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Guy Régis Jr : entre résistance artistique et héritage culturel

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Dans un contexte où l’insécurité et la crise économique plongent Haïti dans une instabilité grandissante, Guy Régis Jr, dramaturge, metteur en scène et directeur du Festival Quatre Chemins, continue d’incarner une figure incontournable de la scène culturelle haïtienne. À la tête de cet événement majeur, il ne cesse de réaffirmer sa conviction profonde : la culture peut être une arme de résistance et une voie de rédemption.

Lors de la 21ᵉ édition du festival, placée sous le thème provocateur « Non aux masques et aux mascarades », Guy Régis Jr nous confie : « Ce n’est pas par provocation que nous maintenons ce festival. Ni dans le but de lancer des défis. Nous passons dans les mailles du filet depuis 2018. » Cette déclaration reflète l’immense défi de maintenir un espace artistique dans un pays où la violence et les contraintes économiques étouffent souvent toute initiative culturelle. Pourtant, il persévère, porté par une équipe solide et expérimentée.

Parmi les œuvres présentées cette année, la pièce La Voix humaine de Jean Cocteau, traduite en créole par Jacques Adler Jean-Pierre, se distingue par sa puissance émotionnelle. Guy Régis Jr, qui assure la mise en scène, a su capter l’essence de ce texte intemporel tout en le transposant dans un univers ancré dans les réalités haïtiennes. Dans cette pièce, une femme désespérée, interprétée avec brio par Stéphanie Saint-Louis, reste suspendue au téléphone, espérant entendre une voix qui pourrait combler son vide existentiel. « Pandan twou jou, yon fanm dezespere, fèmen tèt li lakay li, tousèl ak yon chen. Li rete pann nan telefòn, san pran souf, ap tann vwa yon moun, » résume le synopsis. Cette solitude poignante résonne avec une intensité particulière dans le contexte haïtien actuel, où l’isolement est autant psychologique que social.

Pour Guy Régis Jr, l’art dépasse le simple cadre de la performance. Il s’agit d’un acte de guérison, une manière d’affronter les traumatismes de la jeunesse haïtienne. Lors de l’entretien, il explique : « Pas seulement l’art, mais aussi la parole éclairante qui jaillit. La parole guérit de tant de pathologies finalement. » À travers le théâtre, la poésie ou encore les débats, le festival se veut un lieu où l’imaginaire peut prendre le pas sur l’angoisse, un espace où la résilience collective s’exprime pleinement. Cette conviction s’incarne dans la manière dont il aborde le thème de cette édition. Il ajoute : « Dans les moments les plus troubles, savoir que l’on peut compter sur un verre d’Émilie Dickinson ou de Shakespeare, regarder un film qui pourra… nous élever l’âme. » Ces instants d’évasion, même éphémères, permettent de réaffirmer l’humanité face à la violence et à la désolation.

Les défis ne manquent pas : l’accès aux espaces culturels se réduit, les moyens financiers s’amenuisent, et l’insécurité menace chaque initiative. Malgré tout, Guy Régis Jr refuse de céder. Il nous confie : « Ce serait indécent de tirer une quelconque fierté dans un pays meurtri. » Ce refus de capituler, cette obstination à créer, sont les moteurs qui animent le festival. Lui et son équipe ont dû faire des compromis douloureux, notamment l’abandon temporaire de lieux emblématiques comme Yanvalou ou le Centre d’art. Pourtant, ils continuent de croire en la capacité de l’art à transformer, à réunir. « Nous sommes très heureux que d’autres nous suivent, continuent, fassent leur festival. Qu’on se réunisse autour de l’art, de la culture et des réflexions, » souligne-t-il avec optimisme.

Pour Guy Régis Jr, la culture est essentielle à la survie de l’âme haïtienne. Il conclut : « Ces espaces des arts et de la culture sont essentiels pour la survie de notre espèce. Et donc, ça l’est plus encore pour nous Haïtiennes et Haïtiens, au bord du précipice. » À travers ses choix audacieux et son dévouement, il montre que même dans les contextes les plus sombres, l’art peut illuminer, guérir et rassembler.

Le festival Quatre Chemins 2024 restera gravé comme un exemple éclatant de résistance culturelle, une preuve que, malgré tout, l’imaginaire continue de fleurir dans les cendres.

Saint Pierre John Stanley

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