidien, tels sont les éléments avec lesquels élèves et professeurs doivent composer, surtout, dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Par ailleurs, alors qu’officiellement l’année scolaire avait finalement débuté en janvier dernier, nombre d’institutions scolaires dans les milieux les plus à risque n’ont pas pu rouvrir leurs portes, tandis que d’autres fonctionnent au ralenti.

Pour Pierre Bufon, professeur en sciences sociales, le constat est clair, « c’est une année ratée ». « À mon avis, c’est une année scolaire gâchée. Et c’est le mieux que l’on puisse dire. Et on ne peut pas prédire sa fin puisque rien n’est certain. On ne peut rien planifier réellement vu la déliquescence, vu la situation du pays ».

L’ambiance n’a pas été au rendez-vous dans les salles de classe selon le professeur Bufon. « À longueur de journée les enfants parlent de la situation des rues », raconte le professeur dans une entrevue accordée au journal Le Quotidien News. « Les professeurs n’ont pas toujours été en situation d’enseignement et les élèves en état d’apprentissage réel », explique-t-il. Selon lui, il ne pouvait pas en être autrement puisqu’autour des établissements scolaires « le bruit des armes à feu se fait entendre régulièrement », et très peu d’écoles sont épargnées par les conditions socio-économiques inquiétantes du pays.

Entre résistance et résignation

Pour plus d’un, ceux qui restent encore dans le pays sont, pour la plupart, ceux qui ne peuvent pas faire autrement, et très peu sont ceux qui font le choix de rester et de résister. C’est une situation qui semble beaucoup toucher l’enseignement en Haïti. Pour le professeur Bufon, beaucoup de professeurs jettent l’éponge, et la plupart n’ont plus le choix vu le contexte actuel. « Le professeur est aussi et avant tout un citoyen du pays, il est frappé comme tout le monde par la cherté de la vie, l’insécurité, les tensions politiques », dit-il.

« Pour ceux qui restent dans le système, ils s’efforcent de donner le peu qu’ils peuvent. Mais avec l’inflation qui grimpe chaque jour, le moral d’un prof n’est pas toujours au rendez-vous », explique celui qui continue d’enseigner malgré le contexte difficile en Plaine du Cul-de-Sac. « Le peu d’enseignants qui restent dans le système, ils se battent pour un lendemain meilleur mais dans des conditions difficiles en faisant preuve d’héroïsme je dirais, parce que parfois il faut braver le danger pour aller dispenser ses cours », ajoute-t-il.

Selon le professeur, du côté des élèves, le niveau baisse, et il craint le pire pour les examens officiels. « L’impact est manifeste. Le rendement scolaire a complètement baissé. Le programme est rabâché. On risque d’avoir un taux de redoublement encore plus élevé qu’avant. On se demande déjà quelle sera le sort des examens d’État. Si ce ne sera pas un score encore plus faible », a-t-il expliqué au journal Le Quotidien News. Ainsi, le professeur appelle le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle à prendre des mesures appropriées à cet effet, tout en prenant en compte spécialement les élèves dans les milieux les plus touchés par l’insécurité.

Un fait est certain, de cette dernière décennie de crise multidimensionnelle, le secteur éducatif haïtien a été l’une des plus grandes victimes. Peyi lòk, grèves des enseignants, manifestations, catastrophes naturelles, crises de carburant, crise politique, insécurité armée, tous ces événements impactent directement sur l’éducation. Chaque année, les calendriers définis par le MENFP sont écourtés de plusieurs semaines de classe, et parfois de mois entiers. Alors que la situation générale du pays semble encore être en train de s’aggraver, l’éducation est plus que jamais menacée et a besoin d’actions urgentes. 

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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