Haïti-Crise : Des émissaires de la CARICOM proposent la mise en place d’une structure gouvernementale de transition !
6 min readEn vue de trouver une issue à la crise multidimensionnelle aiguë dans laquelle s’enlise Haïti depuis environ deux ans, le Groupe des Éminentes Personnalités (GEP) de la CARICOM propose aux acteurs politique du pays la mise en place d’un Conseil de Transition (CT) révisé et composé de 7 membres, la formation d’un gouvernement d’entente nationale, la réforme de la Constitution et la formation d’un Conseil Electoral Provisoire, entre autres. Le Premier Ministre, Ariel Henry, toujours selon le Groupe, restera à la Primature pendant cette transition de 18 mois.
Haïti est toujours dans une impasse politique à l’approche du 7 février 2024, date à laquelle prendra fin la mission de l’actuel Premier Ministre Ariel Henry selon les prescrits de l’accord du 21 décembre 2022. La CARICOM propose et ce, suite à plusieurs tentatives de dialogue qui n’ont pas abouti aux résultats escomptés avec les protagonistes de la crise haïtienne, la mise en place d’une structure gouvernementale de transition dont l’objectif devrait permettre de « faire face à la crise sécuritaire, d’ouvrir la voie à la sortie de l’impasse politique et de poursuivre un retour durable à la légitimité, la démocratie et la normalité grâce à des élections libres, équitables et inclusives ».
Cette nouvelle proposition d’accord des émissaires de la CARICOM prend en compte la position des différents acteurs et groupes qui sont parties prenantes dans la crise haïtienne surtout lors de ces cinq derniers mois. «Au cours des cinq derniers mois, le Groupe de Personnalités Éminentes (GEP) de la CARICOM, dans un cadre de respect mutuel, a eu des discussions intenses avec le Premier Ministre d’Haïti, des représentants des signataires du Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes, des représentants de la Déclaration conjointe de Kingston, ainsi que des représentants de la société civile, y compris les femmes du secteur privé et de la communauté religieuse», ont indiqué les émissaires de la CARICOM à travers un document rendu public. Ils ont souligné par ailleurs que la durée de la transition ne devrait pas dépasser 18 mois après l’acceptation de l’accord.
Le projet de la nouvelle proposition d’accord des émissaires de la CARICOM prône une transition de 18 mois à partir de l’acceptation dudit accord et une réforme du Conseil de Transition. Et pendant cette période, le Premier Ministre Ariel Henry restera à la Primature et le CT sera doté « des pouvoirs présidentiels ».
Selon cette proposition, le CT sera composé de sept personnes, dont quatre représentants du secteur politique, un du secteur privé, un du secteur religieux et un de la société civile. Le Conseil de Transition sera « doté de pouvoirs présidentiels, dans la mesure où cela est possible, assurant ainsi l’existence d’un Exécutif bicéphale conforme aux normes et à l’esprit de la Constitution. Il contribuera à garantir la bonne gouvernance en travaillant en collaboration avec le Premier Ministre et le Conseil des ministres pendant la période de transition pour assurer l’amélioration socioéconomique de la population, la fourniture de la sécurité et des services de base, la protection des droits de l’Homme et la promotion de la règle de la loi et de la responsabilité, les réformes et la création d’un environnement politique favorable à l’organisation et au déroulement des élections le plus tôt possible », précise le Groupe de Personnalités Éminentes de la CARICOM en soulignant que « le Conseil de transition procédera à la nomination d’une Commission de Réforme Constitutionnelle ».
Le GEP de la CARICOM à travers sa proposition précise que le CT aura à assurer l’existence d’un Exécutif bicéphale conforme aux normes et à l’esprit de la Constitution. « Ces pouvoirs exécutifs comprendront : contresigner avec les membres du gouvernement les arrêtés et les décrets ainsi que l’ordre du jour du Conseil des ministres; nommer un Conseil Électoral Provisoire (CEP) dans l’esprit de l’article 289 de la Constitution et fixer la date des élections sur la base de l’avis technique du CEP, qui sera ensuite publié au Moniteur; présider le Conseil National de Sécurité; en collaboration avec le Premier Ministre, définir et établir un gouvernement d’entente nationale, mettant l’accent sur l’inclusion », propose le GEP en soulignant que le CT « fonctionnera de manière collégiale sous la direction d’un président désigné par ses membres ».
Selon les personnalités de la CARICOM, le CT « exercera un contrôle sur les domaines stratégiques d’action prioritaire du gouvernement de transition: la bonne gouvernance, le rétablissement de la sécurité, la tenue d’élections libres, équitables et inclusives, l’aide humanitaire, la relance économique et la réforme constitutionnelle et institutionnelle ».
En ce qui concerne le gouvernement d’entente nationale, il revient au « Premier Ministre, au Conseil de transition et aux signataires de l’Accord du 21 décembre, de la Déclaration conjointe de Kingston et des acteurs de la société civile de travailler conjointement pour mettre en place ce gouvernement », précise le document. Ce dernier propose la mise en place d’un Conseil National de Sécurité pour renforcer entre autres la sécurité des citoyens; la formulation d’un plan de sécurité nationale; la préparation des modalités de coopération en matière de sécurité en ce qui concerne l’assistance internationale en matière de sécurité pour la Police Nationale d’Haïti et le suivi de la mise en œuvre de la Résolution 2699 du Conseil de sécurité des Nations Unies;
La proposition des émissaires de la CARICOM préconise également la nomination d’un Conseil Electoral Provisoire (CEP). « Un Conseil Électoral Provisoire (CEP) sera nommé par le Conseil de Transition en consultation avec le Premier Ministre, guidé par la lettre et l’esprit de la Constitution », indique le projet de proposition d’accord des personnalités de la CARICOM en précisant que ce CEP « doit avoir au moins trois femmes parmi les neuf membres sélectionnés ainsi qu’un représentant des jeunes au Conseil. Le Conseil aura pour objectif majeur l’élaboration d’une feuille de route électorale détaillée pour l’organisation d’élections générales visant à renouveler les institutions politiques du gouvernement ».
Le GEP propose également la mise en place d’un Organisme de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG). Celui-ci viserait à « garantir que les règles et procédures administratives soient strictement appliquées et qu’il y ait une transparence dans la prise de décision et les actions du gouvernement ». Le GEP affirme qu’il sera composé de 15 représentants d’organisations de la société civile, d’associations socioprofessionnelles et d’associations régionales représentatives de la société haïtienne incluant des femmes et des jeunes, tous nommés par le Conseil de transition.
À bien considérer la tendance politique actuelle, pour plusieurs, Ariel Henry entend continuer à être le seul maître à bord en dirigeant le pays avec un Exécutif monocéphale. Or, le projet de proposition d’accord des émissaires de la CARICOM fait état d’un exécutif bicéphale. L’équilibre des pouvoirs de l’État s’impose. Parallèlement, lors de la dernière rencontre avec les émissaires de la CARICOM, les partis de l’opposition avaient exigé la démission du Chef de la Primature comme condition préalable aux négociations. Alors que, selon le document du GEP de la CARICOM, Ariel Henry restera à la Primature même en dépit du fait qu’il y aura un CT doté de pouvoirs présidentiels dans la mesure où cela sera possible.
Faut-il le rappeler, la Cheffe du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), María Isabelle Salvador avait déclaré que « le seul chemin pour sortir d’une transition politique, ce sont des élections démocratiques, transparentes et participatives ». Au regard de ces points susmentionnés, certains observateurs affirment déjà que la proposition d’accord des personnalités de la CARICOM risque de ne rien apporter en termes de dénouement de la crise politique actuelle. Bientôt, l’avenir dira toute la vérité !
Jackson Junior RINVIL