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Haïti : Avec une dette publique représentant  près de 14% du budget de dépense, l’avenir est-il hypothéqué ?

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La dette publique pèse de tout son poids sur l’économie haïtienne. Avec 13.74% du budget de dépense pour l’exercice fiscal 2022-2023 consacré au service de la dette, les besoins sociaux peinent à être satisfaits et l’investissement est limité. « Quand on a une dette publique aussi élevée, cela hypothèque l’avenir de la jeunesse… », a fait savoir l’économiste Kesner Pharel 

Le Magazine DevHaïti produit par le Group Croissance, l’Association Haïtienne des Journalistes Économiques pour le Développement Durable (AHJEDD) et Papyrus S.A., vient de consacrer son 56e numéro ce 15 février 2023, au spectre de la dette publique en Haïti. Le bilan est poignant. « Pour l’exercice fiscal 2022-2023, les intérêts de la dette publique sont de 6.18 milliards de gourdes, ils ont crû de 40.4% par rapport à l’exercice précédent. Les amortissements ont de leur côté connu une croissance de 5.28%, passant de 30.52 à 28.9 milliards de gourdes », selon DevHaïti. Les dettes publiques, interne et externe, pour l’exercice fiscal 2022-2023, ont crû respectivement de 10.35% et 9.25% par rapport à l’exercice précédent, un accroissement général de 9.91%. La dette interne est passée de 19.6 à 21.7 milliards de gourdes et la dette externe est passée de 13.7 à 15 milliards de gourdes.

L’endettement public contre le progrès

Dans son émission « Investir », l’économiste Kesner Pharel, PDG du Group Croissance S.A., le 21 janvier, avait abordé la question de la dette publique chez les PMA. Selon ses propos repris par DevHaïti, le service de la dette représente la principale allocation budgétaire dans le budget actuel, une situation qui conduit essentiellement à l’allocation de moins d’argent aux besoins sociaux comme l’éducation, la santé ou la sécurité alimentaire. « La dette publique fait le triple des crédits alloués à la santé (3.9%), elle surpasse de 2.5 points de pourcentage l’éducation (11.2%) et représente le quadruple de l’agriculture (3.1%) », lit-on dans le magazine DevHaïti.

Pour l’économiste Kesner Pharel, cette situation n’est pas sans conséquences. « Quand on a une dette publique aussi élevée, cela hypothèque l’avenir de la jeunesse. Quand on continue à avoir ces dettes à un niveau assez élevé, cela va poser un problème pour les générations futures », avait-il déclaré le 21 janvier. Parlant de la dette publique, il s’agit d’argent qu’il faudra nécessairement remettre avec des intérêts à l’expiration des titres de dette. Malheureusement, les dettes contractées ne servent pas, dans le cas présent, à l’investissement, ce qui aurait pu permettre au pays de rentrer de l’argent afin de les rembourser, voire de faciliter une croissance économique.

En Haïti, le service de la dette est de 36.7 milliards de gourdes, soit 13.74% du budget 2022-2023. Bien que le ratio de dette sur PIB n’est pas extrêmement élevé, elle limite cependant la part du budget à consacrer aux besoins sociaux et d’investissement, et les quatre années consécutives de décroissance économique que le pays vient de connaître – et qui est sur le point de s’allonger en 2023 – en dit long. « Vous ne pouvez pas ignorer ce qui se passe dans le budget. Parce que cela va impacter votre vie privée. Cela va impacter votre entreprise, votre emploi et votre qualité de vie », prévient l’économiste. « On ne peut pas jouer avec la finance publique du pays », dit-il.

Le futur s’annonce encore pire

L’investissement public en Haïti est très faible, et les ressources domestiques le sont également. 164 milliards de gourdes : telles sont les prévisions de recettes domestiques pour l’exercice fiscal en cours. Seront-elles collectées dans leur intégralité, malgré une augmentation de 33 milliards de gourdes des recettes de l’État au premier trimestre de l’exercice 2022-2023, soit une hausse de 23.5% par rapport au trimestre précédent, selon la BRH. Et quand bien même elles le seraient, le pays aura besoin du support de la communauté internationale pour compléter l’enveloppe globale du budget initial 2022-2023 qui est de 267.5 milliards de gourdes.

Malgré l’allègement de la dette d’environ 1 milliard de dollars après le séisme du 12 janvier 2010, dont 268 millions du CCRT (Fonds fiduciaire d’allègement de la dette post-catastrophe) et 36 millions de dollars de la Banque Mondiale, le fardeau de la dette s’alourdit de nouveau, et les prévisions sont des plus déplaisantes. Dans le cadre d’un scénario de base, en évitant de prendre en compte le cas d’éventuelles catastrophes naturelles extrêmes, « la dette publique totale devrait s’établir à environ 27% du PIB jusqu’en 2027, pour atteindre 48% au cours de l’exercice 2043 », estime le magazine DevHaïti.

Les États-Unis risquent un défaut de paiement

Le problème de la dette publique n’affecte pas que Haïti et les autres pays en développement. Les États-Unis pourraient entrer en défaut de paiement à partir du 5 juin selon le Département du Trésor. La dette totale des États-Unis estimée à 31.4 mille milliards de dollars. « Cela peut causer de gros chocs au niveau financier dans l’économie américaine. Et si cette économie est frappée, le reste du monde peut être touché », a fait savoir l’économiste Kesner Pharel.

Ayant dépassé la limite de la dette publique plafonnée à 30 000 milliards de dollars par le Congrès, « le Trésor américain ne peut plus emprunter, même à court terme, pour des besoins de roulement », rappelle le magazine DevHaïti. Jusqu’au 5 juin, l’émission de dette est suspendue depuis que les États-Unis ont atteint ce plafonnement le 19 janvier 2023, et les Républicains forcent déjà l’administration Biden-Harris à négocier sur les dépenses sociales, dont celles engendrées par le « Humanitarian Parole ».

Cette crise financière devrait passer par une récession aux États-Unis due à l’incapacité de payer, un arrêt dans le financement des dépenses sociales qui entraînerait une hausse du coût des emprunts des citoyens américains, et une hausse vertigineuse du chômage, selon Janet Yellen, Secrétaire du Trésor américain. De plus, cette situation, si elle n’est pas réglée au niveau du Congrès, devrait également conduire à un grand plongeon à Wall Street, et une perte de confiance dans le dollar, roi depuis la fin du système de l’étalon-or.

Par ailleurs, Jérôme Powell, patron de la Banque centrale américaine, veut relativiser en estimant que « la dette n’est pas à un niveau insoutenable, mais la trajectoire est insoutenable ». Toutefois, il faut souligner que la République Populaire de Chine est le deuxième détenteur étranger de la dette américaine avec 1 080 milliards de dollars, selon les données du département du trésor. Le Japon, premier créancier étranger des États-Unis, détient 1 340 milliards de dollars de la dette américaine. Au cas où la République Populaire de Chine déciderait de vendre les bons achetés entre les mains des États-Unis, elle se désendetterait du même coup de la nation étoilée, et le choc financier serait très important contre l’économie mondiale.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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