Faire son passeport en Haïti, une quête des plus difficiles depuis le programme « Humanitarian Parole »
4 min readAvoir son passeport en Haïti, presque synonyme d’une volonté imminente de voyager, est quasiment du domaine du luxe depuis quelque temps. Avec les nouvelles dispositions migratoires des États-Unis et les opportunités offertes par divers autres pays, la ruée vers les centres de réception et de livraison des documents d’identité est à l’image de la crise que traverse le pays.
Depuis très tôt le matin, les centres de réception et de livraison de documents d’identité de la Direction de l’Immigration et de l’Émigration sont remplis de citoyens désireux de s’offrir un passeport. Depuis l’annonce du Président américain Joe Biden en janvier dernier du programme « Humanitarian Parole », des milliers d’Haïtiens s’empressent de s’octroyer ce document de voyage. Le 1er février dernier, des responsables du service de l’immigration et de l’émigration ont dû faire appel à la Police Nationale pour permettre aux employés d’avoir accès à leur poste face à une véritable marée humaine.
Face à la montée de l’insécurité, presque tous les Haïtiens pensent à quitter le pays. Même les agents de police désertent, et s’inscrivent dans le « Humanitarian Parole » de Joe Biden. « Nous sommes sur le point de perdre un tiers des policiers avec ce programme », avait confié Jean Osselin Lambert, Directeur des Technologies de l’Information et de la Communication (DTIC) du Bureau de l’Immigration et de l’Émigration (DIE) au Miami Herald. Le 10 février dernier, un policier de l’UDMO, dans ses tentatives de pénétrer de force au Centre de Réception et de Livraison des Documents d’Identification à Tabarre, a lancé une grenade lacrymogène dans la foule qui a causé la mort d’un enfant et plusieurs autres personnes en sont sorties blessées.
Le 23 janvier dernier, face à l’afflux de demandes, la Direction de l’Immigration et de l’Émigration avait dû fermer certains de ses centres. « La Direction de l’immigration et de l’émigration (DIE) informe tout le public, en particulier ceux qui ont besoin de passeports, qu’à partir du vendredi 20 janvier 2023, pour des raisons techniques, elle ne recevra plus les demandes de passeport à son Centre de la rue Pinchinat, Pétion-Ville, ni dans son Bureau Central sur Lalue », avait annoncé le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales sur son compte Twitter. En même temps, elle a annoncé l’ouverture par la DIE de trois nouveaux centres dans des espaces capables de recueillir le nombre accéléré de demandes. Il s’agit d’un centre au Gymnasium Vincent à Port-au-Prince qui disposera de 2 000 places assises, un autre au Parc Sainte-Thérèse à Pétion-ville, et le troisième au Parc Industriel de la SONAPI sur la Route de l’aéroport, dans un ancien local de la Banque Nationale de Crédit (BNC).
Les voyages clandestins se multiplient en 2023
S’il y a une chose qui semble être certaine, c’est que les migrations clandestines ne s’arrêteront pas. C’est perdu pour le Président Biden qui comptait sur le « Humanitarian Parole » pour freiner les voyageurs clandestins à ses portes. Le 19 janvier dernier, 55 migrants dont 54 Haïtiens ont été abandonnés par des passeurs dans la réserve naturelle inhabitée de l’île de Monito à Porto Rico, selon les garde-côtes américains qui ont porté secours à ces voyageurs clandestins. 14 voyages clandestins avaient été interceptés par les garde-côtes américains dans cette région entre le 1er octobre et le 31 décembre 2022, selon le « Coast Guard News », pour un total de 419 migrants, dont 327 Dominicains et 91 Haïtiens. Le 15 février, c’est au large de Cuba que les garde-côtes américains ont intercepté un bateau transportant plus de 300 migrants haïtiens.
En République Dominicaine, les déportations massives ne s’arrêtent pas, ni les Haïtiens qui y partent. Rien qu’entre le 2 et le 15 janvier, 8 977 Haïtiens en situation irrégulière ont été arrêtés lors d’opérations conjointes entre la Direction Générale de la Migration et les forces militaires et policières dominicaines, a révélé Venancio Alcantara, Directeur Général de la Migration. En République Dominicaine, des centaines de Haïtiens arrivent sans papier tous les jours, que ce soit par les points frontaliers officiels ou non. Pour certains, même sans passeport, document devenu bien plus inaccessible en 2023.
« Un ami à moi, présent en République Dominicaine depuis plusieurs années, avait sollicité l’aide de quelqu’un pour l’aider à obtenir son passeport en Haïti depuis décembre 2022. Jusqu’à présent, il est dans l’attente, et le courtier lui dit qu’il sera prêt en mars », raconte Woody à la rédaction de Le Quotidien News. Selon lui, il n’est pas impossible d’obtenir son passeport afin de légaliser son statut en République Dominicaine, mais comme en Haïti, c’est une quête des plus compliquées, sauf si on a de l’argent pour payer les démarcheurs, ou des relations. « Faire son passeport haïtien depuis la République Dominicaine, c’est possible, sauf qu’il faudra attendre, ça prend beaucoup de temps », a-t-il déclaré.
Clovesky André-Gérald PIERRE